Cette article est issu de la documentation Droit des affaires des Editions Législatives .
Pour tester gratuitement la documentation Droit des affaires pendant 2 semaines, cliquez ici.
En application de l’article 1er de la loi n°2020-1508 du 3 décembre 2020 portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne, l’ordonnance n°2021-1247 du 29 septembre 2021 propose l’adoption des mesures relevant du domaine de la loi nécessaires à la transposition de deux directives :
la directive 2019/770 relative à certains aspects concernant les contrats de fourniture de contenus numérique et de services numériques.
la directive 2019/771 relative à certains aspects concernant les contrats de vente de biens numériques.
Ces directives améliorent la protection des consommateurs en renforçant la garantie légale de conformité des produits, contenus et services numériques, en prévoyant que dès l’achat ou la prestation, le produit ou le service concerné doit être conforme à l’usage attendu ou à la description qui en est faite par le vendeur ou le prestataire. Sont visés tant les produits numériques tels qu’un abonnement à une chaîne numérique ou l’achat d’un produit vidéo en ligne, que les relations contractuelles des consommateurs avec les opérateurs des réseaux sociaux.
Objectifs de l’ordonnance
La transposition des deux directives vise à moderniser le cadre juridique de la protection des consommateurs, tenant compte de l’accroissement des ventes de produits connectés comme l’internet des objets et la fourniture de contenus ou services numériques sous différentes formes. Les règles transposées sont destinées :
à conforter et adapter le régime actuel de garantie légale de conformité des biens en vigueur depuis 2005 (C. consom., art. L. 217-1) en consacrant des dispositions nouvelles aux biens comportant des éléments numériques,
à créer un régime analogue de garantie de conformité pour les contrats de fourniture de contenus et de services numériques,
à encadrer cette nouvelle catégorie contractuelle par des règles relatives à leur formation, leur modification et leur durée.
Apports de l’ordonnance
L’ordonnance de transposition introduit des mesures nouvelles et des modifications substantielles. Les modalités de mise en œuvre de la garantie légale de conformité et les délais applicables sont aménagés au sein des dispositions du code de la consommation actuellement en vigueur pour les biens (Ord., art. 9) et dans une section distincte nouvelle pour les contenus et services numériques (Ord., art. 12).
Domaine d’application de la garantie légale de conformité
Ces articles définissent le domaine d’application de la garantie légale de conformité pour les biens, les contenus et les services numériques. La garantie légale de conformité est applicable aux contrats conclus entre professionnels et consommateurs comme à ceux conclus entre professionnels et non-professionnels (C. consom., nouvel art. L. 217-32 pour la vente des biens et nouvel art. L. 224-25-31 pour la fourniture de contenus numériques et de services numériques). L’application de la garantie aux contrats conclus entre professionnels et non-professionnels est justifiée puisque le non-professionnel est dans une situation comparable à celle du consommateur dans le cas de la vente de biens ou de la fourniture de contenus numériques. La garantie concerne tout contrat à titre onéreux, y compris les contrats par lesquels le professionnel reçoit un avantage au lieu ou en complément d’un prix. Le nouvel article L. 112-4-1 du code de la consommation dispose en effet : « lorsque le contrat de vente de biens ou le contrat de fourniture de contenus numériques ou de services numériques ne prévoit pas le paiement d’un prix, le professionnel précise la nature de l’avantage procuré par le consommateur au sens des articles L. 217-1 et L. 224-25-2 ». Tel sera le cas notamment lorsque le professionnel procèdera à la valorisation des données à caractère personnel collectées auprès d’un consommateur usager d’un réseau social.
La garantie légale de conformité est exclue pour les biens d’occasion vendus aux enchères publiques et les biens vendus par autorité de justice. Sont également exclus les contrats de vente d’animaux domestiques, lesquels restent couverts par les dispositions spécifiques du code rural qui renvoient sous certaines conditions à la garantie des vices cachés du code civil. En matière d’éléments numériques, sont exclus certains services comme les jeux d’argent et de hasard, les services financiers ou les documents administratifs.
Appréciation de la conformité et mise en œuvre de la garantie légale de conformité
Règles générales : critères de conformité, recours et durée de la garantie
Dans le cas d’apparition d’un défaut de conformité, les consommateurs pourront exercer certains recours à l’encontre du professionnel partie au contrat, vendeur du bien ou fournisseur du contenu numérique ou du service numérique.
La conformité du bien, comme la conformité du contenu numérique ou du service numérique, est déterminée selon les exigences prévues au contrat ou, s’il y a lieu, selon certaines exigences objectives qui sont légitimement attendues du consommateur pour ce type de bien ou ce type de contenu ou service numérique. La durabilité du bien constituera en particulier un critère objectif de conformité qui pourra s’apprécier au regard des obligations spécifiques à chaque famille de produits selon le droit national, le droit de l’Union ou d’autres normes.
En cas de défaut de conformité du bien, les recours ouverts au consommateur sont inchangés : le consommateur a droit à la mise en conformité du bien, soit sous la forme d’une réparation, soit sous celle d’un remplacement du bien, sans frais, sans inconvénient majeur et dans un délai raisonnable ne pouvant dépasser 30 jours. A défaut, il peut obtenir une réduction du prix ou la résolution du contrat.
En cas de défaut de conformité des contenus ou services numériques, les recours du consommateur sont prévus de manière quasi identique : le consommateur a droit à la mise en conformité du contenu numérique ou du service numérique sans frais, sans inconvénient majeur et sans retard injustifié. A défaut, il peut aussi obtenir une réduction du prix ou la résolution du contrat.
La durée de la garantie légale de conformité des biens est fixée à deux ans avec une présomption d’antériorité du défaut. En d’autres termes, si un défaut de conformité apparaît dans les deux ans suivant l’achat, le consommateur peut se retourner contre le vendeur, sans avoir à prouver que le défaut existait au moment de la vente. Il incombe au professionnel de rapporter la preuve contraire et de démontrer que le défaut n’existait pas et ce, conformément à la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014 relative à la consommation.
Dans certains cas, la garantie légale de conformité est étendue afin de tenir compte de la diversité des situations couvertes par la directive (UE) 2019/771 :
ainsi, lorsque le contrat de vente prévoit la fourniture continue d’un élément numérique, contenu ou service, pendant une période inférieure à deux ans, la durée de la garantie légale de conformité demeure fixée à deux ans ;
si le contrat prévoit la fourniture continue d’un élément numérique pendant une période donnée supérieure à deux ans, la garantie légale de conformité et la présomption d’antériorité du défaut continuent à couvrir le ou les éléments numériques concernés durant cette période, les autres éléments du bien demeurant garantis pendant deux ans.
La durée de la garantie légale de conformité pour les contrats de fourniture de contenus numériques et de services numériques est égale à :
deux ans pour la fourniture de contenus ou services numériques moyennant une opération de fourniture unique, notamment le téléchargement d’un fichier ou l’achat d’un DVD, la présomption d’antériorité du défaut étant d’un an ;
la même durée de deux ans pour le contenu ou service numérique, si cet élément numérique est fourni de manière continue pendant une certaine durée prévue au contrat notamment un abonnement d’un an à une radio en streaming.
Obligations spécifiques
Des obligations spécifiques sont prévues pour les éléments numériques, qu’ils fassent l’objet d’un contrat spécifique de fourniture ou qu’ils soient essentiels aux fonctionnalités d’un bien connecté.
Il s’agit en particulier du droit du consommateur d’être informé et de recevoir les mises à jour qui sont nécessaires au maintien de la conformité, de l’encadrement des éventuelles modifications du contenu ou du service numérique intervenant après la conclusion du contrat. Le consommateur a également le droit de refuser des modifications logicielles allant au-delà de ce qui est prévu au contrat et de ce qui est nécessaire pour assurer la conformité du bien comme la sécurité ou la maintenance.
Il s’agit aussi du droit du consommateur de récupérer les contenus utilisés en cas de résolution du contrat. A ce titre, l’ordonnance reprend en substance les innovations introduites par la loi n° 2020-105 du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire, dite loi AGEC (anti-gaspillage pour une économie circulaire), dont certaines transposaient les directives par anticipation (L., art. 3, 5 et 9).
Les principales mesures de cette loi qui ne sont pas prévues par les directives sont l’obligation faite au fabricant de fournir au vendeur une information sur la durée de fourniture des mises à jour, le vendeur devant en informer le consommateur, et le droit du consommateur de bénéficier d’une extension de la garantie légale de conformité lorsqu’il demande la réparation du bien.
Du fait de leur proximité les contrats de fourniture de contenus numériques et les contrats de fourniture de services numériques seront soumis à certaines dispositions relatives aux contrats de services de communications électroniques. Il s’agit des principales obligations d’information contractuelle, du plafonnement de la durée d’engagement des consommateurs à deux ans, ou encore du délai de préavis maximum de dix jours lorsque le consommateur a droit à la résiliation.
Sanctions
Des sanctions sont applicables en cas de non-respect de la mise en œuvre de la garantie légale de conformité des biens, des contenus et des services numériques (Ord., art. 13, 14 et 15).
D’une part, si en cas de résolution du contrat, le professionnel n’a pas remboursé la totalité des sommes versées par le consommateur alors qu’il n’a pas rempli les obligations prévues à l’article 13 de l’ordonnance, cette somme est de plein droit majorée de 10 % si le remboursement intervient au plus tard quatorze jours après le terme prévu, de 20 % s’il intervient au plus tard trente jours après celui-ci, et de 50 % s’il est effectué au-delà de ce dernier terme.
D’autre part, outre des amendes administratives complétant le dispositif actuellement limité au formalisme de la garantie commerciale, une amende civile pourra être prononcée par le juge à la demande du consommateur, d’une association agréée de défense des consommateurs, de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) ou du ministère public, lorsque le professionnel fait obstacle de mauvaise foi à la mise en oeuvre de la garantie légale de conformité, notamment par manquement délibéré ou par des manœuvres dilatoires. Le montant de l’amende ne peut excéder 300 000 euros, mais il peut être porté de manière proportionnée aux avantages tirés des pratiques en cause à 10 % du chiffre d’affaires moyen annuel, calculé sur les trois derniers chiffres d’affaires annuels connus à la date de la décision (Ord., art. 14 et 15).
Information des consommateurs et terminologie
En matière d’information des consommateurs, l’ordonnance adapte l’obligation générale d’information précontractuelle, l’information sur les prix et les conditions de vente ainsi que les exigences relatives à la présentation des contrats, en particulier des conditions générales de vente (Ord., art. 2, 4 et 6).
Le chapitre relatif à la délivrance, la fourniture et le transfert de risque est réorganisé afin d’y intégrer certaines règles actuellement prévues aux articles L. 217-18 à L. 217-20 du code de la consommation (Ord., art. 8).
S’agissant de la terminologie, les définitions prévues par les directives, dont certaines sont déjà applicables à plusieurs chapitres du code de la consommation, sont énumérées dans la liste ci-après et sont regroupées dans un chapitre préliminaire à l’article 1er du titre 1er de ce code, à l’exception de quelques définitions spécifiques au langage numérique.
Consommateur : toute personne physique qui agit à des fins qui n’entrent pas dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole ;
Non-professionnel : toute personne morale qui n’agit pas à des fins professionnelles ;
Professionnel : toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui agit à des fins entrant dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole, y compris lorsqu’elle agit au nom ou pour le compte d’un autre professionnel ;
Producteur : le fabricant d’un bien, l’importateur d’un bien dans l’Union européenne ou toute autre personne qui se présente comme producteur en apposant sur le bien son nom, sa marque ou un autre signe distinctif ;
Bien comportant des éléments numériques : tout bien meuble corporel qui intègre un contenu numérique ou un service numérique ou qui est interconnecté avec un tel contenu ou un tel service, de manière telle que l’absence de ce contenu numérique ou de ce service numérique empêcherait le bien de remplir ses fonctions ;
Contenu numérique : des données produites et fournies sous forme numérique ;
Service numérique : un service permettant au consommateur de créer, de traiter ou de stocker des données sous forme numérique ou d’y accéder, ou un service permettant le partage ou toute autre interaction avec des données sous forme numérique qui sont téléversées ou créées par le consommateur ou d’autres utilisateurs de ce service ;
Support durable : tout instrument permettant au consommateur ou au professionnel de stocker des informations qui lui sont adressées personnellement afin de pouvoir s’y reporter ultérieurement pendant un laps de temps adapté aux fins auxquelles les informations sont destinées et qui permet la reproduction à l’identique des informations stockées ;
Fonctionnalité : la capacité d’un bien, d’un contenu numérique ou d’un service numérique à remplir ses fonctions eu égard à sa finalité ;
Compatibilité : la capacité d’un bien, d’un contenu numérique ou d’un service numérique à fonctionner avec du matériel informatique ou des logiciels, avec lesquels des biens, des contenus numériques ou des services numériques de même type sont normalement utilisés, sans qu’il soit nécessaire de convertir lesdits biens, matériels, logiciels, contenus numériques ou services numériques ;
Interopérabilité : la capacité d’un bien, d’un contenu numérique ou d’un service numérique à fonctionner avec du matériel informatique ou des logiciels différents de ceux avec lesquels des biens, des contenus numériques ou des services numériques de même type sont normalement utilisés ;
Durabilité : la capacité d’un bien à maintenir les fonctions et performances requises dans le cadre d’un usage normal ;
Données à caractère personnel : les données à caractère personnel telles que définies à l’article 4, point 1, du règlement (UE) 2016/679 du 27 avril 2016 relatif à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données ».
(Ordonnance n° 2021-1247 du 29 septembre 2021 relative à la garantie légale de conformité pour les biens, les contenus numériques et les services numériques, JO 30 sept. 2021)
Max Vague Docteur en droit, Maître de conférences des universités, Avocat
Cette article est issu de la documentation Droit des affaires des Editions Législatives .
Pour tester gratuitement la documentation Droit des affaires pendant 2 semaines, cliquez ici.