Il exposera les fondements et l’intérêt de l’habilitation TIG (I), décrira la procédure à suivre jusqu’à l’obtention de l’habilitation (II). La fin de cet article dressera un bilan non exhaustif du TIG basé sur quelques statistiques ainsi que sur le recueil de témoignages (III).
I- Les fondements et l’intérêt de l’habilitation du travail d’intérêt général.
La peine de travail d’intérêt général poursuit deux objectifs : présenter une alternative aux courtes peines pour favoriser la réinsertion des condamnés par le travail pour prévenir la récidive (A). Cette réforme ambitieuse justifie le suivi d’un parcours strict par les futurs habilités (B).
A- Le travail d’intérêt général : la peine de l’équilibre entre l’ordre public et la condamnation à la réinsertion pénitentiaire.
Le travail d’intérêt général a été créé par la loi du 10 juin 1983 portant abrogation ou révision de certaines dispositions de la loi du 2 février 1981 et complétant certaines dispositions du Code pénal (CP) et du Code de procédure pénale (CPP).
Cette mesure figure à l’article 138-1 CP : « Le travail d’intérêt général est encouru à titre de peine principale ou de peine complémentaire dans les cas prévus par la loi ou le règlement ». Ainsi, lorsqu’un individu coupable d’une infraction appartenant à la catégorie des contraventions de 5ᵉ classe [2] ou d’un délit. La substitution de la peine d’emprisonnement par le TIG est également possible [3]. Néanmoins, l’article 132-57 CPP impose un seuil légal. Seules les infractions punies d’une peine d’emprisonnement d’une durée de 6 mois (Conduite sans permis, dégradation légère de biens publics ou privés, outrage à agent de la force publique...) peuvent être converties. Dans le cas du recours au TIG en tant que peine complémentaire, « conversion-STIG », le JAP [4] compétent selon l’article 132-54 CP, a la possibilité d’aménager la peine d’enfermement prononcée lors du jugement. Le condamné bénéficiera alors d’un sursis probatoire sous son contrôle et celui du SPIP [5]. Une activité professionnelle non rémunérée devra être exercée dans les 18 mois après le caractère exécutoire de cette décision [6]. Le volume horaire sera compris entre 20 et 400 heures (V. tableau ci-dessous) [7].
Nature de l’infraction | Volume horaire minimum du TIG | Volume horaire maximum du TIG |
---|---|---|
Contraventions | Min : 20 heures | Max : 120 heures |
Délits commis après le 25/03/2020 | Min : 20 heures | Max : 400 heures |
Délits commis entre le 01/10/2014 et le 24/03/2020 | Min : 20 heures | Max : 280 heures |
Délits commis avant le 01/10/2014 | Min : 20 heures | Max : 110 heures |
B- Pourquoi une procédure d’habilitation garantit-elle le sérieux, la sécurité et l’utilité sociale ?
L’Atigip se charge de recevoir et de sélectionner les organismes candidats à l’habilitation d’accueil des personnes exerçant des TIG. Pour ce faire, tout volontaire, doit, au préalable compléter un formulaire d’intégration au dispositif TIG [8]. Il s’agit pour cette agence du Ministère de la justice d’assurer ses prérogatives en la matière. Le contrôle judiciaire effectué par le JAP et le Procureur de la République garantit l’indépendance et la rigueur du processus de sélection, ce qui renforce la crédibilité du dispositif. Cette crédibilité repose sur l’application stricte des règles figurant dans les guides pratiques [9], garantes du sérieux, de la sécurité et de l’utilité sociale des structures d’accueil. Ce cadre veille à :
1. La lutte contre les dérives par le contrôle du respect du cadre légal posé par le droit du travail.
- L’habilitation permet d’éviter que des structures ne détournent le TIG à des fins lucratives ou pour remplacer des emplois salariés, en imposant une mission d’intérêt général strictement encadrée.
- La garantie que le TIG ne soit jamais utilisé comme une main-d’œuvre gratuite ou exploitée.
2. L’assurance d’une sélection d’organismes d’accueil sur la base de critères éthiques et sociaux.
- L’organisme doit démontrer sa capacité à proposer un environnement bienveillant, non discriminant, respectueux de la dignité humaine.
- Les valeurs portées par la structure sont examinées lors de l’habilitation.
3. La formation et l’information du tuteur.
- Les structures habilitées s’engagent à former les tuteurs à l’accueil de publics parfois en difficulté, afin d’assurer un accompagnement adapté et bienveillant. Tout au long de leur mission d’encadrement, l’Atigip met des ressources à disposition des organismes et des tuteurs volontaires ; et ce notamment via l’espace dédié TIG 360°.
- Les tuteurs sont sensibilisés à la mission de réinsertion et à la gestion des situations particulières (mineurs, personnes vulnérables…).
4. L’évaluation régulière et le renouvellement de l’habilitation.
- L’habilitation n’est pas acquise définitivement : elle fait l’objet d’un contrôle périodique et peut être retirée en cas de manquement.
- Ce suivi garantit une amélioration continue des pratiques et la pérennité du sérieux des structures.
5. La sauvegarde du lien institutionnel avec le SPIP et le JAP.
- La structure s’engage à collaborer activement avec le Service pénitentiaire d’insertion et de probation (SPIP) et le juge de l’application des peines (JAP), ce qui favorise le suivi individualisé et la réactivité en cas de difficulté. Par ailleurs, le Ministère de la Justice affilie les organismes à la Sécurité sociale et engage sa responsabilité dans toute situation éventuellement créatrice d’un dommage causé par la personne accueillie. Enfin, l’Atigip précise que l’organisme peut interrompre sa mission. Le tigiste sera alors affecté à une autre structure.
6. Le respect des droits des tigistes.
- La procédure d’habilitation protège les personnes condamnées en s’assurant que leurs droits fondamentaux (santé, sécurité, respect de la vie privée) sont garantis dans la structure d’accueil.
II. La procédure d’habilitation ou un parcours rigoureux.
La procédure d’habilitation est donc sélective, faites-vous partie des organismes éligibles à l’habilitation ? (A) Dans l’affirmative, de quelles pièces avez-vous besoin pour garantir le succès de cette procédure, quelles sont les étapes vers l’habilitation, quels sont les acteurs intermédiaires ? (B) Quelle est sa durée renouvelable ? (C).
A- Faites-vous partie des organismes éligibles à l’habilitation ?
La procédure d’habilitation et ses modalités figurent dans le Code pénal [10], dans les décrets d’application et dans les guides du ministère de la Justice.
B- De pièces en pièces, d’étapes en étapes, d’acteurs en acteurs… destination le dossier d’habilitation.
La première étape est la réunion des pièces requises nécessaires à la constitution du dossier de demande d’habilitation. Elles sont répertoriées dans le guide du TIG (p. 263) :
- Les statuts de votre organisme ;
- La description des missions proposées ;
- L’attestation de votre capacité d’accueil et d’encadrement ;
- La liste des encadrants et leurs qualifications ;
- Les engagements sur la sécurité, la formation et la réinsertion ;
- Autres documents administratifs (justificatifs d’identité, bilans, etc.)
Ensuite, la procédure d’examen de votre demande suivra ce parcours :
- Dépôt du dossier devant le SPIP ;
- Instruction du dossier et avis consultatif du juge de l’application des peines (JAP) et du procureur de la République ;
- Décision d’habilitation prise par le directeur du SPIP notifiée aux parties concernées (structure, tribunal, JAP, procureur, préfet).
Conformément au Code pénal [11] et au Guide du TIG, les critères en faveur d’une demande d’habilitation recevable sont :
- L’utilité sociale des missions ;
- Le caractère formateur pour la réinsertion ;
- Le respect des règles de sécurité et d’encadrement.
Afin de vous soutenir dans vos démarches, vous pouvez consulter l’Arrêté du 16 décembre 2019. Il mentionne les catégories d’organismes habilités à accueillir des TIG.
Pour finir, en cas de décision de rejet de votre demande d’habilitation, un recours (pour excès de pouvoir) devant le juge administratif est envisageable.
Le juge de l’excès de pouvoir vérifiera la légalité de la décision au regard des critères susmentionnés posés. D’autres voies de recours existent :
- Le recours gracieux ou demande de réexamen adressée à l’autorité qui a pris la décision (par exemple, le directeur du SPIP) ;
- Le recours hiérarchique par la saisine du supérieur hiérarchique de l’auteur de la décision (le préfet ou le ministère de la Justice) ;
- Le référé-suspension réservé aux situations d’urgence, il permet de demander au juge administratif la suspension de l’exécution de la décision litigieuse, dans l’attente du jugement au fond [12].
En tout état de cause, en application de la loi du 12 mai 2009 et de ses décrets d’application précisent que le JAP doit consulter les acteurs concernés et motiver sa décision afin de respecter le principe du contradictoire, directeur de toutes les procédures. La violation de cette règle serait de nature à entacher de nullité les décisions de rejet ou de retrait d’habilitation d’annulation, soit favoriserait le succès de votre recours éventuel.
C- La durée et le suivi de l’habilitation.
L’habilitation n’est pas qu’un passeport : elle entraîne un suivi et une obligation d’information continue auprès du JAP en cas de modification des conditions d’accueil, de l’équipe encadrante, ou de tout autre élément fourni lors de l’habilitation [13]. Au bout de 5 ans, cette juridiction décidera du maintien ou du retrait de l’habilitation. En cas de désaccord, les voies de recours en contestation de la décision de retrait sont identiques à celles possibles en vue d’obtenir l’annulation de la décision de rejet d’habilitation.
Bilan du TIG... ce qu’en pensent les personnes concernées.
Pour conclure, voici un tableau illustrant l’évolution de l’influence des TIG sur la chute de la récidive [14] des années 2010 à 2025.
Élément analysé | Données/Constats principaux | Période | Source(s) |
---|---|---|---|
Taux de récidive après TIG | 34 % à 5 ans après un TIG (vs 61 % après prison ferme) | 2000–2010 | Rapport Justice, 2018 |
Taux de récidive après TIG | Près de 60 % à 5 ans, taux proche de l’emprisonnement ferme | 2023–2025 | Cour des comptes, 2025 |
Évolution des profils des condamnés | Plus de jeunes, précaires, multirécidivistes, profils plus complexes, insertion socio-pro faible | 2019–2025 | Cour des comptes, 2025, OIP/Forum TIG |
Les différentes données recueillies attestent d’une baisse de l’influence positive de cette peine en matière de lutte contre la récidive à partir de 2019. Effectivement, la hausse à près de 60% est documentée par la Cour des comptes [15] et confirmée dans des rapports récents [16] Pour endiguer ce phénomène, la Cour des comptes et le ministère de la Justice ont formulé plusieurs préconisations :
- Renforcer la formation et le soutien des organismes habilités pour garantir un encadrement de qualité ;
- Développer l’accompagnement socio-éducatif des tigistes, avec un suivi individualisé et un lien renforcé avec les structures d’insertion ;
- Adapter la durée et le volume horaire du TIG en fonction du profil et des besoins des condamnés ;
- Améliorer la coordination entre les acteurs judiciaires, pénitentiaires et associatifs pour une meilleure prise en charge globale ;
- Mieux évaluer les résultats et la qualité des TIG grâce à des indicateurs précis et un suivi statistique régulier ;
- Sensibiliser davantage les condamnés à l’importance du TIG dans leur parcours de réinsertion.
Mais pour l’heure qu’en disent les acteurs principaux ?
"Trente ans après sa mise en place, plus personne ne remet en cause l’utilité du TIG" [17].
"Après leur passage, les anciens tigistes font souvent partie des bénévoles phares de la structure", Organisme du Rhône habilité.
"Le TIG, je trouve que c’est mieux que le bracelet électronique, où l’on se retrouve à ne rien faire, enfermé chez soi", Anthony, tigiste [18].
Discussions en cours :
Merci pour la rédaction de cet article fort instructif et comme le dit l’un des bénéficiaire de TIG "... je trouve que c’est mieux que le bracelet électronique"
Merci pour cet article qui met en lumière l’importance de l’habilitation des organismes accueillant des TIG. Ce dispositif contribue à garantir la qualité de l’accueil et à renforcer la dimension constructive du travail d’intérêt général dans notre système pénal.
Madame,
Merci pour vos mots. J’espère que vous avez pu trouver des ressources encourageant la poursuite de votre réflexion autour de cette problématique au cœur de notre système pénal actuel, comme vous l’avez souligné avec justesse.