À bien des égards, les effets consécutifs au management maladroit, causant le harcèlement moral et le burnout dépassent la sphère individuelle à travers le nombre des victimes par ricochet : la famille, la carrière et la société, en plus du temps, parfois infini, de la reconstruction.
En cela, par un récent arrêt, la Cour de cassation a jugé que le manquement du manager à son obligation de sécurité justifie son licenciement pour faute grave (Cass. Soc. 26 février 2025, n° 22-23.703).
Compte tenu de son obligation de sécurité, instituée par les articles L4121-1 et L4121-2 du Code du travail, l’employeur doit prendre toutes les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé tant physique que mentale de ses salariés, laquelle est considérée comme obligation de moyen renforcée [4].
Les mesures nécessaires.
Retentissante et à forte portée pédagogique dans son arrêt du 9 avril 2025 [5], la Cour de cassation livre un canevas des mesures à prendre, lorsqu’un salarié dénonce des faits susceptibles de caractériser un harcèlement moral, permettant ainsi à l’employeur de justifier qu’il a satisfait à son obligation de sécurité.
Pourtant, l’employeur peut s’exonérer de sa responsabilité s’il justifie avoir pris toutes les mesures nécessaires pour préserver la santé et la sécurité des salariés : « Ne méconnaît pas l’obligation légale lui imposant de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs, notamment en matière de harcèlement moral, l’employeur qui justifie avoir pris toutes les mesures de prévention prévues par les articles L4121-1 et L4121-2 du Code du travail et qui, informé de l’existence de faits susceptibles de constituer un harcèlement moral, a pris les mesures immédiates propres à le faire cesser » [6].
Dans le cas d’espèce, la Haute juridiction jugeait qu’il ne résultait pas des constatations de la cour d’appel que "l’employeur avait pris toutes les mesures de prévention visées aux articles L4121-1 et L4121-2 du Code du travail et, notamment, avait mis en œuvre des actions d’information et de formation propres à prévenir la survenance de faits de harcèlement moral".
Concrètement, cela se traduit par, à la fois, l’immédiateté et la pertinence des mesures prises. De telle sorte que, l’employeur qui réagit immédiatement, au travers des mesures adaptées, remplit son obligation de sécurité. En vertu des articles L4121-1 et L4121-2 du Code du travail, « L’employeur est tenu, en vertu de son obligation de sécurité, de prendre toutes les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale de ses salariés. Il ne méconnaît pas cette obligation légale s’il justifie avoir pris toutes les mesures prévues par les articles L4121-1 et L4121-2 Code du travail ».
En l’espèce, une salariée est licenciée pour inaptitude et impossibilité de reclassement.
Estimant avoir subi un harcèlement moral et reprochant à son employeur d’avoir manqué à son obligation de sécurité, elle saisit le Conseil de prud’hommes.
Écartant les demandes de la salariée, la cour d’appel juge que :
- la salariée a fait état dès 2012 des difficultés rencontrées avec sa supérieure hiérarchique et de la souffrance que lui causait le « management » de cette dernière ;
- l’employeur n’avait eu connaissance de ce mal-être qu’en mars 2017 et avait dès ce moment mis en place un suivi de la salariée par le médecin du travail et la directrice des ressources humaines, puis diligenté une enquête interne.
De cette enquête, pour les juges du fond, il ressortait un mal-être des collègues de la salariée lié au comportement agressif de celle-ci, à l’origine d’une ambiance pesante au sein du service, l’employeur avait maintenu au bénéfice de la salariée un dispositif spécifique lors de sa reprise : un entretien hebdomadaire avec la direction des ressources humaines, un suivi régulier de l’évolution de sa situation et la mise à disposition d’un psychologue.
Dès lors, les premiers juges en ont déduit que l’employeur n’avait pas manqué à son obligation de sécurité.
Appréciation des faits suivie par la Cour de cassation. Laquelle réaffirme le principe constant appliqué à la souffrance au travail : "Si la salariée soutenait avoir fait état dès 2012 des difficultés rencontrées avec sa supérieure hiérarchique et de la souffrance que lui causait le « management » de cette dernière, l’employeur n’avait eu connaissance de ce mal-être qu’en mars 2017 et avait dès ce moment mis en place un suivi de la salariée par le médecin du travail et la directrice des ressources humaines, puis diligenté une enquête interne afin d’évaluer les causes des difficultés évoquées par la salariée et de tenter d’y remédier.
L’arrêt ajoute qu’il ressortait de cette enquête un mal-être des collègues de la salariée lié au comportement agressif de celle-ci, à l’origine d’une ambiance pesante au sein du service, et que l’employeur avait maintenu au bénéfice de la salariée un dispositif spécifique lors de sa reprise, à savoir un entretien hebdomadaire avec la direction des ressources humaines, un suivi régulier de l’évolution de sa situation et la mise à disposition d’un psychologue.
La cour d’appel qui en a déduit que l’employeur n’avait pas manqué à son obligation de sécurité, de sorte que les demandes de la salariée au titre d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse et à titre de dommages-intérêts pour manquement à l’obligation de sécurité devaient être rejetées, a légalement justifié sa décision" [7].
Par ailleurs, sous l’impulsion des nouveaux usages, il y a lieu de noter le durcissement des obligations de sécurité imposant la protection de la santé physique et mentale des collaborateurs [8], le lien de subordination est appelé à évoluer :
- tendre vers un modèle coopératif,
- favoriser la prise d’initiative, la reconnaissance,
- privilégier les méthodes agiles,
- élargir la délibération.
Par suite, combattre le management toxique procède d’un axe gagnant. De même, les avantages sont infiniment reluisants pour l’organisation :
- qualité du climat social améliorée,
- fidélisation des talents,
- productivité ; innovation ; compétitivité,
- réduction du turn-over, de l’absentéisme.
Dans le même ordre d’idées, l’employeur est tenu d’étayer les actions de prévention prises, notamment la prévention des RPS, la tenue et la mise à jour du DUEPP, en vertu des articles L4121- 1, L4121-2. Aussi, au titre de l’article L4121-3 du Code du travail, l’employeur doit intégrer les résultats de cette évaluation dans le Document unique d’évaluation des risques professionnels (DUERP) (Pour aller plus loin : Risques professionnels - DUERP : obligation de prévention et faute inexcusable de l’employeur).
Obligation de sécurité de l’employeur et de prévention des RPS.
Tel qu’exposé infra, eu égard à l’obligation légale de prévention des risques psychosociaux et l’obligation de sécurité, les organisations sont tenues de prendre les mesures nécessaires à l’effet : "d’assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs" [9].
Dès lors, selon une jurisprudence constante, le juge ne peut refuser de prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail d’un salarié, et ses demandes indemnitaires, victime de faits de harcèlement dans l’entreprise, sans qu’il résulte de ses constatations que l’employeur avait pris toutes les mesures de prévention visées aux articles L4121-1 et L4121-2 et, notamment, avait mis en œuvre des actions d’information et de formation propres à prévenir la survenance de faits de harcèlement moral [10].
À cet égard, suivant le même raisonnement, en cas d’imprudence du salarié, le juge doit vérifier que l’employeur a bel et bien pris toutes les mesures à l’effet d’assurer la santé et la sécurité du salarié [11].
Charge de la preuve.
S’agissant du régime de la preuve, lorsque le salarié invoque un manquement de l’employeur aux règles de prévention et de sécurité à l’origine de l’accident du travail dont il a été victime, il appartient à l’employeur de justifier avoir pris toutes les mesures prévues par le Code du travail ; en déboutant le salarié de sa demande de résiliation judiciaire pour manquement à l’obligation de sécurité au motif qu’il n’a pas démontré la réalité des manquements de l’employeur qu’il invoque, la cour d’appel a inversé la charge de la preuve [12]
En d’autres termes, la reconnaissance du harcèlement n’exige pas que le salarié rapporte la preuve de la détérioration de son état de santé et des conditions de travail. Il s’agit d’une présomption : des faits laissant supposer l’existence du harcèlement [13].
Par ailleurs, il importe de préciser que l’obligation de sécurité s’étend aux tiers à l’entreprise. Par voie de conséquence, l’employeur doit répondre des agissements des personnes qui exercent, de fait ou de droit, une autorité sur les salariés.
Ainsi, la Cour de cassation a admis le harcèlement, commis sur la un salarié, imputable à un formateur extérieur à l’entreprise [14].
Dans le même sens, les agissements discriminatoires à l’égard d’une salariée commis par les bénévoles d’une association engagent la responsabilité de l’employeur : "Au visa de l’article L1132-1 du Code du travail, ensemble les articles L4121-1 et L4121-2 du même Code : par des motifs impropres à caractériser l’absence d’autorité de droit ou de fait exercée sur la salariée par les auteurs d’agissements discriminatoires alors qu’elle avait constaté que l’insulte à connotation sexiste, proférée par un bénévole, et le jet par d’autres de détritus sur la salariée avaient eu lieu à l’occasion d’une soirée organisée par l’employeur dans les cuisines du restaurant de l’association en présence d’un salarié de l’entreprise, tuteur devant veiller à l’intégration de la salariée titulaire d’un contrat de travail s’accompagnant d’un contrat d’aide à l’emploi, sans que celui-ci réagisse, la Cour d’appel, qui n’a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé les textes susvisés" [15].
C’est le cas, aussi, de la protection reconnue au travailleur intérimaire. En clair, aussi bien l’entreprise de travail temporaire et l’entreprise utilisatrice sont tenues, à l’égard des salariés mis à disposition, d’une obligation de sécurité dont elles doivent assurer l’effectivité, chacune au regard des dispositions que les textes mettent à leur charge en matière de prévention des risques [16].
S’agissant des conventions forfait jour, dès lors que l’employeur ne justifie pas avoir pris : "les dispositions nécessaires de nature à garantir que l’amplitude et la charge de travail du salarié titulaire d’une convention de forfait en jours restent raisonnables et assurent une bonne répartition dans le temps du travail et donc à assurer la protection de la sécurité et de la santé de l’intéressé, ce dont il résulte que l’employeur a manqué à son obligation de sécurité, il appartient à la cour d’appel de vérifier si un préjudice en a résulté" [17].
Obligation de sécurité et harcèlement.
Au fond, l’obligation de prévention des risques professionnels et du harcèlement est distincte de la prohibition des agissements de harcèlement moral et ne se confond pas avec elle [18].
En matière de harcèlement, la prévention des risques professionnels se situe à deux niveaux. En termes de mesures anticipatrices et de la nature de la réaction de l’employeur, à la suite d’un signalement du harcèlement.
En cela, de jurisprudence constante : "Aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ;
D’autre part, la responsabilité de l’employeur, tenu de prendre, les mesures nécessaires à la prévention des risques professionnels liés au harcèlement moral, n’exclut pas la responsabilité du travailleur auquel il incombe de prendre soin de la sécurité et de la santé des personnes concernées du fait de ses actes ou de ses omissions au travail ;
Il résulte de ces dispositions spécifiques aux relations de travail au sein de l’entreprise, qu’engage sa responsabilité personnelle à l’égard de ses subordonnés le salarié qui leur fait subir intentionnellement des agissements répétés de harcèlement moral" [19].
Surtout, l’obligation de prévention des risques professionnels est distincte de la prohibition des agissements de harcèlement moral et ne se confond pas avec elle ; l’absence de tels agissements ne s’oppose pas à ce que la responsabilité de l’employeur soit engagée sur le fondement d’un manquement à son obligation de sécurité [20].
En conséquence, l’obligation de prévention des risques psychosociaux doit être exécutée par les services de l’entreprise aux prises avec le quotidien et la réalité des conditions de travail. À titre d’illustration, une directrice de ressources humaines a été sanctionnée pour avoir manqué à cette vigilance : "La salariée, qui travaillait en très étroite collaboration avec le directeur du magasin, avait connaissance du comportement inacceptable de celui-ci à l’encontre de ses subordonnés et pouvait en outre s’y associer, qu’elle n’a rien fait pour mettre fin à ces pratiques alors qu’en sa qualité de responsable des ressources humaines, elle avait une mission particulière en matière de management, qu’il relevait de ses fonctions de veiller au climat social et à des conditions de travail « optimales » pour les collaborateurs, que la définition contractuelle de ses fonctions précisait qu’elle devait « mettre en œuvre, dans le cadre de la politique RH France, les politiques humaines et sociales » et que le responsable des ressources humaines est « un expert en matière d’évaluation et de management des hommes et des équipes » et retenu qu’en cautionnant les méthodes managériales inacceptables du directeur du magasin avec lequel elle travaillait en très étroite collaboration, et en les laissant perdurer, la salariée avait manqué à ses obligations contractuelles et avait mis en danger tant la santé physique que mentale des salariés" [21].
A contrario dans une autre affaire, les Hauts juges ont écarté la faute de la directrice des ressources humaines au travers d’une appréciation in concreto des mesures adoptées en réaction à un signalement du harcèlement.
En l’occurrence, une salariée a saisi la juridiction prud’homale d’une demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail en invoquant des faits de harcèlement moral et l’inertie de son employeur en matière de prévention des risques professionnels : "Ayant constaté que la directrice du magasin n’a été informée par la salariée des agissements de sa supérieure hiérarchique que le 9 juin 2017, que le même jour, une réunion a eu lieu entre la directrice, la salariée et un délégué du personnel pour évoquer les faits dénoncés par la salariée et lui proposer de changer de secteur, que le 14 juin, la salariée s’est entretenue avec le responsable des ressources humaines et que les 19 et 20 juin, une enquête a été menée par des représentants du comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail, la cour d’appel a légalement justifié sa décision" [22].
Notons que, en termes de périmètre de responsabilité, le juge ne peut limiter le montant des dommages-intérêts alloués pour manquements de l’employeur à son obligation de sécurité de résultat en raison de l’attitude du salarié qui avait accepté le risque qu’elle dénonçait dans le même temps [23].
Qui plus est, le manquement à l’obligation dé sécurité est susceptible de caractériser une faute inexcusable de l’employeur : "En vertu du contrat de travail le liant à son salarié, l’employeur est tenu envers ce dernier d’une obligation de sécurité de résultat, notamment en ce qui concerne les accidents du travail, le manquement à cette obligation a le caractère d’une faute inexcusable lorsque l’employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié, et qu’il n’a pas pris les mesures nécessaires pour l’en préserver" [24].
Les mesures immédiates.
En réaction à l’alerte inhérente au harcèlement, adressée à l’employeur ou au CSE [25], nombre de mesures, aussi réalisables que accessibles, sont de nature à écarter tout manquement au titre de l’obligation de sécurité et de protection de la santé physique et mentale des travailleurs. Parmi lesquelles, selon les cas :
- mutation,
- l’enquête,
- les sanctions à titre conservatoire (mise à pied),
- télétravail,
- dispense d’activité rémunérée,
- médiation en application de l’article L1152-6 du Code du travail.
Toujours est-il que le manager, au même titre que l’employeur, est tenu à une obligation de sécurité distincte.
L’obligation de sécurité du manager.
L’encadrement maladroit, la brutalité managériale procèdent d’une atteinte aux droits, d’une altération de la santé. Outre qu’il est un frein au bien-être professionnel (Voir une étude exhaustive : Harcèlement managérial : contours juridiques et responsabilité).
Par un récent arrêt d’importance, la Cour régulatrice a retenu que le manquement du manager à son obligation de sécurité justifie son licenciement pour faute grave.
Au fond, en plus des éléments sus exposés, au titre de l’article L4122-1 du Code du travail, le manager est soumis à une obligation de sécurité, soumise à un régime propre. Ainsi, conformément aux instructions "qui lui sont données par l’employeur, dans les conditions prévues au règlement intérieur pour les entreprises tenues d’en élaborer, il incombe à chaque travailleur de prendre soin, en fonction de sa formation et selon ses possibilités, de sa santé et de sa sécurité ainsi que de celles des autres personnes concernées par ses actes ou ses omissions au travail".
En l’occurrence, le manager a manqué à ses obligations contractuelles, pour la raison qu’il a « adopté à l’égard des collaboratrices placées sous son autorité :
- un comportement lunatique, injustement menaçant, malsain et agressif,
- ayant provoqué le départ de l’une d’elles,
- avait eu un mode de management maladroit et empreint d’attitude colérique
Ce qui constitue un manquement à son obligation en matière de sécurité et de santé » [26].
À plus d’un titre, cette décision confirme le renforcement de l’obligation de prévention et, du même coup, le durcissement des sanctions des pratiques managériales maladroites, de par leurs effets sur les effectifs [27].
Dans le même sens, cela renvoie à la notion de harcèlement moral managérial (voir : Management "toxique" : un manquement à l’obligation de sécurité et une faute grave susceptibles de constituer un harcèlement moral) : « peuvent caractériser un harcèlement moral les méthodes de gestion mises en œuvre par un supérieur hiérarchique dès lors qu’elles se manifestent pour un salarié déterminé par des agissements répétés, ayant pour objet ou pour effet d’entraîner une dégradation des conditions de travail susceptibles de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel » [28].
L’enquête interne.
Régie par un cadre jurisprudentiel étoffé qui tend à en préciser les contours, l’enquête interne utile, mais aucunement suffisante à elle-même, en guise de réaction adaptée, en cas de signalement de harcèlement, suscite nombre de critiques.
En effet, l’absence de réaction de l’employeur à un signalement peut caractériser un manquement à son obligation de prévention des risques et ce, même si les faits de harcèlement ne sont pas établis.
Sur le fondement de l’article L1152-4 du Code du travail, rappelons que " l’obligation de prévention du harcèlement moral, qui résulte de ce texte, est distincte de la prohibition des agissements de harcèlement moral instituée par l’article L1152-1 du Code du travail et ne se confond pas avec elle."
Dans un arrêt du 23 novembre 2022 [29], une cour d’appel déboute un salarié de sa demande relative à la prévention d’actes de harcèlement moral, au motif que la matérialité d’éléments de fait précis et concordants laissant supposer l’existence d’un harcèlement moral n’est pas démontrée. En outre, sa demande relative à la prévention des actes de harcèlement moral est rejetée.
Position censurée la Cour de cassation, estimant que : "Le salarié avait dénoncé le 21 juillet 2016 auprès de son employeur des agissements de harcèlement, sans réaction de celui-ci, et formait devant la cour d’appel une demande de dommages-intérêts distincte pour violation de l’obligation de prévention du harcèlement moral, la cour d’appel a violé le texte susvisé".
À souligner que l’enquête interne n’est pas obligatoire [30].
Aussi, la Haute juridiction a déclaré recevable comme mode de preuve une enquête interne menée par la direction des ressources humaines en raison d’un harcèlement moral invoqué par un salarié à l’encontre d’un collègue [31]. Pour aller plus loin : Harcèlement au travail : l’enquête interne.
Harcèlement et burnout.
En cela, les conditions de travail attentatoire à la santé, la dignité et l’avenir professionnel peuvent justifier :
- la qualification du harcèlement,
- reconnaissance du burnout ou une maladie professionnelle [32].
Sur ce point, il a été jugé que : « Ce n’est pas parce que la salariée n’a pas sombré dans la dépression ou qu’elle n’a pas développé un burn-out, qu’elle n’a pas subi un préjudice moral sérieux en ayant travaillé pendant plusieurs années sous le management abusif de M. Z » [33].
En outre, en ce qui concerne la charge de travail, l’absence d’entretiens annuels pour évoquer la charge de travail constitue un manquement à l’obligation de sécurité [34].
Plus généralement, l’employeur, tenu d’une obligation de sécurité de résultat en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs dans l’entreprise, doit en assurer l’effectivité : "Après avoir relevé que l’altération de la santé de la salariée résultait de la dégradation de ses conditions de travail et des pressions imposées par la restructuration de son entreprise, la cour d’appel a constaté que la maladie de cette salariée, qui avait eu en octobre 2002 un sérieux malaise à la suite d’un entretien individuel, était liée à ses conditions de travail et que l’employeur, pourtant alerté par plusieurs courriers de celle-ci, n’avait pris aucune mesure pour résoudre les difficultés qu’elle avait exposées ; qu’ayant ainsi, sans dénaturation, caractérisé un manquement de l’employeur à l’obligation de sécurité de résultat" [35].
En définitive, pour remplir pleinement son obligation de sécurité, il appartient à l’employeur de mettre en œuvre les mesures de prévention, effectives et continues. L’accompagnement du salarié se joue à ce niveau-là, avant la survenance du risque. À la suite de la dénonciation de faits de harcèlement, la réaction de l’employeur est jaugée à l’aune de sa réactivité, la pertinence des mesures prises, conformément au cadre légal et jurisprudentiel sans cesse renforcé, précisé, durci, confortant les droits essentiels du salarié.