La Cour de cassation a précisé les contours de ce statut dont les conditions sont fixées à l’article L3111-2 du Code du travail. Les conditions d’application du statut de cadre dirigeant sont appréciées strictement, par la Cour de cassation, afin de limiter les abus.
La Cour de cassation opère un contrôle de la qualité de cadre dirigeant.
Elle vérifie que la cour d’appel a caractérisé les 3 éléments cumulatifs du statut de cadre dirigeant : grande autonomie, grande responsabilité et rémunération parmi les plus élevés de l’entreprise ou l’établissement.
L’enjeu pour les entreprises est important.
En l’espèce le salarié réclamait 540 000 euros de rappel d’heures supplémentaires.
Les entreprises doivent utiliser ce statut de cadre dirigeant qu’avec parcimonie.
A défaut, elles exposent à un risque de voir écarté le statut de cadre dirigeant et de condamnation pour rappel d’heures supplémentaires si le salarié peut étayer ces dernières.
1) Faits et procédure.
M. [O] a été engagé en qualité d’ « european medical communications lead », statut cadre, groupe 9A, par la société Bristol-Myers Squibb, selon contrat à durée indéterminée du 11 octobre 2007.
En 2012, le salarié a été promu au poste d’« associate european medical lead ».
Licencié le 26 mars 2014, il a saisi, le 3 juillet 2015, la juridiction prud’homale de demandes tendant à la nullité de son licenciement et au paiement de diverses sommes au titre de l’exécution et de la rupture de son contrat de travail.
Le salarié contestait la qualité de cadre dirigeant et réclamait le paiement de ses heures supplémentaires.
Il a été débouté de sa demande par la Cour d’appel de Versailles.
Il s’est pourvu en cassation.
2) Moyens.
Le salarié fait grief à l’arrêt de la Cour d’appel de Versailles de le débouter de ses demandes en paiement d’une somme au titre de la violation des dispositions relatives au forfait annuel en jours, outre les congés payés afférents et d’une somme à titre de dommages-intérêts pour travail dissimulé.
La réunion des critères cumulatifs énoncés à l’article L3111-2 du Code du travail implique que seuls relèvent de la catégorie des cadres ceux qui participant à la direction de l’entreprise.
La cour d’appel relevait qu’il apparaît faire partie de l’équipe dirigeante ne rendant compte qu’à Mme [V], "« european medical lead hematology and immuno-oncology » et à l’« executive medical director oncology », poste indiqué vacant, ce dont il se déduit qu’il participait effectivement à la direction de l’entreprise’’.
Toutefois, le salarié plaidait que la cour d’appel n’avait pas caractérisé concrètement en quoi le salarié assumait des responsabilités dont l’importance impliquait une grande indépendance dans l’organisation de son emploi du temps, ni s’il était habilité à prendre des décisions de façon largement autonome et s’il percevait une rémunération se situant dans les niveaux les plus élevés de l’entreprise ou de l’établissement.
3) Motivation.
La Cour de cassation casse l’arrêt de la Cour d’appel de Versailles.
L’affaire est renvoyée à la Cour d’appel de Versailles autrement composée.
Au visa de l’article L3111-2 du Code du travail, elle affirme que sont considérés comme ayant la qualité de cadre dirigeant les cadres auxquels sont confiées des responsabilités dont l’importance implique une grande indépendance dans l’organisation de leur emploi du temps, qui sont habilités à prendre des décisions de façon largement autonome et qui perçoivent une rémunération se situant dans les niveaux les plus élevés des systèmes de rémunération pratiqués dans leur entreprise ou établissement.
Pour rejeter la demande en paiement d’heures supplémentaires, l’arrêt retient, s’agissant de la contestation par le salarié de son statut de cadre dirigeant, que l’intéressé fait d’abord valoir que l’organigramme de la société prévoit deux niveaux de responsabilités au-dessus de lui, que pour autant, au regard de cet organigramme, il apparaît faire partie de l’équipe dirigeante ne rendant compte qu’à Mme [V], « european medical lead hematology and immuno-oncology » et à l’ « executive medical director oncology », poste indiqué vacant, ce dont il se déduit qu’il participait effectivement à la direction de l’entreprise.
Il relève ensuite que le salarié indique lui-même, dans ses conclusions, qu’il occupait une position « stratégique » au sein du département oncologie du siège, confirmant ainsi qu’il participait effectivement à la direction de l’entreprise.
Il en conclut que les conditions réelles d’emploi du salarié, telles qu’elles sont décrites par les parties, conduisent à retenir que celui-ci relevait du statut de cadre dirigeant.
En se déterminant ainsi, sans caractériser en quoi le salarié disposait d’une grande indépendance dans l’organisation de son emploi du temps, était habilité à prendre des décisions de façon largement autonome et percevait une rémunération dans les niveaux les plus élevés des systèmes de rémunération pratiqués dans l’entreprise ou l’établissement, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision.
4) Analyse.
Cette solution est classique.
Le Code du travail en son article L3111-2 prévoit trois critères permettant de conférer le statut de cadre dirigeant à un salarié, à savoir :
- Une grande indépendance dans l’organisation de l’emploi du temps,
- La capacité de prendre des décisions de manière autonome,
- Une rémunération se situant dans les niveaux les plus élevés des systèmes de rémunération pratiqués dans l’entreprise ou l’établissement.
La Cour de cassation a précisé que seuls relevaient de la catégorie des cadres dirigeants au sens de ce texte les cadres qui participent à la direction de l’entreprise.
Elle a toutefois réaffirmé à plusieurs reprises qu’il ne s’agissait pas d’une quatrième condition autonome ou distincte mais d’une condition relevant plutôt de la conséquence du cumul des trois conditions du texte.
Ces conditions sont en tout état de cause appréciées strictement afin de restreindre le nombre de cadres dirigeants relevant de cette catégorie.
Ces critères sont cumulatifs.
A défaut de réunir ces 3 critères, le statut de cadre dirigeant est nul.
Le salarié peut réclamer le paiement des heures supplémentaires travaillées au-delà de 35 heures.
Les conséquences pour l’entreprise peuvent être très importantes car souvent ces salariés travaillent beaucoup et ont un taux horaire élevé.
En l’espèce, la Cour d’appel de Versailles avait caractérisé le fait que le salarié participait à la direction de l’entreprise mais elle n’a pas caractérisé ni la grande indépendance du salarié, ni l’autonomie dans la prise de décision ou encore le fait qu’il percevait une rémunération dans les niveaux les plus élevés des systèmes de rémunération pratiqués dans l’entreprise ou l’établissement.
En l’espèce on comprend que le salarié cadre dirigeant était en forfait jours.
Cela lui permet en principe de faire écarter la qualité de cadre dirigeant (cf notre article Cadres dirigeants salariés : si votre contrat mentionne un forfait en jours, vous pouvez demander le paiement de vos heures supplémentaires !). La qualité de cadre dirigeant est incompatible avec une durée de travail un forfait jours.
A titre d’exemple, la DRH de l’entité d’un groupe de publicité internationale a obtenu la nullité de son statut de cadre dirigeant et un rappel d’heures supplémentaires.
Attention le salarié doit bien évidemment étayer ses heures supplémentaires par un tableau, des emails envoyés, des attestations et ou une géolocalisation (« Faux » cadres dirigeants : une DRH obtient la nullité de son statut de cadre dirigeant).
Il faut se réjouir du contrôle de la Cour de cassation sur les 3 conditions cumulatives du statut de cadre dirigeant.
Sources.
- Cass. soc. 10 sept. 2025, 24-11.187
- L3111-2 du Code du travail
- 25 ans de la définition légale du cadre dirigeant dans le Code du travail : quel bilan ?
- Un directeur financier sous forfait jours n’est pas cadre dirigeant et peut obtenir le paiement d’heures supplémentaires
- Cadres dirigeants salariés : si votre contrat mentionne un forfait en jours, vous pouvez demander le paiement de vos heures supplémentaires !
- « Faux » cadres dirigeants : une DRH obtient la nullité de son statut de cadre dirigeant
- Salariés, cadres : comment utiliser Google Maps pour prouver vos heures sup’ ?


