Le nouveau décret n° 2023-1391 du 29 décembre 2023 (JORF n°0304 du 31 décembre 2023) entre en vigueur le 1ᵉʳ septembre 2024.
Il est applicable aux instances d’appel et aux instances consécutives à un renvoi après cassation introduites à compter de cette date.
Le décret simplifie et clarifie les dispositions relatives à l’appel et à la procédure d’appel et notamment, celles relatives à la procédure d’appel ordinaire avec représentation obligatoire.
Cette réforme de notre procédure d’appel qui ne porte pas sur l’exécution provisoire apparaît donc comme une histoire, achevée par le décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019 sur l’instauration du principe de l’exécution provisoire de droit.
Benoit Henry : Qu’est-ce qui change pour l’exécution provisoire ?
Sophie Dufourgburg : Le décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019 consacre son Article 3 à « L’instauration du principe de l’exécution provisoire de droit ».
L’appel et l’opposition ne sont plus des recours suspensifs [1].
L’exécution provisoire de droit devient le principe.
C’est un nouveau logiciel !
En effet, avant ce décret, l’exécution provisoire de droit ne concernait que quelques décisions : celles qui prescrivent des mesures provisoires pour le cours de l’instance, celles qui ordonnent des mesures conservatoires, ainsi que les ordonnances du juge de la mise en état qui accordent une provision au créancier et les ordonnances de référé.
Le principe de l’exécution de droit des décisions de première instance avait déjà été posé, notamment en matière de droit social et de procédure collective.
Ces textes ne sont pas modifiés par le décret du 11 décembre 2019.
La nouveauté est la généralisation de l’exécution provisoire.
Le principe est posé par l’Article 514 du code procédure civile.
Il dispose :
« Les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire à moins que la loi ou la décision rendue n’en dispose autrement ».
Aucune décision ne saurait donc échapper à l’exécution provisoire de droit. Il n’est en effet opéré aucune distinction. Sont concernées par cette disposition toutes les décisions rendues par le juge de première instance, qu’elles concernent la procédure ou le fond, qu’elles soient provisoires ou définitives.
Les décisions rendues par les tribunaux de commerce bénéficieront également de l’exécution provisoire de droit.
Autrement dit, un jugement ou une ordonnance statuant sur la compétence ou une ordonnance statuant sur une exception de nullité ou sur une fin de non-recevoir [2] est exécutoire de droit à titre provisoire.
A tout principe, il y a des exceptions.
Les exceptions au principe de l’exécution provisoire :
Sauf si la loi en dispose autrement.
Jugement statuant sur la nationalité [3] ;
Décisions rendues en matière d’état civil -rectification ou annulation- peu importe que la - Décisions statuant sur le changement de prénom [4] ;
Décisions statuant sur la mention du sexe à l’état civil [5] ;
Décisions statuant sur l’absence [6] ;
Décisions du juge aux affaires familiales mettant fin à l’instance [7] ;
Décisions relatives à la filiation et aux subsides [8] ;
Décisions statuant sur l’adoption [9] ou la révocation de l’adoption [10].
S’y ajoutent les jugements prononçant la séparation de corps ou le divorce dont l’appel reste suspensif.
Si le juge le juge en décide autrement.
Benoit Henry : Que peut faire le défendeur devant la juridiction de première instance ?
Sophie Dufourgburg : Il doit demander dès la première instance que l’exécution provisoire soit écartée, à défaut de quoi toute demande d’arrêt devant le premier président de la Cour d’appel saisi d’un appel sera irrecevable.
Le juge de première instance peut même d’office écarter tout ou partie de l’exécution provisoire de droit, s’il l’estime incompatible avec la nature de l’affaire. Sa décision doit être motivée.
Mais le juge ne peut écarter l’exécution provisoire de droit lorsqu’il statue en référé, qu’il prescrit des mesures provisoires pour le cours de l’instance, qu’il ordonne des mesures conservatoires, ainsi que lorsqu’il accorde une provision au créancier en qualité de juge de la mise en état [11].
Benoit Henry : A-t-il un recours en cas d’appel ?
Sophie Dufourgburg : En cas d’appel, pour s’opposer à l’exécution provisoire de droit, le premier président peut être saisi.
Le requérant devra apporter une double preuve :
Qu’il existe des moyens sérieux d’annulation ou de réformation.
La notion retenue est déjà connue en matière d’appel des décisions du juge de l’exécution ou de l’appel de certains jugements en matière de procédure collective.
Que l’exécution risque d’entraîner des conséquences manifestement excessives.
Ces deux conditions sont cumulatives [12].
En outre, le texte limite la possibilité d’une telle demande lorsque le requérant a comparu en première instance et n’a fait valoir aucune observation sur l’exécution provisoire. La demande ne sera alors recevable que si l’exécution provisoire risque d’entraîner des conséquences manifestement excessives qui se sont révélées postérieurement à la décision de première instance.
Benoit Henry : L’exécution provisoire peut-elle être aménagée ?
Sophie Dufourgburg : Le juge peut, à la demande des parties ou d’office, subordonner sa décision de rejet de la demande tendant à voir écarter ou arrêter l’exécution provisoire de droit à la constitution d’une garantie réelle ou personnelle suffisante pour répondre de toutes les restitutions ou réparations [13].
Le régime de ces garanties n’a pas été modifié.
Il en va de même de la consignation permettant à une partie condamnée d’éviter que soit poursuivie l’exécution provisoire de la décision.
Benoit Henry : L’exécution provisoire peut-elle être rétablie ?
Sophie Dufourgburg : Si l’exécution provisoire de droit a été écartée par le premier juge ou arrêtée par le premier président, ce dernier ou le conseiller de la mise en état, dès lors qu’il est saisi, peut la rétablir à la triple condition : l’urgence, la compatibilité avec la nature de l’affaire et l’absence de risque manifestement excessif.
Benoit Henry : L’inexécution de la décision assortie de l’exécution provisoire peut-elle bloquer la procédure d’appel ?
Sophie Dufourgburg : Le régime de la radiation pour défaut d’exécution ou de consignation n’a pas été modifié.
La décision de radiation interdit l’examen des appels principaux, incidents ou provoqués.
Discussions en cours :
Parfait, comme toujours et merci.
Bonjour,
L’article 514 du Code de procédure civile précise que les « décisions de première instance sont de droit exécutoires à moins que la loi ou la décision rendue n’en dispose autrement ».
Le préambule (in fine) du décret va en ce sens :
"Il consacre enfin en principe l’exécution provisoire des décisions de justice, sauf dans les matières dans lesquelles l’exécution provisoire est interdite ainsi que celles dans lesquelles des dispositions de nature LEGISLATIVE prévoient une exécution provisoire facultative."
Or le R 142-10-6 du Code de la Sécurité Sociale n’est pas une loi mais un règlement.
Donc a priori il ne serait pas totalement faux de soutenir que le principe de l’exécution provisoire de droit doit s’appliquer en dans le contentieux de sécurité sociale.
Merci
Cher Confrère,
L’article 514 du Code de procédure civile dispose que les « décisions de première instance sont de droit exécutoires à moins que la loi ou la décision rendue n’en dispose autrement »
Ce principe général s’applique tant en matière civile qu’en matière sociale.
Donc a priori il ne semble pas inintéressant de soutenir que le principe de l’exécution provisoire de droit doit s’appliquer aux indemnités journalières au visa de l’article R 142-10-6 du Code de la Sécurité Sociale.
On observe toutefois une application différente, selon les Cours d’appel.
Certaines juridictions comme par exemple, à Aix en Provence l’applique de manière générale.
D’autres juridictions, en raison de la particularité de la matière sociale, l’applique restrictivement aux salaires.
Ainsi, les décisions ne sont exécutoires de droit que pour les salaires sur les 6 mois.
Bien Cordialement.
Maître Benoit HENRY
Avocat Spécialiste de la Procédure d’Appel