Une implantation impose le respect d’un corpus juridique et la connaissance des spécificités de la pratique des affaires. S’agissant de la Chine plus particulièrement, le corpus de règle s’est étoffé depuis l’entrée de celle-ci au sein de l’OMC en 2001 bien que son développement repose sur un paradoxe qui est celui d’attirer des capitaux étrangers tout en limitant l’accès des investisseurs au marché domestique.
Comment implanter une activité en Chine ?
Faut-il créer une filiale ?
Depuis sa participation à l’OMC, la Chine ouvre davantage ses marchés dans les secteurs du commerce, de la finance, de l’assurance… Cependant, elle distingue clairement les entreprises chinoises et les entreprises étrangères.
Pour les premières, ce sont des entreprises établies entièrement par des capitaux chinois et suivies par la loi chinoise sur le droit des sociétés. Pour les autres, plusieurs structures juridiques existent et elles peuvent aujourd’hui être détenues à la fois par des partenaires chinois et étrangers ou seulement par des étrangers.
Il existe cinq formes d’implantations étrangères possible en Chine qui sont les suivantes : la succursale, le bureau de représentation, la société à capital 100% étranger (wholly foreign owned enterprise), la société commune contractuelle (copperative joint venture) ou rigide (equity joint-venture).
1) Le bureau de représentation : Il est souvent utilisé par les investisseurs étrangers lors d’une première présence en Chine car ceux-ci n’auront pas besoin d’apporter des capitaux sociaux et la formalité est assez simple. Le premier inconvénient est qu’ils n’auront aucune relation légale avec des tiers à l’entreprise principale. En effet, ils n’auront pas le pouvoir de contracter, de conclure le contrat. Ils ne seront que les simples relais de l’entreprise et le bureau de représentation n’ayant pas de personnalité juridique distincte, la responsabilité personnelle de son responsable sera engagée.
L’autre inconvénient est qu’un tel bureau ne pourrait, en tout état de cause, exercer une activité commerciale (son activité étant strictement réduite à la collecte d’informations, à la liaison avec les autorités et les entreprises locales).
2) Les entreprises à investissements étrangers (les joint-ventures) : Le droit des affaires chinois ne précise pas le montant du capital social minimum, mais dans la pratique, il est de 1 million de yuan.
Ces entreprises sont détenues à la fois par les étrangers et les Chinois.
Dans les entreprises à capitaux mixtes (le joint-venture à capitaux mixtes), la participation des étrangers dans ces entreprises n’est pas plafonnée et les bénéfices sont redistribués proportionnellement à l’apport initial de chacun ;
Dans l’entreprise conjointe de coopération (le joint-venture contractuel), toutes les modalités de répartition des bénéfices sont déterminées par le contrat.
3) La succursale : L’inconvénient est son absence de personnalité juridique qui implique l’absence de structure juridique autonome par rapport au siège et l’absence de patrimoine propre, le siège devant prendre en charge toutes les pertes de l’établissement subir ses actions en responsabilité.
4) Les entreprises aux capitaux exclusivement étrangers (Wholly Foreign-Owned Enterprises) : Ce sont celles dont le capital est détenu par un ou plusieurs investisseurs étrangers. Elles ont la préférence des étrangers, car la réforme de 2001 a supprimé l’obligation selon laquelle elles devaient exporter plus de 50% des biens qu’elles produisaient dans l’année. Depuis 2004, les entreprises aux capitaux exclusivement étrangers ont le droit de vendre les produits importés sur le territoire chinois et ceux qu’elles y fabriquent.
Ce statut peut garantir une autonomie de gestion et évite d’avoir un partenaire chinois.
L’utilisation d’une telle entreprise à capital 100% étranger semble donc, juridiquement, la meilleure forme d’implantation et correspond à l’idée de créer une filiale en Chine, c’est-à-dire une société, dont la participation dans le capital social (en général, plus de la moitié), appartiendra à une société (dite société mère) étrangère.
Fiscalement, la création d’une entreprise 100% étrangère est-elle une opération viable ?
- des dispositions uniformes pour les établissements ou les sociétés dans la convention fiscale franco-chinoise :
La France a signé avec la Chine une convention fiscale le 30 mai 1984. Cette convention témoigne de la conception territoriale des États contractants et ne prévoit aucun avantage particulier qui favoriserait l’implantation d’un établissement ou d’une société. En effet, s’agissant des bénéfices, il est prévu que les résultats soient imposables dans l’État du siège aussi bien pour les établissements que les sociétés implantées en Chine. S’agissant des dividendes versés, l’article 22 de cette convention prévoit une disposition afin d’éviter la double imposition. En effet, l’impôt payé par la société implantée en Chine forme crédit d’impôt dans l’État bénéficiaire.
Le taux de l’impôt sur les sociétés est actuellement de 33% des bénéfices pour les entreprises chinoises et 24% ou 15% pour les entreprises étrangères selon les zones d’investissement.
En outre, une entreprise étrangère ayant une activité de production depuis au moins dix ans pourra demander le droit d’exonération pendant deux ans, et bénéficier d’une réduction de 50% pendant les trois années suivantes. Cependant, cette disparité n’existe plus, car la réforme fiscale adoptée par l’Assemblée Nationale Populaire de Chine à l’occasion de la session de 2007 prévoit un taux unique d’imposition de 25% aussi bien pour les revenus des entreprises chinoises qu’étrangères.
- une faveur du droit fiscal français pour l’implantation par une filiale par rapport à un établissement :
Le droit fiscal français prévoit des dispositions spécifiques en présence d’une part d’un groupe, et d’autre part, de relation capitalistique mère-filiale.
Le premier dispositif est le régime de l’intégration fiscal. Celui-ci ne peut trouver à s’appliquer en l’espèce, car les sociétés en question (la SA listel et la société implantée en Chine) ne sont pas soumises toutes deux à l’impôt sur les sociétés français (conception territoriale française et chinoise).
Le second est le régime mère-fille selon lequel les dividendes versés à la société mère ne le sont sans autre charge fiscale que la réintégration d’une quote-part de frais et charges fixée à 5% du montant des dividendes.
Ce régime est facultatif et l’option doit être exercée par la société mère. Des conditions doivent en outre être respectées ; à savoir que la société mère soit soumise à l’impôt sur les sociétés, et ce, quelle que soit sa nationalité. Aussi, les titres doivent revêtir la forme nominative, être détenus en pleine propriété pendant deux ans, représenter 5% du capital de la filiale.
D’un point de vu fiscal, l’avantage du régime des sociétés mères-filiales n’est pas négligeable en présence d’une filiale par rapport au système du crédit d’impôt prévu par la convention franco-chinoise.
La forme de la filiale
La loi chinoise du 29 septembre 1993 pose les règles en matière de sociétés commerciales et par cette expression, il est entendu deux types de sociétés : les sociétés par actions (SA) et les sociétés à responsabilité limitée (SARL).
Cette loi réserve une place importante au contrôle administratif dans la vie des sociétés, ainsi que des conditions draconiennes concernant la constitution, l’administration ou le recours au financement externe des sociétés.
La constitution de la société :
La constitution de toutes sociétés par actions est soumise à l’examen et l’autorisation du Conseil des Affaires d’État ou du gouvernement provincial du lieu du siège de la future société.
Les associés : de 1 à 50 dans la SARL (depuis une loi de 2005 qui autorise l’EURL), au moins cinq pour la SA
Le capital social et les apports : le capital minimum légal des sociétés a été fixé à un niveau très élevé et variait selon les secteurs pour la SARL. Depuis 2005, le capital est fixé à environ 3000€ et celui de la SA a été divisé par deux et réduit à environ 500 000€.
Les apports peuvent être en nature ou en numéraire.
Une loi du 27 octobre 2005 accorde plus de liberté aux actionnaires. En effet, ces derniers peuvent désormais dissocier la contribution au capital social de la répartition des droits de vote (dans la SARL) et de la répartition des dividendes (dans la SARL et la SA).
Les parts d’une SARL peuvent être librement cédées entre associés, mais un agrément de la majorité des associés est nécessaire pour la cession à un tiers (art 35), auquel cas les associés bénéficient d’un droit de préemption et sont obligés d’acheter en cas de désaccord sur l’entrée du tiers.
En revanche, la cession d’actions de SA est en principe libre (art 143)
La direction et l’administration des sociétés par actions :
Elle est en principe assurée par trois instances sociales que sont l’assemblée générale, le conseil d’administration et le conseil de surveillance.
L’assemblée générale :
SARL et SA doivent se doter d’une assemblée générale des actionnaires. Toutes les décisions importantes sont prises par elle.
Dans la SARL, c’est aux associés de prévoir dans les statuts la procédure de vote concernant les décisions ordinaires. Les décisions extraordinaires sont adoptées à la majorité des associés ayant deux tiers des droits de vote (art 40).
Dans la SA, les décisions ordinaires sont adoptées à la majorité absolue des voix des actionnaires présents (art 106) et les décisions extraordinaires à la majorité des deux tiers des voix des actionnaires présents.
Le conseil d’administration :
Il a tous les pouvoirs qui entrent habituellement dans l’exploitation courante de la société (art 46 et 112).
Pour les SARL ordinaires, ils sont de trois à treize membres et pour les SA, de cinq à dix-neuf membres. Cependant, dans les petites SARL, le conseil d’administration peut être remplacé par un administrateur unique.
Le conseil est présidé par un président qui est le représentant légal de la société. la gestion courante est assurée par un Directeur général.
Le conseil de surveillance :
Seules les SA et SARL assez importantes peuvent constituer un conseil de surveillance, dans les autres cas, le conseil et remplacé par un ou deux contrôleurs (art 52). Sa mission est de contrôler les dirigeants.
À la vue de tous ces éléments, notamment le montant du capital social moins élevé pour la SARL et la possibilité de créer une EURL, il semble qu’il faille opter plutôt pour cette forme sociale.
Qui la dirigera ?
La représentation de la société est assurée par le Président du conseil d’administration et la direction est assurée par un Directeur général.
Le Directeur général de la filiale peut-il être un salarié de la mère ?
Il n’est pas rare dans les groupes de sociétés qu’une mère recrute une personne ou fasse appel à un cadre de son entreprise, afin de lui confier des fonctions de mandataire social dans une filiale.
La jurisprudence française admet la validité du contrat de travail liant la société mère et un salarié pour l’exercice d’un mandat social auprès de la filiale. Pour cela, trois conditions doivent être réunies. Il s’agit de l’existence d’un lien de subordination entre le mandataire social et la société mère, le fait que l’intéressé soit rémunéré par la mère et enfin, le fait qu’il exerce les fonctions pour lesquelles il a été engagé c’est-à-dire l’exercice du mandat social dans la filiale.
S’agissant plus particulièrement du lien de subordination, le seul fait d’être mandataire social d’une société contrôlée ne donne pas la qualité de salarié de la société mère. De même, l’existence d’instructions ou d’un certain contrôle de la société mère vis-à-vis de l’intéressé n’entraîne pas non plus automatiquement la reconnaissance d’un lien de subordination. Il faudra ainsi que les dirigeants de la société mère sortent des limites du contrôle normalement exercé par l’actionnaire majoritaire d’une société sur le mandataire responsable de celui-ci (Soc. 19/03/1997 n°1355).
Les critères seront les suivants : le mandataire devra référer, au Président de la société mère, toutes les décisions importantes, la société mère doit avoir fixé la rémunération de son mandataire et lui ait imposé de rendre compte de tous les aspects et constats économiques liés à l’activité de la filiale sortant de l’ordinaire.
Cette possibilité pour une société mère de nommer le mandataire social de sa filiale est très intéressante pour contrôler la gestion de celle-ci. Il semble donc qu’elle devra être envisagée sérieusement.
Quels associés ?
La forme sociale choisie est la SARL, laquelle, depuis une loi chinoise de 2005 peut être unipersonnelle, soit une EURL. En cas d’EURL, il sera donc possible pour la société mère d’être seule associée de la filiale.
Quels sont les droits collectifs des salariés ?
L’implantation d’une usine à Pékin a sans doute pour objectif d’une délocalisation de la production, aussi nous n’étudierons pas les méthodes de détachement de salariés à l’étranger ni le transfert de salariés.
Le souci d’assurer une représentation aux salariés des groupes d’entreprise a donné lieu à la création d’institutions spécifiques comme le comité de groupe.
Selon L439-1 et L439-1-I du Code du travail, un comité de groupe doit être constitué entre entités remplissant des critères de rattachement au groupe, quelque soit l’effectif de l’entité. Ce rattachement peut être constitué par un contrôle en capital.
Ce comité de groupe a notamment en charge la négociation de l’accord collectif et il se réunit au moins une fois par an.
Selon L439-2, il reçoit des informations sur l’activité, la situation financière, l’évolution et les prévisions d’emploi annuelles, les comptes, le bilan et des informations sur les perspectives économiques du groupe pour l’année à venir.
S’agissant de la question de l’application de la convention collective de la société mère, il apparaît que chaque société reste en principe soumise à son statut conventionnel propre et les salariés ne pourraient réclamer, pour la seule raison qu’il existe des liens de groupe, les avantages issus du statut conventionnel d’une autre société.
Cependant, l’article L132-2 du Code du travail prévoit qu’une négociation collective peut avoir lieu avec « un ou plusieurs employeurs pris individuellement » mais le champ de cet accord reste à définir.
En tout état de cause, s’agissant du droit du travail chinois, celui-ci est quasi inexistant. Les grands principes des relations individuelles de travail y sont posés par la loi sur le travail datant de 1995. Cette loi est applicable à tout employé, qu’il soit chinois ou de nationalité étrangère et qu’il soit employé dans une société purement chinoise ou une société à investissement étranger. En outre, les autorités locales édictent également de nombreuses règles supplétives, de sorte que le droit du travail varie selon la région de l’employeur (la filiale en l’espèce).
La Loi de 2005 rend obligatoire la signature d’un contrat de travail entre tout salarié et la société. Elle prévoit la possibilité pour les représentants des salariés d’être nommés au Conseil d’administration et dispose désormais que dans la SA, ces derniers doivent correspondre à au moins 1/3 des membres du conseil de surveillance. Enfin, la Loi de 2005 permet à la société de racheter jusqu’à 5% de ses actions afin de renforcer la participation salariale.
En outre, quatre projets de lois sont aujourd’hui en cours de discussion sur la sécurité sociale, la promotion de l’emploi, le règlement des litiges et le contrat de travail.
Elsa Bonnet
Etudiante en Master Droit des Sociétés et Fiscalité
Université d’Orléans