1) Notion et rôle central de la réception.
La réception est un acte volontaire et contradictoire par lequel le maître d’ouvrage accepte l’ouvrage, généralement à l’amiable, la présence (ou à tout le moins la convocation régulière) de l’entrepreneur étant requise, et elle donne lieu à un procès-verbal où figurent, s’il y a lieu, des réserves. La réception a lieu à l’initiative de la partie la plus diligente [1].
Le contrat d’entreprise prend fin à la réception, avec ou sans réserves, ce qui fait du procès-verbal de réception la pièce pivot qui acte cette extinction et fixe le cadre des suites éventuelles.
En pratique, la signature du procès-verbal marque l’exécution des travaux commandés, ce qui renforce l’importance probatoire et opérationnelle de ce document.
2) Les effets juridiques attachés au procès-verbal de réception.
Trois effets majeurs découlent de la réception constatée par le procès-verbal :
- fin des obligations contractuelles stricto sensu ;
- point de départ des garanties légales ;
- transfert des risques de l’ouvrage.
Le transfert de la garde et des risques bascule du constructeur vers le maître d’ouvrage à la réception, qui peut avoir lieu par tranches successives, ainsi le risque passe au fur et à mesure des réceptions opérées [2].
La réception purge les vices apparents à défaut de réserves au procès-verbal, le maître d’ouvrage est réputé avoir accepté les défauts apparents.
3) Forme, contenu et force probante du procès-verbal.
Le procès-verbal exprès n’est soumis à aucun formalisme : il est daté, signé par le maître d’ouvrage, visé par l’entrepreneur, et peut être opposable aux ayants cause sans exigence d’enregistrement.
La non-signature du procès-verbal de réception n’affecte pas le caractère contradictoire de la réception dès lors que « la participation aux opérations de réception de celui qui ne l’a pas signé ne fait pas de doute » [3].
L’achèvement de l’ouvrage n’est pas une condition de validité de la réception, le procès-verbal peut donc légitimement constater une réception avec des « travaux à terminer », d’où l’importance de consigner des réserves précises [4].
Les réserves doivent être clairement exprimées dans le procès-verbal, avec une précision suffisante, quitte à être complétées par un courrier recommandé annoncé dans le procès-verbal, ce qui conditionne les droits ultérieurs.
En revanche, l’existence d’un procès-verbal intitulé « de réception » ne vaut pas réception si le maître de l’ouvrage a clairement exprimé son intention de reporter ladite réception.
4) Procès-verbal, garanties légales et responsabilités.
Le procès-verbal fait courir les garanties légales (parfait achèvement, biennale, décennale), conditionne leur mise en œuvre temporelle et matérielle, et constitue donc comme un acte déclencheur majeur.
Les défauts ou désordres apparents non réservés au procès-verbal sont purgés par la réception, ce qui impose une vigilance accrue à l’instant de la signature.
En cas de réception avec réserves, la garantie de parfait achèvement de l’entrepreneur se cumule avec la responsabilité contractuelle de droit commun jusqu’à la levée des réserves, le dépassement du délai d’un an n’éteignant pas, à lui seul, cette responsabilité.
Il en est de même de la responsabilité des autres locateurs d’ouvrage, comme l’architecte, dont la responsabilité contractuelle de droit commun subsiste, avant la levée des réserves, concurremment avec la garantie de parfait achèvement due par l’entrepreneur.
5) Réception, livraison et conséquences financières spécifiques.
La réception ne se confond pas avec la livraison, qui est l’acte par lequel l’entrepreneur met l’ouvrage à la disposition du donneur d’ordre et constitue un simple fait emportant transfert de garde et des risques.
Une retenue de garantie d’un maximum de 5% du prix des travaux peut être prévue, et a pour objet la reprise des réserves faites à la réception. Elle prend fin un an après la réception des travaux si le maître d’ouvrage n’a pas notifié son opposition motivée.
6) Garanties de sécurité juridique autour de l’établissement du procès-verbal.
Le caractère contradictoire du procès-verbal est préservé si l’entrepreneur a été valablement convoqué aux opérations, même s’il est absent ou s’abstient de signer, ce qui évite les blocages et consacre l’effectivité du procès-verbal [5].
En cas de liquidation judiciaire du constructeur, le procès-verbal de réception de travaux ne constituant pas, en raison des conséquences qui s’y attachent, un simple acte conservatoire, seul le liquidateur peut se prévaloir de l’inopposabilité du procès-verbal signé par cette société, dessaisie par l’effet de sa mise en liquidation judiciaire [6].
La fraude à l’assurance par un faux constat de réception est prohibée : la réception doit traduire une volonté réelle d’achèvement contractuel, ce que le procès-verbal matérialise et authentifie.
En quelques mots, le procès-verbal de réception :
- Marque la fin du contrat d’entreprise, le point de départ des garanties légales, et le transfert des risques de l’ouvrage ;
- Doit en mentionner des réserves précises (à défaut, les vices apparents seront purgés) ;
- Peut mentionner un renvoi exprès au détail des réserves dans un courrier recommandé distinct ;
- Peut comporter la mention « travaux à terminer » sans affecter la validité de la réception ;
- Peut ne pas être signé par une partie sans affecter le caractère contradictoire en cas de convocation.
La vigilance est donc de mise lors de l’établissement du procès-verbal de réception !



