Les dispositions du Code civil prévoient plusieurs motifs de divorce distincts :
Le divorce par consentement mutuel (divorce amiable).
Lorsque les époux s’accordent à la fois sur le principe de la rupture et sur toutes ses conséquences (partage des biens, autorité parentale, pension alimentaire…). Depuis la réforme de 2017, lorsque cet accord est total, la procédure peut se faire par acte d’avocats enregistré au rang des minutes d’un notaire, sans passer devant le juge sauf lorsqu’un enfant mineur demande à être entendu.
En cas d’impossibilité de divorcer par consentement mutuel, le divorce pourra être prononcé par le Juge aux affaires familiales sur la base de trois autres motifs :
- s’il est accepté par les deux époux (acceptation du principe de la rupture) : lorsque les époux admettent que la séparation est inévitable mais qu’ils n’ont pas trouvé d’accords sur les effets du divorce (prestation compensatoire, pension alimentaire, etc…) Le juge tranche alors les conséquences du divorce.
- si les époux ne vivent plus ensemble depuis plus d’un an, ce qui suppose une cessation de la cohabitation et de la communauté de vie affective (altération définitive du lien conjugal)
- ou si des fautes ont été commises par l’un ou l’autre des époux (divorce pour faute ou divorce aux torts partagés si les deux époux ont commis des fautes).
Le divorce pour faute.
Il est régi par l’article 242 du Code civil, qui dispose : « Le divorce peut être demandé par un époux pour des faits imputables à l’autre lorsque ces faits constituent une violation grave ou renouvelée des devoirs et obligations du mariage et rendent intolérable le maintien de la vie commune ».
Le divorce pour faute est fondé sur la violation grave ou renouvelée des devoirs et obligations du mariage (infidélité, violences, etc.) rendant intolérable le maintien de la vie commune, en violation des dispositions de l’article 212 du Code civil qui prévoient que « les époux se doivent mutuellement respect, fidélité, secours et assistance ».
Il résulte par ailleurs, de l’article 245 du Code civil, que les fautes de l’époux qui a pris l’initiative du divorce n’empêchent pas d’examiner sa demande ; elles peuvent, cependant, enlever aux faits qu’il reproche à son conjoint le caractère de gravité qui en aurait fait une cause de divorce.
Si les deux époux ont commis des manquements, le juge peut prononcer un divorce aux torts partagés.
Afin que le divorce soit prononcé aux torts exclusifs de l’un des époux (pour faute), il faut que la faute soit actuelle et caractérisée.
Le divorce pour faute est aujourd’hui moins fréquent que les divorces par consentement mutuel ou pour altération définitive du lien conjugal, car il suppose une preuve solide et une procédure souvent conflictuelle.
En effet, il appartient à celui qui allègue les faits de nature à justifier le prononcé du divorce pour faute de les prouver.
Si le juge estime que la faute n’est pas caractérisée, la demande en divorce pour faute est rejetée. Dans pareil cas, si aucun autre motif n’est présenté à l’appui de la demande, le divorce n’est pas prononcé et le maintien du mariage subsiste.
Le divorce pour faute reste toutefois pertinent dans les situations de violences. Pour autant, en matière de violences conjugales, il est nécessaire de produire une condamnation pénale définitive pour que le divorce soit prononcé aux torts exclusifs du conjoint violent.
Par exemple, la Cour d’appel de Paris a rejeté les demandes pour fautes respectivement formulées par chacun des époux, et a donc refusé de prononcer leur divorce, dans une décision du 18 septembre 2018 pour les raisons ci-après exposées :
- L’époux accusait sa femme d’avoir eu des relations adultères mais ni les messages vocaux produits, ni les photographies versées aux débats ne démontrait une attitude équivoque démontrant des tromperies.
- L’époux indiquait encore que sa femme avait eu un comportement injurieux et agressif à son égard, sans pour autant en justifier par des preuves tangibles.
- L’épouse reproche à son mari d’être violent manipulateur et jaloux.
Elle produisait deux attestations de personnes proches du couple qui indiquent que le conjoint a empêché sa femme, pendant le mariage, par son attitude possessive, de continuer à entretenir avec elle les relations d’affection préexistantes. Il convient cependant de constater que ces attestations, générales et peu circonstanciées, ne suffisent pas à établir l’existence d’une violation grave ou renouvelée des devoirs et obligations du mariage.
Concernant l’accusation de violence, l’époux avait été condamné en première instance devant le tribunal correctionnel mais il justifiait ensuite avoir été relaxé des faits de violences sur conjoint par un arrêt de la Cour d’appel de Paris du 29 mars 2018. C’est la raison pour laquelle il est nécessaire de produire une condamnation pénale définitive car celle-ci peut toujours être remise en cause en cas de recours.
Dans ce contexte, la cour a alors considéré que :
« Il apparaît qu’aucun des deux époux ne justifie en conséquence de faits constituant une violation grave ou renouvelée des devoirs et obligations du mariage rendant intolérable le maintien de la vie commune et justifiant le prononcé du divorce. Il convient de débouter les époux de leurs demandes en divorce ».
Pour être constituée, la faute doit par conséquent être démontrée avec la plus grande vigilance.
Les fautes commises doivent également être à l’origine de la séparation du couple et ne doivent pas avoir fait l’objet d’un pardon.
Cela signifie que les époux ne doivent pas s’être réconciliés entre la commission de la faute et la demande en divorce.
En effet, si les époux se sont réconciliés entre la commission des fautes et la demande en divorce, les faits passés sont considérés comme pardonnés.
Il existe un principe selon lequel la réconciliation efface toutes les fautes commises antérieurement.
La réconciliation entre époux, intervenue après les faits fautifs reprochés, constitue donc un obstacle à la demande en divorce pour faute fondée sur ces faits.
Ce principe est consacré par l’article 244 du Code civil :
« La réconciliation des époux intervenue depuis les faits allégués empêche de les invoquer comme cause de divorce. Le juge déclare alors la demande irrecevable ».
Qu’est-ce qu’une réconciliation au sens juridique du terme ?
La réconciliation consiste en actes positifs manifestant la volonté de poursuivre la vie commune, ce qui vaut renonciation aux griefs invoqués ou invocables.
Il doit y avoir une volonté réelle de pardonner les fautes et de recréer l’union conjugale. Il doit y avoir une volonté claire du conjoint offensé de pardonner, et une acceptation du pardon par le conjoint fautif.
Cela signifie qu’une cohabitation temporaire, une tentative de médiation ou la poursuite de la vie sous le même toit pour des motifs matériels (enfants, finances) ne suffisent pas forcément à établir une réconciliation.
La preuve de la réconciliation incombe à celui qui l’invoque, généralement le défendeur à la demande en divorce.
Par ailleurs, une nouvelle demande peut cependant être formée en raison de faits survenus ou découverts depuis la réconciliation, les faits anciens pouvant alors être rappelés à l’appui de cette nouvelle demande.
Par exemple, il a pu être jugé par le Juge aux affaires familiales du Tribunal Judiciaire de Paris aux termes d’une décision rendue le 7 janvier 2025 que :
« En l’espèce, il est constant que l’époux a été déclaré coupable de faits de violences suivie d’incapacité n’excédant pas 8 jours commises le 25 juillet 2017 sur son épouse par jugement correctionnel rendu le 20 novembre 2018 ; il a été condamné en répression à la peine de quatre mois d’emprisonnement assortie intégralement du sursis.
Par ailleurs, il est constant que l’époux a entretenu une relation adultérine pendant le mariage puisque deux enfants sont issus de sa relation extra-conjugale, nés respectivement les 09 novembre 2011 et 12 décembre 2013, ainsi qu’en atteste le livret de famille produite aux débats par l’épouse, ce que l’époux ne conteste pas dans ses écritures.
Selon les dispositions de l’article 244 du Code civil, la réconciliation des époux intervenue depuis les faits allégués empêche de les invoquer comme cause de divorce. Le juge déclare alors la demande irrecevable. Une nouvelle demande peut cependant être formée en raison de faits survenus ou découverts depuis la réconciliation, les faits anciens pouvant alors être rappelés à l’appui de cette nouvelle demande. Le maintien ou la reprise temporaire de la vie commune ne sont pas considérés comme une réconciliation s’ils ne résultent que de la nécessité ou d’un effort de conciliation ou des besoins de l’éducation des enfants.
Il résulte des débats que malgré les violences commises le 25 juillet 2017 pour lesquelles l’époux a été définitivement condamné ainsi que les infidélités de celui-ci, les époux ont continué à cohabiter jusqu’à la date de l’ordonnance de non-conciliation qui a attribué le domicile conjugal à l’époux, étant précisé que l’épouse a définitivement quitté le domicile conjugal au mois de juillet 2022.
Toutefois, ainsi que le prévoit l’article 244 du Code civil, la simple continuation ou la simple reprise de la vie commune n’impliquent pas nécessairement une réconciliation, les époux pouvant être contraints de reprendre une vie commune pour des raisons matérielles.
En l’espèce, l’épouse indique que les époux ont été contraints de cohabiter avec leurs enfants au regard de leur précarité financière, ce qui ressort effectivement des situations financières des parties telles qu’exposées et du nombre d’enfants encore mineurs au moment des faits de violences.
En tout état de cause, l’époux ne produit aucune pièce qui permettrait d’établir un réel accord de volontés portant tout à la fois sur la vie commune et sur le pardon des offenses commises par celui-ci.
Par conséquent, la demande en divorce pour faute sera accueillie et le divorce sera prononcé aux torts exclusifs de l’époux ».
Concrètement, quels sont les effets de la réconciliation des époux intervenue entre la commission des faits fautifs et la demande en divorce pour faute ?
La réconciliation rend irrecevable la demande en divorce pour faute fondée sur les faits pardonnés.
Néanmoins cette irrecevabilité n’est pas définitive puisqu’une nouvelle demande en divorce pourra être formée si des faits nouveaux sont survenus ou ont été découverts après la réconciliation des époux. Ce mécanisme, appelé « résurrection des torts anciens », permet de soutenir une nouvelle demande avec des faits anciens s’ils sont accompagnés de faits nouveaux postérieurs à la réconciliation.


