Indemnité de départ à la retraite et indemnité de licenciement : non-cumul !

Par Xavier Berjot, Avocat.

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Le cadre juridique des indemnités de rupture comprend l'indemnité de licenciement et l'indemnité de départ en retraite. Chaque indemnité a des conditions et montants spécifiques selon l'ancienneté. La jurisprudence stipule qu'elles ne peuvent pas se cumuler, car elles visent à indemniser la cessation du contrat de travail.
Description rédigée par l'IA du Village

Dans un arrêt rendu le 6 novembre 2024 (n° 23-12.669), la Cour de cassation rappelle que l’indemnité de départ à la retraite ne peut pas être cumulée avec l’indemnité de licenciement. Cet arrêt, qui s’inscrit dans un contentieux relatif à la requalification de CDD, offre l’occasion de revisiter les règles applicables en matière d’indemnités de rupture. L’affaire opposait une salariée, employée pendant 37 ans sous CDD saisonniers, à son ancien employeur, avec pour enjeu la qualification et l’indemnisation de la rupture de son contrat de travail.

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1/ Le cadre juridique des indemnités de rupture.

1.1. Indemnité de licenciement : conditions et modalités.

Le salarié titulaire d’un contrat de travail à durée indéterminée (CDI), licencié alors qu’il compte 8 mois d’ancienneté ininterrompus au service du même employeur, a droit, sauf en cas de faute grave, à une indemnité de licenciement [1].

Cette indemnité légale de licenciement ne peut être inférieure aux montants suivants [2] :

  • Un quart de mois de salaire par année d’ancienneté pour les années jusqu’à 10 ans ;
  • Un tiers de mois de salaire par année d’ancienneté pour les années à partir de 10 ans.

En cas d’année incomplète, l’indemnité est calculée proportionnellement au nombre de mois complets.

Concernant le salaire de référence, l’article R1234-4 du Code du travail dispose :

« Le salaire à prendre en considération pour le calcul de l’indemnité de licenciement est, selon la formule la plus avantageuse pour le salarié :
1° Soit la moyenne mensuelle des douze derniers mois précédant le licenciement, ou lorsque la durée de service du salarié est inférieure à douze mois, la moyenne mensuelle de la rémunération de l’ensemble des mois précédant le licenciement ;
2° Soit le tiers des trois derniers mois. Dans ce cas, toute prime ou gratification de caractère annuel ou exceptionnel, versée au salarié pendant cette période, n’est prise en compte que dans la limite d’un montant calculé à due proportion
 ».

L’indemnité de licenciement peut également être déterminée par un accord d’entreprise, un usage, le contrat de travail ou, le plus souvent, par une convention collective.

Si elle est plus favorable au salarié, cette indemnité conventionnelle s’applique à la place de l’indemnité légale.

En l’absence de précision de la convention collective, la période de calcul de l’indemnité conventionnelle de licenciement correspond aux 12 derniers mois précédant le licenciement [3].

1.2. Indemnité de départ en retraite : une indemnité spécifique.

Lorsqu’un salarié décide de quitter volontairement son emploi pour faire valoir ses droits à la retraite, il peut bénéficier d’une indemnité de départ en retraite.

Les conditions en sont fixées aux articles L1237-9 et D1237-1 du Code du travail.

L’indemnité légale varie selon l’ancienneté :
1° Un demi-mois de salaire après 10 ans d’ancienneté ;
2° Un mois de salaire après 15 ans d’ancienneté ;
3° Un mois et demi de salaire après 20 ans d’ancienneté ;
4° Deux mois de salaire après 30 ans d’ancienneté.

Le calcul se base sur la moyenne des trois ou douze derniers mois de salaire, selon la méthode la plus favorable au salarié [4].

Toutefois, cette indemnité ne se justifie que si le salarié prend volontairement l’initiative de la rupture.

En effet, l’indemnité de départ en retraite n’est allouée au salarié qui part en retraite sur sa demande que s’il compte au moins 10 ans d’ancienneté [5].

A l’instar de l’indemnité légale de licenciement, l’indemnité légale de départ à la retraite correspond à un minimum.

Le salarié doit bénéficier, le cas échéant, de l’indemnité plus favorable prévue dans une convention ou un accord collectif de travail ou dans le contrat de travail [6].

Le taux de l’indemnité conventionnelle de départ à la retraite est alors prévu par le texte applicable.

En cas de concours de conventions collectives, la détermination du régime le plus favorable doit être appréciée globalement pour l’ensemble du personnel, et non par rapport au salarié concerné [7].

2/ Une jurisprudence confirmant le principe de non-cumul.

2.1. Une situation atypique : entre départ volontaire et licenciement.

Dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 6 novembre 2024, une salariée, employée sous CDD saisonniers pendant 37 ans, avait fait valoir ses droits à la retraite en novembre 2010 tout en continuant à travailler deux saisons supplémentaires.

En 2013, elle saisit le Conseil de Prud’hommes pour faire requalifier ses contrats en CDI et obtenir des indemnités liées à cette relation de travail.

La cour d’appel [8] requalifie les CDD en un CDI, reconnaît son départ volontaire à la retraite en 2010, mais conclut que la rupture définitive en 2012 équivalait à un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Sur cette base, l’ancien employeur est notamment condamné à verser :

  • 7 596,78 € à titre d’indemnité de départ en retraite ;
  • 39 380 € à titre d’indemnité légale de licenciement.

Il conteste cette décision, arguant que ces indemnités ne peuvent pas se cumuler, car elles poursuivent un même objectif : compenser la rupture du contrat de travail.

2. Une solution logique et cohérente : non-cumul des indemnités.

La Cour de cassation rappelle que l’indemnité de licenciement et l’indemnité de départ à la retraite sont alternatives.

Ce principe découle de leur objet similaire, à savoir indemniser le salarié en raison de la cessation de la relation de travail.

Ainsi, lorsque la mise à la retraite s’analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse, l’indemnité versée au titre de la mise à la retraite ne peut se cumuler avec l’indemnité de licenciement, laquelle est alors due sous déduction de l’indemnité de mise à la retraite.

En définitive, la Cour de cassation corrige la décision des juges du fond, en recalculant le montant dû à la salariée.

L’indemnité de licenciement est réduite à 31 783,22 € (39 380 € - 7 596,78 €).

La décision, logique, s’inscrit dans le fil d’une jurisprudence constante de la Cour de cassation [9].

Xavier Berjot
Avocat Associé au barreau de Paris
Sancy Avocats
xberjot chez sancy-avocats.com
https://bit.ly/sancy-avocats
LinkedIn : https://fr.linkedin.com/in/xavier-berjot-a254283b

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[1C. trav. art. L1234-9.

[2C. trav. art. R1234-2.

[3Cass. soc. 21-02-2007, n° 04-48.259.

[4C. trav. art. D1237-2.

[5Cass. soc. 4-2-2003, n° 01-40.907.

[6Circ. DRT 10 du 8-9-1987 n° 5 : JO 11 décembre.

[7Cass. soc. 5-4-2018, n° 16-26.740.

[8Aix-en-P., 8-12-2022, n° 21/16839.

[9Cass. soc. 11-12-2019, n° 18-11.792 ; Cass. soc. 3-7-2013, n° 12-13.612 ; n° 12-17.872.

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