I - Dans les faits, une société a développé un procédé médical spécifique. Elle a conclu avec une autre société, spécialisée dans le développement commercial pour les petites et moyennes entreprises dans le secteur de la santé, un contrat intitulé : « Mandat d’agent pour le développement marketing, commercial, partenarial et corporate ».
Ce contrat a fait l’objet de plusieurs avenants ultérieurs, mais n’a finalement pas été renouvelé à son terme. Le mandataire, qui considère avoir obtenu la qualité d’agent commercial, assigne son mandant en paiement de diverses sommes, et notamment des indemnités de fin de contrat, et son droit de suite.
Deux prérogatives réservées aux agents commerciaux.
L’article L314-12 du Code civil prévoit en effet :
« En cas de cessation de ses relations avec le mandant, l’agent commercial a droit à une indemnité compensatrice en réparation du préjudice subi ».
Mais en l’état, le mandataire était-il véritablement un agent commercial ?
C’est la question qui s’est posée aux juges suprêmes.
Le droit prétorien fixe la charge de la preuve : c’est à celui qui se prétend agent commercial d’en rapporter la preuve [1], c’est ce qu’a tenté de démontrer la société intéressée.
Elle s’est confrontée au refus des juges de fonds, lesquels ont considéré que le contrat ne constituait pas un contrat d’agent commercial. Naturellement, l’intéressée a saisi la Haute Cour.
II - L’article L134-1 du Code de commerce prévoit :
« L’agent commercial est un mandataire qui, à titre de profession indépendante, sans être lié par un contrat de louage de services, est chargé, de façon permanente, de négocier et, éventuellement, de conclure des contrats de vente, d’achat, de location ou de prestation de services, au nom et pour le compte de producteurs, d’industriels, de commerçants ou d’autres agents commerciaux. Il peut être une personne physique ou une personne morale et s’immatricule, sur sa déclaration, au registre spécial des agents commerciaux ».
La qualification d’un agent commercial étant d’ordre public, elle ne dépend pas de la volonté exprimée par les parties ou de la dénomination du contrat.
Elle dépend des conditions dans laquelle l’activité est exercée.
Et en pratique, l’indépendance de l’agent commercial est érigée comme une condition essentielle, et sine qua non du contrat.
Les juges apprécient in concreto la situation selon un faisceau d’indices, ils bénéficient d’un pouvoir souverain pour apprécier les caractères « indépendant et permanent » de l’activité d’agent commercial [2].
III - Au cas d’espèce, la Cour a relevé que :
Sur la rémunération :
- La rémunération du mandataire était majoritairement forfaitaire, fixe et garantie. Elle était donc indépendante des résultats de l’exécution de son mandant.
- Une partie variable était matérialisée par l’attribution de BSA (bons de souscription d’actions).
La cour a considéré que « cette situation est incompatible avec l’indépendance exigée par les dispositions du Code de commerce ».
Sur l’organisation des moyens matériels et humains :
- Les frais exposés étaient remboursés au mandataire,
- Le mandataire demandait parfois à son mandant de financer les outils nécessaires à l’exécution de son mandat
La cour a considéré qu’un « agent commercial, indépendant, décide des moyens matériels et humains qu’il affecte à l’exécution du mandat et les finance lui-même ».
Sur les missions confiées au dirigeant de la société mandataire :
Seul le dirigeant de la société mandataire devait exécuter les missions, lequel avait également le titre de « corporate & business development director » pour apparaitre comme une partie intégrante du mandant vis-à-vis des tiers, il était également membre du directoire de la société mandante.
La société mandataire exerçait sa mission avec une liberté dans ses méthodes et des pouvoirs de négociation… qui pouvait s’apparenter à ceux de la direction commerciale d’une entreprise.
La cour retient la aussi « qu’une telle participation est exclusive de l’indépendance de l’agent commercial ».
IV - En conclusion, les juges du quai de l’horloge considèrent :
« 9. En l’état de ces énonciations, constatations et appréciations, la cour d’appel, qui n’était pas tenue de procéder aux recherches inopérantes visées aux huitième, dixième et onzième branches, a pu retenir que la société [x] était placée dans une situation l’empêchant d’exercer son activité de manière indépendante, ce dont il résultait qu’elle n’avait pas la qualité d’agent commercial au sens de l’article L134-1 du Code de commerce ».
La Haute Cour décide donc de rejeter la demande du mandataire, de le voir reconnaitre en qualité d’agent commercial, considérant qu’il n’avait pas exercé son activité de manière indépendante.
L’activité d’agent commercial est celle d’un mandataire indépendant, qui offre à son mandant sa compétence commerciale et son expérience de marché, mais il n’est qu’intermédiaire de commerce.
Il apporte et fidélise des clients, il peut utiliser les moyens de communication de son mandant, mais il gère librement son organisation et détermine seul son niveau d’activité et ses objectifs financiers sans recevoir de directives.
Si la stricte condition d’indépendance n’est pas respectée, le risque est de voir refuser l’application du régime juridique protecteur de l’agent commercial, prévu aux articles L134-1 et suivant du Code de commerce.