[Point de vue] L’infraction de viol, l’exigence de preuves dépourvues de toute ambiguïté.

Par Samir Hamroun, Avocat.

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Le viol, défini par le Code pénal français, est un crime impliquant pénétration sexuelle sans consentement, souvent difficile à prouver. L'évolution historique montre une prise de conscience sociale croissante, notamment après #MeToo, mais des tensions persistent entre protection des victimes et présomption d'innocence.
Description rédigée par l'IA du Village

Parmi les infractions pénales les plus contestées par les différentes voies de recours, le viol reste l’infraction qui concentre l’essentiel des critiques judiciaire, notamment sur l’absence, supposée ou réelle, de preuves suffisantes. Comme les infractions qui concernent la sûreté de l’Etat, une certaine surmédiatisation, qui prend sa source dans les mouvements MeToo et Balance ton porc, ont tendance à influencer ou accentuer une certaine idée que toute accusation de viol serait par nature véridique. Or, il est important de rappeler que toute personne demeure présumée innocente, mais également de faire un état du Droit et de la Jurisprudence.

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1. La qualification légale de l’infraction de viol.

A. Brève perspective historique du crime de viol.

Pour comprendre pleinement la situation contemporaine du viol dans les systèmes juridiques modernes, et plus spécifiquement en droit français, il est essentiel de rappeler les racines historiques de l’incrimination. Durant l’Ancien Régime, le viol était envisagé comme un crime dirigé non seulement contre la victime, mais aussi contre l’honneur familial ou la « moralité publique ». Progressivement, les législations des États ont pris en compte l’atteinte directe au libre arbitre, à l’intégrité physique et psychique de la victime.

En France, sous le Code pénal napoléonien (1810), le viol était déjà considéré comme un crime grave, mais l’approche probatoire s’avérait très restrictive. Il a fallu attendre le XXe siècle et surtout la fin des années 1970 pour que se développent une prise de conscience sociétale plus large et un mouvement féministe revendiquant la reconnaissance du viol comme une violence sexuelle à part entière, requérant une protection juridique accrue.

B. La définition légale dans le Code pénal français actuel.

Dans le droit français contemporain, le viol est défini à l’article 222-23 du Code pénal comme « ’tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu’il soit, commis sur la personne d’autrui par violence, contrainte, menace ou surprise ». Cette définition, qui peut sembler concise, implique néanmoins plusieurs points essentiels :

  • Pénétration sexuelle : elle peut être vaginale, anale, orale ou réalisée par le biais d’objets.
  • Violence, contrainte, menace ou surprise : au moins l’un de ces éléments doit être établi pour caractériser l’absence de consentement.
  • Sur la personne d’autrui : l’agression doit viser une personne distincte de l’auteur (excluant donc la tentative d’auto-mutilation ou autre acte qui n’aurait pas de sens en la matière, mais c’est une précision doctrinale).

Ainsi, tout repose sur l’absence de consentement de la victime, qui se déduit de la réalisation de l’acte sous l’emprise de l’une des quatre formes de coercition (violence, contrainte, menace ou surprise). Les éléments constitutifs du viol demeurent complexes à prouver en pratique, souvent en l’absence de témoins directs.

Dans certains pays, la définition du viol inclut expressément la notion d’« absence de consentement explicite ». Au Canada, par exemple, la loi privilégie la notion de « consentement libre et éclairé », ce qui facilite la démonstration de la contrainte, puisqu’il n’est plus nécessaire de prouver explicitement violence ou menace. En Suède, depuis 2018, la législation exige un consentement « explicite » ou une participation volontaire de la part du partenaire sexuel. En France, le législateur a conservé un dispositif reposant sur les quatre formes de coercition (violence, contrainte, menace, surprise), ce qui continue de susciter des débats quant au critère le plus pertinent pour fonder l’infraction.

II. Les éléments constitutifs : acte de pénétration, absence de consentement, élément moral.

A. L’élément matériel : la pénétration sexuelle.

L’infraction de viol se distingue d’autres agressions sexuelles (articles 222-22 et 222-27 du Code pénal) par la présence d’un « acte de pénétration sexuelle ».

Juridiquement, il s’agit d’un critère objectif, mais qui peut se prouver difficilement en l’absence de constatations médico-légales. En pratique, l’examen gynécologique ou proctologique et le recueil d’éventuelles traces d’ADN restent des moyens privilégiés pour apporter la preuve matérielle de la pénétration.

B. L’absence de consentement : violence, contrainte, menace, surprise.

Violence : usage de la force physique (coups, étreinte imposée, etc.)
Contrainte : peut être morale ou psychologique, lorsque la victime se trouve dans l’impossibilité de résister ou se sent obligée d’obtempérer (par exemple, sous l’autorité d’une personne hiérarchique)
Menace : déclaration ou comportement de l’agresseur laissant la victime craindre un mal grave et imminent (ex. menace de mort)
Surprise : un stratagème, une ruse, ou la prise en compte d’une victime inconsciente (sous l’effet de stupéfiants, d’alcool, endormie, etc.).

La difficulté probatoire réside souvent dans la distinction entre la « contrainte morale » et la simple absence de consentement. La jurisprudence française a progressivement élargi la notion de contrainte au point de tenir compte du rapport d’autorité ou de dépendance. Cependant, la preuve demeure délicate et parfois laissée à l’appréciation souveraine du juge, qui doit évaluer la crédibilité des déclarations respectives.

C. L’élément moral : l’intention coupable.

Le viol, classé parmi les crimes, exige un dol spécial, c’est-à-dire l’intention pour l’auteur de commettre un acte de pénétration en sachant que la victime ne consent pas. Il ne peut s’agir d’une simple « négligence ». Dans la pratique, l’auteur prétend souvent avoir cru au consentement. La preuve du dol peut alors dépendre d’indices contextuels (violences, insultes, propos contraignants, etc.) et du faisceau d’éléments recueillis durant l’enquête.

D. Les peines encourues et les circonstances aggravantes.

Le viol est puni de quinze ans de réclusion criminelle [1]. Il s’agit d’un crime justiciable de la cour d’assises, sauf si un recours à la procédure de « cour criminelle départementale » est possible depuis la réforme récente visant à désengorger les assises pour certains crimes.

Le Code pénal (article 222-24) prévoit diverses circonstances aggravantes, pouvant porter la peine jusqu’à vingt ans de réclusion, voire trente ans en cas de cumul ou lorsque certaines circonstances particulières sont réunies, par exemple :

  • Viol commis sur un mineur de quinze ans
  • Viol commis par un ascendant ou une personne ayant autorité sur la victime (enseignant, médecin, employeur)
  • Viol commis en réunion (plusieurs auteurs ou complices présents)
  • Usage ou menace d’une arme
  • Viol sur conjoint ou concubin (depuis les évolutions législatives récentes, qui reconnaissent le viol conjugal comme un crime à part entière).

Les coupables de viol peuvent être soumis à un suivi socio-judiciaire, comprenant une injonction de soins et des restrictions comme l’interdiction d’entrer en contact avec la victime, ou encore l’interdiction d’exercer certaines professions (enseignement, animation, etc.) si les circonstances l’exigent. Le nom du condamné est également inscrit au Fichier judiciaire automatisé des auteurs d’infractions sexuelles ou violentes (FIJAISV).

III. Exemples jurisprudentiels marquants.

3.1. L’affaire dite « du viol sous la menace psychologique ».

Plusieurs arrêts de la Cour de cassation illustrent l’extension de la notion de « contrainte » au domaine psychologique. Par exemple, en 1992, la chambre criminelle a confirmé la condamnation pour viol d’un père sur sa fille majeure sous prétexte qu’elle dépendait matériellement de lui, et que la crainte de se retrouver sans ressources suffisait à la réduire au silence.

3.2. Jurisprudence sur la surprise et l’inconscience de la victime.

En 2005, la chambre criminelle a reconnu la culpabilité d’un homme ayant commis un rapport sexuel avec une femme inconsciente sous l’emprise de l’alcool. La « surprise » dans ce cas a été caractérisée par l’impossibilité pour la victime de manifester ou de refuser son consentement.

IV. Le mouvement #MeToo : entre libération de la parole et outils de pression judiciaire.

En octobre 2017, le scandale Weinstein éclate aux États-Unis, lorsque le producteur hollywoodien Harvey Weinstein est accusé de harcèlement et d’agressions sexuelles par des actrices et employées. Ces révélations suscitent un véritable raz de marée médiatique : sous le hashtag #MeToo (initié par la militante Tarana Burke et popularisé par l’actrice Alyssa Milano), des milliers de femmes dans le monde entier commencent à témoigner sur les réseaux sociaux de violences sexuelles subies au travail ou dans la sphère privée.

Les réseaux sociaux (Twitter, Facebook, Instagram, etc.) ont offert un espace public illimité où les témoignages peuvent se multiplier de manière exponentielle. Ce phénomène d’amplification ou de « massification » de la parole a, certes, contribué à la prise de conscience collective, mais il a aussi engendré des risques :

  • Confusion entre dénonciation et diffamation : sur la toile, certaines personnes ont été publiquement accusées sans qu’aucune enquête judiciaire n’ait été ouverte.
  • Absence de contradiction ou de confrontation des fait : les réactions et jugements se forment parfois à partir d’une version unilatérale, sans vérification.

4.1. L’influence sur les enquêtes et l’institution judiciaire.

Il arrive que des témoignages de victimes ou de témoins publiés sur les réseaux sociaux servent de point de départ à une enquête. De même, la médiatisation exerce une pression sur les parquets, incités à ouvrir des procédures pour répondre à l’émoi public. Si cette pression peut être vertueuse lorsque la Justice s’empare enfin de dossiers restés lettre morte, elle peut aussi conduire à des excès : multiplication de plaintes injustifiées, enquêtes bâclées ou orientées, etc.

4.2. La présomption d’innocence à l’épreuve de la viralité.

La présomption d’innocence, consacrée notamment par l’article 9-1 du Code civil et l’article préliminaire du Code de procédure pénale, rappelle que toute personne poursuivie est présumée innocente tant que sa culpabilité n’a pas été légalement établie. Au plan européen, l’article 6 §2 de la Convention européenne des droits de l’homme en fait également un principe fondamental.

Avec #MeToo, de nombreuses personnes accusées d’agressions sexuelles ont été immédiatement désignées comme coupables par l’opinion publique, sans que la procédure judiciaire ait véritablement commencé. Cette tension est particulièrement forte dans des sociétés où la médiatisation prime sur la recherche sereine de la vérité.

Une personne publiquement accusée de viol (ou d’une autre violence sexuelle) peut perdre son emploi, faire l’objet de menaces, voir ses relations familiales et amicales se dégrader, et ce, même avant d’être entendue par la justice. Des carrières ont été détruites par la simple publication d’un tweet. S’il s’avère finalement qu’il n’existait pas de preuves suffisantes, la réparation du préjudice est souvent impossible.

In fine, on constate que l’infraction de viol reste l’une des plus complexes à appréhender sur le plan juridique, en raison notamment de la difficulté d’établir un manque de consentement par des preuves objectives. Les évolutions législatives et sociétales post-#MeToo ont permis une prise de conscience salutaire, mais ont aussi exposé la justice à des risques de dérives, de procès médiatiques et de condamnations hâtives.

Il incombe aux avocats des persister encore et toujours pour protéger les droits de La défense, et ce contre toutes les pressions médiatiques.

Samir Hamroun
Avocat à la Cour
Barreau d’Avignon
samirhamroun.avocat chez yahoo.fr

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[1Article 222-23 du Code pénal.

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