1. La pratique commerciale trompeuse.
Selon l’article L. 121-2 du code de la consommation, une pratique commerciale est trompeuse si elle est commise dans l’une des circonstances suivantes :
« 1° Lorsqu’elle crée une confusion avec un autre bien ou service, une marque, un nom commercial ou un autre signe distinctif d’un concurrent ;
2° Lorsqu’elle repose sur des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur et portant sur l’un ou plusieurs des éléments suivants : […]
c) Le prix ou le mode de calcul du prix, le caractère promotionnel du prix et les conditions de vente, de paiement et de livraison du bien ou du service ; »
Pour la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF), est réputée trompeuse en toutes circonstances la pratique qui a pour objet [1] :
« de décrire un produit ou un service comme étant "gratuit", "à titre gracieux", "sans frais" ou autres termes similaires si le consommateur doit payer quoi que ce soit d’autre que les coûts inévitables liés à la réponse à la pratique commerciale et au fait de prendre possession ou livraison de l’article ».
Selon la jurisprudence, doit être jugé trompeur le fait pour une entreprise d’annoncer qu’un service d’annuaire téléphonique est proposé gratuitement alors qu’il donne lieu à des frais pour le consommateur : la consommation étant facturée pour toutes les communications qui suivent la mise en relation, etc. [2].
Les pratiques commerciales trompeuses sont punies d’un emprisonnement de deux ans et d’une amende de 300 000 euros (article L. 132-2 du même code).
Le taux maximum de l’amende applicable aux personnes morales est égal au quintuple de celui prévu pour les personnes physiques (article 131-38 du code pénal).
La victime peut en outre réclamer des dommages et intérêts à condition qu’elle démontre l’existence du préjudice subi.
2. Le coût de l’installation des compteurs Linky sera in fine mis à la charge des usagers.
Selon Enedis, le dispositif de comptage est généralement composé des éléments suivants ( [3]) :
- compteurs et éventuels accessoires associés (dispositifs de communication, de raccordement,…),
- transformateurs de mesures éventuels, câbles et connectique associés,
- appareils de commande et de protection éventuels (disjoncteurs, organe de coupure, dispositif de protection à cartouche, fusible, …),
- tableaux de comptage supportant les compteurs et une partie des différents autres éléments cités ci-dessus.
Le compteur fait donc partie intégrante du dispositif de comptage.
Or l’article R. 341-7 du code de l’énergie prévoit que :
« Les coûts effectivement engagés liés aux dispositifs de comptage mis en œuvre par les gestionnaires des réseaux publics conformément aux prescriptions de l’arrêté prévu à l’article R. 341-6 entrent dans les charges à couvrir par les tarifs d’utilisation des réseaux publics de transport et de distribution d’électricité. »
Les coûts de l’installation des nouveaux compteurs Linky entrent donc dans les charges à couvrir par les tarifs d’utilisation du réseau de distribution d’électricité, qui sont payés par les usagers.
De surcroît, dans son rapport public annuel 2018 [4], la cour des comptes estime que le dispositif de remplacement de l’ensemble des compteurs électriques (39 millions de compteurs électriques) représente un investissement total pour ENEDIS de 5,39 milliards d’euros, soit 130 euros par compteur.
Concrètement, la fourniture du compteur représente un tiers de ce coût, sa pose un autre tiers, le dernier tiers correspondant aux autres éléments du dispositif (systèmes d’information, concentrateurs).
Selon la Cour des comptes, ce nouveau dispositif est « coûteux pour le consommateur mais avantageux pour Enedis » puisque le financement est « assuré par les usagers » ! La juridiction rappelle d’ailleurs que les dérives financières des projets des distributeurs sont « finalement toujours répercutées à l’usager ».
Pour que l’installation des nouveaux compteurs ne se traduise pas par une augmentation immédiate de la redevance se répercutant sur la facture d’électricité des consommateurs dès 2014, la Commission de régulation de l’énergie (CRE) a défini un mécanisme de différé tarifaire, dont l’objectif est de prendre en compte, pour la détermination du tarif de l’électricité au consommateur, le financement de l’investissement seulement lorsque Enedis sera en mesure de réaliser les gains attendus, c’est-à-dire lorsque 90 % des compteurs Linky seront posés.
Ce mécanisme de différé tarifaire neutralise, jusqu’en 2021, l’écart entre le tarif qui résulterait de l’application normale des règles de calcul de la redevance (qui prendrait en compte le programme Linky) et le tarif qui aurait été appliqué si le programme n’avait pas été réalisé. Ce différé constitue donc une avance faite par Enedis, remboursée par les consommateurs à partir de 2021.
Selon la cour des comptes, le coût moyen du différé correspondrait à un surcoût pour les usagers de 506 M€ en euros constants sur la période 2014-2031.
De plus, le mécanisme de différé tarifaire ne remplira pas son objectif de ne pas augmenter la facture des consommateurs : le tarif sera, entre 2022 et 2029, plus élevé que celui qui aurait été appliqué si le programme n’avait pas été réalisé.
3. En conclusion.
En affirmant que l’installation d’un compteur Linky est gratuite, Enedis laisse penser à l’usager qu’il ne paiera pas de supplément de prix, alors que la règlementation du code de l’énergie et le rapport de la cour des comptes indiquent que c’est faux.
L’installation d’un compteur Linky va inévitablement alourdir à terme la facture d’électricité du consommateur.
La question se pose de savoir si l’usager (particulier, copropriété, collectivité) peut s’opposer à cette augmentation tarifaire à venir ?
Pour connaître vos droits et les faire valoir, on ne peut que conseiller de se rapprocher d’un cabinet d’avocats spécialisé.