Désormais, le requérant doit rapporter la preuve de son intérêt à agir dès l’introduction de son recours [1].
Une étude de la jurisprudence récente démontre que l’intérêt à agir est apprécié de plus en plus strictement, notamment en ce qui concerne les installations de production d’énergie renouvelable.
L’intérêt à agir des personnes physiques contre un permis de construire s’apprécie strictement, de sorte que le requérant doit justifier :
d’une part, de la contiguïté séparant son bien du projet litigieux,
d’autre part, du risque avéré de nuisances en raison de la présence de la construction dans les lieux voisins.
Le requérant doit tout d’abord rapporter la preuve formelle de la faible distance séparant son bien du projet en cause :
« 4. Considérant que, pour déterminer l’intérêt donnant qualité pour agir d’un requérant à l’égard d’un permis de construire, il appartient au juge administratif d’apprécier, à la fois, la distance entre le projet et le domicile de ce dernier, la nature et l’importance dudit projet, ainsi que la configuration des lieux ;
5. Considérant que la seule circonstance que M. X, qui habite le lieu-dit « Vaucluse » sur le territoire de la commune de Montjay, serait le voisin le plus proche du parc solaire litigieux, ne suffit pas, ainsi que l’ont retenu les premiers juges, à établir l’intérêt à agir de l’intéressé contre l’arrêté en litige, en l’absence notamment de tout élément permettant d’apprécier la distance séparant son domicile du projet du parc solaire dont s’agit » [2].
Les conditions relatives à l’intérêt à agir sont par ailleurs cumulatives.
Les requérants doivent démontrer de manière concrète, par la production d’éléments tangibles, dans quelle mesure le projet est de nature à affecter leurs conditions de jouissance ou d’occupation :
« 4. Considérant que les écritures et les documents produits par l’auteur du recours doivent faire apparaître clairement en quoi les conditions d’occupation, d’utilisation ou de jouissance de son bien sont susceptibles d’être directement affectées par le projet litigieux ; qu’il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, pour justifier de leur intérêt à agir, les requérants se sont bornés à se prévaloir de leur qualité de "propriétaires de biens immobiliers voisins directs à la parcelle destinée à recevoir les constructions litigieuses" ; que, par ailleurs, les pièces qu’ils ont fournies à l’appui de leur demande établissent seulement que leurs parcelles sont mitoyenne pour l’une et en co-visibilité pour l’autre du projet litigieux ; que, le plan de situation sommaire des parcelles qu’ils ont produit ne comportait que la mention : "façade sud fortement vitrée qui créera des vues " ; qu’invités par le greffe du tribunal administratif, par une lettre du 28 août 2014, à apporter les précisions nécessaires à l’appréciation de l’atteinte directe portée par le projet litigieux à leurs conditions d’occupation, d’utilisation ou de jouissance de leur bien, ils se sont bornés à produire, le 5 septembre suivant, la copie de leurs attestations de propriété ainsi que le plan de situation cadastral déjà fourni ; que, dans ces conditions, la présidente de la deuxième chambre du Tribunal administratif de Marseille a procédé à une exacte qualification juridique des faits en jugeant que les requérants étaient dépourvus d’intérêt à agir contre le permis de construire litigieux ; que c’est sans commettre d’erreur de droit ni méconnaître l’article 6 paragraphe 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ni aucun principe qu’elle a rejeté leur demande comme manifestement irrecevable par ordonnance, sans audience publique, sur le fondement du 4° de l’article R222-1 du Code de justice administrative » [3].
Voir encore :
« 3. Pour admettre que M. B...justifie d’un intérêt lui donnant qualité pour demander l’annulation du permis de construire délivré aux époux C..., l’ordonnance attaquée, après avoir notamment constaté que la propriété du requérant, située dans un secteur demeuré à l’état naturel, est séparée de celle des bénéficiaires du permis par une parcelle longue de 67 mètres et que sa maison est distante d’environ 200 mètres de la maison d’habitation dont la construction est autorisée par ce permis, relève que les boisements présents sur les terrains en cause ne suffisent pas pour "occulter toute vue et tout bruit" entre le terrain d’assiette de la construction et la propriété du requérant et que celui-ci indique avoir acquis cette propriété en raison de l’absence de voisinage. En se fondant sur de tels éléments, qui n’étaient pas à eux seuls de nature à établir une atteinte directe aux conditions d’occupation, d’utilisation ou de jouissance de son bien par M.B..., le juge des référés a commis une erreur de droit. L’ordonnance attaquée doit par suite être annulée, sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens du pourvoir » [4].
Plus encore, un requérant dont la maison d’habitation est située à plus de 100 mètres du projet litigieux et qui ne disposerait d’aucune vue sur le projet n’a pas intérêt à agir contre un permis de construire :
« 5. Il ressort des pièces du dossier que la maison d’habitation de Mme J... est implantée sur les parcelles cadastrées 146, 148 et 73 au lieu-dit Kergonda, distante de plus de 100 m du projet dont elles sont séparées par une voie et des maisons d’habitation. Il n’est pas contesté qu’elle ne peut être regardée comme le voisin immédiat de l’opération projetée. Il n’est pas davantage contesté que, compte tenu de la configuration des lieux, elle ne dispose pas de vues sur le projet. Si elle invoque un risque d’aggravation des nuisances olfactives du fait de l’agrandissement de l’exploitation cunicole, elle n’apporte pas d’éléments permettant de justifier que les constructions projetées, notamment le bâtiment destiné à accueillir les lapins, dont il ressort des pièces du dossier qu’il disposera d’une fosse enterrée et se situe à l’arrière du hangar abritant du matériel agricole, seraient susceptibles d’affecter directement les conditions d’occupation, d’utilisation ou de jouissance de son bien. Ainsi, les premiers juges, en jugeant que l’intéressée ne justifiait pas d’un intérêt suffisant lui donnant qualité pour contester le permis de construire du 5 octobre 2016, n’ont pas entaché leur jugement d’irrégularité » [5].
L’intérêt à agir contre un permis de construire s’apprécie en conséquence de la manière suivante :
les requérants doivent faire état de l’atteinte susceptible d’affecter les conditions d’occupation, d’utilisation ou de jouissance de leurs biens,
ils doivent établir que la construction, par sa nature, son importance, ou sa localisation, est de nature à porter atteinte aux conditions d’occupation, d’utilisation ou de jouissance de leurs biens,
la qualité de « voisin immédiat » constitue un indice qui n’est pas nécessairement déterminant et dont la qualification est appréciée de manière stricte par les juridictions.
Il est impératif que les requérants fassent cette démonstration dès le dépôt de leur requête sous peine de voir leur recours rejeté comme irrecevable.