Clarisse Andry : FlixBus est une « start-up européenne » : quels impacts ont ces deux éléments sur votre fonction de directrice juridique ?
Camille Vanmeirhaeghe : Le terme de « start-up européenne » définit exactement FlixBus. L’aventure a commencé en Allemagne, en 2013, suite à l’ouverture à la concurrence du transport par autocars. Puis en 2015, deux filiales sont créées en Italie et en France, après la libéralisation du marché.
En tant que start-up, nous sommes en mouvement permanent et les décisions se prennent vite. Je dois donc être très réactive et m’adapter en permanence aux nouvelles évolutions. Ce mode de fonctionnement a l’avantage de stimuler l’innovation et de souder les équipes. Ma première mission lors de mon arrivée chez FlixBus, début 2016, a été de créer le département juridique. Aujourd’hui nous sommes une petite équipe avec des profils variés et complémentaires.
En tant que société européenne, nous sommes confrontés à une diversité des législations. Même si de plus en plus de règles sont harmonisées au niveau européen, il existe encore beaucoup de spécificités nationales. Pour maintenir une bonne communication et rester unis avec les équipes juridiques des autres pays, nous organisons régulièrement des vidéoconférences et des déplacements.
Quelle place est accordée au juridique, et à la fonction juridique, au sein de votre société ?
L’équipe juridique est impliquée dans les décisions stratégiques. Étant consultés en amont, nous adoptons une attitude pro active ; nous essayons d’être créatifs et innovants pour participer activement à la stratégie de l’entreprise.
La fonction juridique est également au cœur des enjeux quotidiens. Plutôt qu’un conseiller, nous sommes un partenaire des équipes opérationnelles. La proximité des équipes, avec nos bureaux structurés en open space, nous permet d’être toujours informés des nouveaux projets, de bien comprendre la réalité sur le terrain et d’apporter une réponse adéquate.
Quelles sont les spécificités juridiques d’une entreprise telle que FlixBus ? Le fait d’être apparue avec une loi récente a-t-il eu des conséquences sur vos missions ?
La première spécificité est que nous évoluons en même temps que la réglementation. Le 6 août 2015, le transport par autocars a été libéralisé par la loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques. Puis progressivement, les mesures d’application de cette loi sont entrées en vigueur. La conséquence de cette libéralisation récente est une instabilité juridique. Le principal enjeu est donc d’être très réactif. En tant qu’acteur d’un secteur en plein développement, nous devons nous adapter très rapidement aux évolutions du marché et aux nouvelles réglementations.
La deuxième spécificité est la proche collaboration avec notre autorité de régulation. Nous n’hésitons pas à répondre aux consultations publiques de l’Arafer pour apporter notre retour d’expérience et faire part des obstacles rencontrés dans ce nouveau marché.
Votre rôle est-il voué à évoluer plus rapidement ou différemment que dans d’autres entreprises au sein d’une start-up ?
En passant de start-up à leader européen, les projets se sont multipliés et ont rapidement progressé. En conséquence, mes missions ont vite évolué et se sont diversifiées, passant de la négociation contractuelle au développement de nos activités business en France et en Europe. Pour accompagner cette croissance rapide, j’ai structuré notre organisation juridique et nos méthodes de travail tout en gardant notre agilité.
Le modèle de l’entreprise a-t-il un impact sur le management de votre équipe ? Le fait par exemple d’être une start-up ? Ou qu’il s’agisse à la base d’une société allemande ? Les exigences sont-elles différentes ?
Oui, le fait de travailler dans une start-up jeune et dynamique influe forcément sur le management. Dans un environnement aussi innovant que le nôtre, avec des nouveaux projets tous les mois, j’insiste beaucoup sur la réactivité, l’adaptabilité et la créativité. Pour nous stimuler et maintenir notre agilité, nous créons très souvent des petites équipes de travail transversales.
Comme dans toute start-up, la cohésion d’équipe et la convivialité sont primordiales. Nous travaillons ensemble pour la réalisation d’un projet commun. Chacun sait qui fait quoi, et ce que l’on va faire demain. Notre organisation de travail facilite cet esprit d’équipe et la transparence de l’information. Par exemple, tous les lundis, l’ensemble du bureau se retrouve pour le petit-déjeuner : ce moment de convivialité permet non seulement de faire le point sur la progression des différents sujets, mais aussi d’impliquer davantage les salariés aux actions de leurs collègues.
Le fait d’être à la base une société allemande a peu d’influence sur le management de l’équipe. Avec des bureaux répartis dans six pays différents et opérant dans toute l’Europe, nous ne nous considérons pas comme une entreprise allemande mais comme une entreprise européenne. J’essaie de profiter de cette richesse culturelle pour m’inspirer des meilleures méthodes de travail et de management, mais aussi pour apporter une « French Touch » à mes collègues, en proposant des solutions alternatives à leurs pratiques habituelles.