JUB Munich : refus de prolongation de la procédure écrite.

Par Stéphane Masi, Conseil en Propriété Industrielle.

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Explorer : # propriété industrielle # brevet # action en révocation # procédure écrite

Lors de l’ordonnance rendue par la Section centrale de la JUB (Juridiction unifiée du brevet) à Munich le 4 août 2025, le juge a rejeté la demande de prolongation de la phase écrite dans le cadre de l’action de révocation visant le brevet européen EP’800. Cette décision, fondée sur l’application stricte de la Règle 36 du Règlement de procédure, confirme que toute demande tardive d’échanges écrits ne vaut que si elle est justifiée par des éléments nouveaux ou des vices de procédure, conditions que la demanderesse n’a pas su démontrer.

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Contexte de l’affaire.

Brevet en cause : EP 2 611 800, délivré le 16 juin 2019 (EP’800).

Concerne  : action en révocation à l’encontre du brevet EP’ 800 : déposée le 20 décembre 2024.

Faits marquants.

  • Rejet de toutes les demandes et/ou requêtes formulées par les parties
  • La décision de recevabilité d’une attaque de nouveauté formulée par le demandeur à l’action en révocation est renvoyée à la procédure intermédiaire ou orale

Rappel - Action en révocation.

Sauf si le titulaire du brevet a demandé à déroger à la compétence de la nouvelle Juridiction unifiée des Brevets ou JUB (ce qui reste actuellement possible pendant la période transitoire actuelle de 7 années  : en déposant un Opt-out), à la délivrance d’un brevet européen, les tiers ont la possibilité de demander la révocation du brevet de manière centralisée en agissant devant la JUB.

Cette Action en Révocation doit être introduite dans le respect des bases légales qui la régissent, et notamment dans le respect des termes des accords de la Juridiction Unifiée des Brevets (AJUB) et de son règlement de procédure (RoP).

Grâce à une telle action centralisée, plutôt que de devoir introduire des actions en annulation devant les tribunaux de tous les états pour lequel le brevet européen aurait été validé, il devient possible d’obtenir une décision unique qui prendra effet - à minima - dans tous les territoires du brevet unitaire (à sa date de délivrance), c’est-à-dire actuellement 18 états.

Pour se préserver de telles actions centralisées, une première catégorie de titulaires a opté pour la possibilité de déroger à la compétence de la JUB (y compris pour des brevets plus anciens avant l’entrée en vigueur de la JUB), mais ils doivent cependant lever cette dérogation pour introduire à leur avantage une action en contrefaçon devant la JUB.

A l’inverse, une deuxième catégorie de titulaire choisit le brevet européen sans
Opt-out pour pouvoir agir en contrefaçon de manière centralisée et/ou bénéficier de tous les avantages connexes ; notamment le système de maintien en vigueur du brevet plus simple avec des coûts plus maîtrisés pour les brevets unitaires.

Le brevet dont il est ici question est un brevet européen qui entre dans cette deuxième catégorie, et s’est vu frappé d’une action en révocation par un tiers devant la JUB.

Dans le cadre d’une telle action, et lorsque celle-ci est jugée recevable dans ses formes, les parties ont pendant une phase de procédure écrite la possibilité d’échanger leurs arguments, le cas échéant à l’appui d’éléments de preuves, dans des délais impartis. Plus particulièrement, et comme le rappelle la présente décision en ces termes : le règlement de procédure (règle 43 RoP) prévoit une procédure écrite qui consiste :

  • en le dépôt d’une requête en révocation d’un mémoire en défense et,
  • à titre facultatif, d’une réplique au mémoire en défense et d’une duplique à la réplique.

Dans la présente affaire, la partie requérante à l’action en révocation demande une prolongation de la procédure écrite pour éviter sa clôture.

Énoncé des faits .

Cette ordonnance de la Juridiction unifiée du brevet (JUB) rendue le 4 août 2025, relative à l’action en révocation du brevet engagée par une société finlandaise à l’encontre du brevet EP’800 dont est titulaire une société danoise, prononce en particulier un rejet de la requête de prolongation de la procédure écrite déposée par la société finlandaise.

La demanderesse à l’action en révocation (soc. finlandaise) dépose une requête en prolongation de la procédure écrite, laquelle doit se faire avant la clôture de la décision écrite régie par la règle 35 RoP. La demanderesse veut contester les derniers arguments produits par la défenderesse (ici le titulaire du brevet) sur la brevetabilité de son invention, et plus particulièrement concernant le critère de la nouveauté. En l’état, la demanderesse estime devoir contester ces derniers arguments du breveté dont elle prétend qu’ils sont erronés et méritent une contre-attaque écrite.

Plus particulièrement, la demanderesse appuie sa demande de prolongation de la procédure écrite sur les dispositions réglementaires de la Règle 36 RoP, et en particulier son passage rédigé en ces termes  : «  …avant la date à laquelle le juge-rapporteur a l’intention de clôturer la procédure écrite (règle 35, point a) RoP), le juge-rapporteur peut autoriser l’échange de nouveaux mémoires dans un délai à spécifier… ».

Le tribunal considérant que :

  • les parties ont eu suffisamment la possibilité de s’exprimer par l’écrit et que le requérant ne fait référence à aucun fait ou élément nouveau ;
  • les débats doivent se terminer par la dernière réponse produite par la défenderesse (le défendeur à le dernier mot dans la duplique : cf. Règle 43 RoP) ;
  • les motifs soulevés par le requérant ne sont pas valables car ne constituent pas un vice de procédure entachant les principes d’équité, du droit d’être entendu, etc.
  • se prononce par un refus de prolonger la procédure écrite, et conclut dans sa décision que la règle 36 RoP n’a pas vocation à s’appliquer ici.

Commentaires et conclusions .

Cette décision souligne toute l’importance de produire des explications valables en cohérence avec ce qui est demandé par les textes légaux et règlementaires.

Il fallait ici démontrer quel principe de procédure n’avait pas été respecté ; et contester les arguments sur le fond des écrits du titulaire, comme l’a fait la demanderesse, ne pouvait pas constituer un motif recevable dans le cadre de la règle qu’elle invoque pour motiver la prolongation de la procédure écrite (Règle 36 RoP).

Enfin, dans sa décision, la division centrale de Munich rappelle qu’il est inutile, voire contre-productif, de produire des arguments supplémentaires au-delà du nombre d’échanges autorisés (cf. R43 RoP) et au mépris de l’interdiction déjà formulée à cet égard par la cour : les arguments supplémentaires soumis hors délais ne seront pas pris en compte par la cour (nota  : à l’appui de Règle 9.2 RoP).

Stéphane Masi, Conseil en Propriété Industrielle & Mandataire Européen auprès de l’OEB
Novagraaf - Conseils en Propriété Intellectuelle
Brevets - Marques - Dessins & Modèles
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