Être non lucratif…
Par principe, les associations de création artistiques ne sont pas soumises aux impôts commerciaux (Impôt sur les sociétés, TVA et Cotisation foncière des entreprises), sauf si elles exercent une activité lucrative.
Qu’est-ce qu’une association de création artistique ?
L’administration fiscale précise qu’elles produisent et créent des œuvres pouvant réunir plusieurs artistes dans des disciplines telles que les arts plastiques, les arts de la rue, du cirque, de la danse, de la musique, du théâtre. Les associations de création artistique jouent un rôle d’animation de la vie sociale et culturelle. Elles atteignent ces buts par la production d’œuvres, de spectacles, par l’organisation de manifestations artistiques, par la diffusion des œuvres produites, par des actions de formations, par l’encadrement de pratiques amateurs…
Qu’est-ce qu’une association de création artistique non lucrative ?
L’administration fiscale applique ici, pour chaque activité déployée par l’association, la démarche, en trois étapes, posée par l’instruction du 18 décembre 2006 :
- La compagnie doit être gérée de façon désintéressée, ce qui implique que ses dirigeants, de droit ou de fait, exercent leurs fonctions à titre bénévole, sous réserve d’une tolérance à hauteur d’un montant de rémunération brute mensuelle totale versée à chaque dirigeant inférieur ou égal au ¾ du smic.
Le recours à un directeur salarié, qui peut participer à titre consultatif au conseil d’administration, ne remet pas en cause le caractère désintéressé de la gestion, dès lors que le conseil d’administration détient un pouvoir de nomination et révocation du directeur et en fixe la rémunération. Les spécificités de l’activité artistique conduisent à admettre que le directeur artistique dispose d’une grande liberté dans sa gestion, notamment en matière d’orientation artistique, sans que la gestion désintéressée ne soit remise en cause.
- L’association concurrence-t-elle un organisme du secteur lucratif ?
Si la gestion d’une association est désintéressée, ses activités seront considérées comme non lucratives que si elles ne font pas concurrence à d’autres organismes lucratifs exerçant la même activité dans le même secteur. Le raisonnement s’obscurcit très vite s’agissant des associations de création artistique pour lesquelles l’administration édicte une présomption de non-lucrativité dès lors qu’elles produisent des œuvres originales, expérimentales ou innovantes (dans le cadre d’un projet culturel et artistique global clairement identifié), n’ayant en général pas vocation à être exploitées commercialement. Ces associations sont par principe non concurrentielles mais… jusqu’à ce qu’elles le deviennent !
Si l’association culturelle pénètre le secteur concurrentiel, il conviendra alors d’examiner successivement les critères dits des « 4P », que sont le produit proposé, le public visé, les prix pratiqués et les moyens de publicité mis en place, ces critères étant classés par ordre décroissant d’importance.
- Les critères d’appréciation de la non-lucrativité d’une association de création artistique concurrentielle sont les suivants :
Le produit : l’association se distinguera d’une entreprise commerciale dès lors qu’elle :
- propose des créations artistiques, c’est-à-dire des œuvres dont la caractéristique artistique est d’être innovante ou expérimentale et de connaître une faible notoriété. Dans tous les cas les œuvres proposées ne s’inscrivent pas dans une exploitation de type commercial (réseaux de grande diffusion organisée et exploitation médiatique) ;
- propose des créations d’artistes amateurs ou professionnels sans moyens financiers et dont la notoriété ou le projet artistique est à établir ;
- développe et organise autour de la production artistique un projet éducatif et d’action culturelle clairement identifié en direction de populations spécifiques issues des quartiers défavorisés ou de zones rurales sous-équipées et mal pourvues en offre culturelle et artistique ;
- fonctionne grâce à la participation active de bénévoles dans la production et la valorisation des créations artistiques.
Le public : les créations artistiques proposées peuvent s’adresser à tout type de public de manière indifférenciée. Néanmoins, les actions que les associations peuvent mener auprès de publics défavorisés issus de quartiers ou de zones rurales sous-équipés et mal pourvus en offre culturelle et artistique, en leur permettant d’assister aux spectacles et aux animations proposées et/ou de participer à leur organisation permettent de considérer que ce critère est rempli.
Le prix : lorsque le public participe au financement de la prestation artistique (notamment lors de spectacles), les prix proposés doivent être dans tous les cas inférieurs d’au moins un tiers au prix proposé par les organismes du secteur concurrentiel et peuvent être modulés en fonction de la situation des spectateurs.
La publicité : les associations peuvent proposer des opérations d’informations (plaquettes de présentations, publipostages, affiches, site internet etc.), à destination des personnes auxquelles s’adressent les créations, sans que soit remise en cause leur non-lucrativité à condition que les moyens mis en œuvre ne puissent s’assimiler à de la publicité.
En synthèse, en dépit de leur rôle essentiel dans la vie sociale et culturelle, les associations de création artistique n’échapperont aux impôts commerciaux que si elles produisent des œuvres originales, expérimentales ou innovantes, de faible notoriété, sans moyens financiers mais tout de même suffisamment pour organiser des actions d’éducation artistique ou de médiation culturelle à destination des publics éloignés. Elles devront permettre l’accès de tous au spectacle à des tarifs inférieurs au prix du marché, sans avoir recours à la publicité.
Dans ces conditions, écrire le budget d’une production sans recours massif aux subventions publiques relève en soi de la catégorie dramatique.
… Ne rime pas avec absence de bénéfices !
Face à la restriction des subventions publiques, concilier son droit à exonération fiscale avec un budget positif de création devient un jeu d’équilibriste. Les associations de création artistique doivent être imaginatives dans la diversification de leurs ressources, en utilisant les outils juridiques qui s’offrent à elles.
La réalisation d’excédents : rappelons que si elle ne peut les accumuler ou les distribuer, une association de création artistique non lucrative peut légitimement dégager de ses activités des excédents dès lors qu’ils sont destinés à faire face à des besoins ultérieurs ou à d’autres projets de création non-lucratifs. Cela est le reflet d’une gestion saine et prudente. Ce principe est important pour les associations de création artistique dont l’activité est marquée par une oscillation entre des cycles de production et des cycles de diffusion, qui dépassent souvent le cadre annuel.
La réalisation de recettes lucratives : afin d’équilibrer leur budget, les associations culturelles doivent apprendre à développer leurs activités lucratives qui échapperont aux impôts commerciaux sous ces conditions :
- la gestion de l’association est désintéressée.
- les activités non lucratives restent significativement prépondérantes.
- le montant des recettes d’exploitation (hors TVA) encaissées au cours de l’année civile au titre des activités lucratives ne doit pas excéder 78.596 euros pour l’année 2024.
C’est un seuil de franchise non négligeable que les associations culturelles ont tout intérêt à développer (recettes de buvette, restauration, produits dérivés de spectacle, cours de pratique artistique, sessions de team building artistique…).
N’entrent pas dans ce seuil de franchise et constituent une autre source complémentaire de revenus, les recettes perçues à l’occasion de six manifestations annuelles de bienfaisance ou de soutien organisées dans l’année au profit exclusif de l’association (bals, concerts, spectacles folkloriques ou de variétés, séances de cinéma, théâtre, expositions, loteries, divertissements sportifs…).
Les manifestations consistant en des activités qui constituent l’objet même d’une association, telles que les spectacles, ne sont pas exonérées. En revanche, elle peut prétendre à l’exonération pour des évènements comme des kermesses, des loteries ou des tombolas. Une compagnie de danse pourrait ainsi envisager l’organisation d’un bal dansant...Toutes les recettes issues de la manifestation sont exonérées, qu’importe leur nature et sans plafond.
Le mécénat culturel : le mécénat est une autre source de financement non fiscalisée pour les associations de production artistique, la culture étant un domaine relevant de l’intérêt général. Cela concerne les organismes se consacrant à la création et à la diffusion d’œuvres artistiques (musique, théâtre, arts plastiques, littérature, cinéma, patrimoine, etc.). Sont également éligibles les structures contribuant au développement de la vie culturelle, comme les formations artistiques ou les actions facilitant l’accès du public aux œuvres. Pour bénéficier du mécénat, l’association doit, en plus d’une gestion désintéressée, s’assurer que ses activités non lucratives sont prépondérantes et qu’elle ne fonctionne pas au profit d’un cercle restreint.
En outre, une exception fiscale permet à certaines associations culturelles de bénéficier du mécénat alors même que leurs activités sont fiscalisées à condition que leur activité principale soit la "présentation au public de spectacles". Cependant, cette notion semble restreinte par l’administration fiscale aux lieux de diffusion et aux festivals, ce qui exclut injustement les compagnies de spectacle ne disposant pas d’un lieu de diffusion. Je considère au contraire que ces dernières consacrent également une partie principale de leur budget à la production et donc à la diffusion de spectacles au public.