Le droit d’agir en justice comprend, dans bien des cas, le droit de contester une décision défavorable. C’est exactement ce que permet l’appel. L’appel est l’une des voies de recours existantes, c’est aussi une procédure fondamentale qui autorise la partie perdante ou celle qui est en désaccord avec le jugement rendu à contester ce jugement devant une juridiction supérieure. Cependant, toutes les décisions de justice ne sont pas susceptibles d’appel et toutes les parties ne choisissent pas d’y recourir.
Cette voie de recours remet en cause l’autorité de la chose jugée et permet de statuer à nouveau sur les faits et le droit.
Il est important de préciser qu’en appel, l’appelant est la partie qui initie l’appel, tandis que la partie intimée est celle qui est citée devant la cour d’appel. Et les juges d’appel disposent de pleins pouvoirs pour statuer, ce qui leur permet d’ordonner de nouvelles mesures d’instruction si nécessaire.
Pour que l’appel soit valable, il doit être formé dans un délai limité à partir de la notification du jugement :
- En matière civile : 1 mois dans le domaine du contentieux et 15 jours en matière gracieuse [1] et pour une ordonnance de référé.
Notons que ces délais sont allongés pour une personne résidant à l’étranger. - En matière pénale : 10 jours.
L’article 546 du Code de procédure civile prévoit
« Le droit d’appel appartient à toute partie qui y a intérêt, si elle n’y a pas renoncé. En matière gracieuse, la voie d’appel est également ouverte aux tiers auxquels le jugement a été notifié » [2].
Il convient d’examiner en premier lieu, les raisons et les conséquences du recours à l’appel (I) et en second lieu, de s’interroger sur les conséquences du non-recours à l’appel ou de l’absence d’appel (II).
I- Les raisons et les conséquences du recours à l’appel.
Interjeter appel n’est pas une démarche à prendre à la légère, puisqu’elle peut s’avérer coûteuse et longue (plusieurs mois, voire plusieurs années). Il est donc essentiel d’évaluer avec soin les chances de succès et les implications avant de se lancer dans cette procédure.
Ainsi, avant d’aller plus loin dans les conséquences (B), il convient de s’interroger sur les raisons qui peuvent motiver une ou plusieurs parties à en faire usage (A).
A- Les motivations du recours.
Les parties peuvent interjeter appel pour des raisons ou motifs variés :
- Lorsqu’une partie est mécontent du jugement du premier ressort ou lorsqu’une partie estime que le juge a mal interprété les faits ou le droit
- Si la décision ou le jugement contesté cause un préjudice financier, patrimonial, moral, etc., il peut être opportun de recourir à l’appel dans ce cas
- Lorsque l’une des parties (perdantes) dispose d’éléments nouveaux (preuves supplémentaires, témoignages…) apparus après la décision rendue par le juge du 1er ressort
- Lorsque la décision ou le jugement du premier ressort a été rendu par défaut ou contradictoirement
- Lorsqu’il y a une erreur manifeste c’est-à-dire, en cas de vice de procédure ou mauvaise appréciation des preuves.
Exemple : En matière du droit de la famille, un parent peut décider d’interjeter appel sur la garde des enfants s’il juge que l’intérêt de l’enfant n’a pas été respecté.
B- Les conséquences du recours.
Ces conséquences supposent des délais supplémentaires, parfois longs, avant qu’un jugement ne soit prononcé. S’agissant des conséquences du recours à l’appel, on peut énumérer :
Le coût de la procédure.
Il faut noter que l’appel n’est pas possible pour toutes les affaires : certaines décisions sont rendues en premier et dernier ressort (par exemple lorsque le montant des demandes est inférieur à 5 000 euros).
Il faut aussi préciser que le taux de ressort pour interjeter appel d’une décision du tribunal judiciaire est fixé à 5 000 euros. Cela signifie que toute affaire dont le montant est inférieur à 5 000 euros n’est pas susceptible d’appel [3].
Effet suspensif.
Lorsqu’un appel est exercé par l’une des parties, il a un effet suspensif. Aussi, seules les voies de recours ordinaire, comme l’appel ou l’opposition, ont un effet suspensif [4].
Selon l’article 539 du CPC, « L’exercice d’un appel met en suspens l’exécution du jugement ». Il résulte de ce texte que le délai laissé aux parties pour faire appel d’une décision suspend l’exécution de celle-ci. Cela signifie que l’appel exercé dans le délai imparti suspend donc l’exécution du jugement [5].
- Dans les affaires civiles : l’exécution de la décision attaquée n’est pas possible sauf si elle bénéficie de l’exécution provisoire au cours du délai de recours, et en cas d’exercice de celui-ci.
- Dans les affaires pénales : La juridiction qui a statué en premier ressort peut prendre des dispositions pour faire obstacle à cet effet suspensif. C’est le cas d’une personne condamnée par une cour d’assises à une peine d’emprisonnement reste en détention pendant l’appel.
Exemple : un jugement ordonnant le paiement d’une somme est exécutoire immédiatement, même si l’appel est formé, sauf si la décision relève d’une matière exclue (ex. divorce) [6].
La conséquence principale de l’effet suspensif du délai d’appel est la suspension de l’exécution du jugement qui n’acquiert force de la chose jugée qu’à l’expiration du délai imparti qui est suspensif de prescription. Cela signifie qu’il n’est pas possible d’ordonner des mesures d’exécution forcée contre la décision rendue [7].
Ainsi, la jurisprudence de la Cour de cassation soulignait que tout acte réalisé en exécution d’un jugement pour lequel un appel est exercé est nul [8]. Pourtant, ce principe est atténué, car les décisions sont en principe susceptibles d’exécution provisoire depuis le 1er janvier 2020 (à la suite du décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019).
Les décisions de première instance sont immédiatement exécutoires à titre provisoire, sauf exception [9]. Cela signifie que la partie gagnante peut faire exécuter le jugement immédiatement, peu importe l’effet suspensif du délai d’appel.
Effet dévolutif.
Aux termes des dispositions de l’article 562 du Code de procédure civile
« l’appel défère à la cour la connaissance des chefs de jugement qu’il critique expressément et ceux qui en dépendent. La dévolution ne s’opère pour le tout que lorsque l’appel tend à l’annulation du jugement ou si l’objet du litige est indivisible ».
Cet effet correspond au transfert du fond du litige à la juridiction d’appel et il aboutit à remettre en cause la chose jugée en question devant la juridiction d’appel [10]. La Cour d’appel examine à nouveau l’affaire dans son intégralité (faits et droit) et tant sur le fond que sur la forme. Elle peut modifier ou réformer la décision du 1er ressort. Elle peut également annuler la décision et renvoyer l’affaire ou statuer elle-même.
Par effet dévolutif, la Cour a l’entière et totale connaissance du litige (dans la limite de l’emprise de l’appel) et doit statuer en droit et en fait avec les mêmes pouvoirs que le premier juge [11]. Elle ne peut renvoyer l’affaire en tout ou partie devant le premier juge [12].
La Cour de cassation a jugé dans de nombreux arrêts que « l’effet dévolutif a pour effet de dessaisir le premier juge, sauf pour interpréter sa décision, rectifier les erreurs ou omissions matérielles de sa décision, réparer les omissions de statuer… et ce jusqu’à l’enrôlement de l’appel » [13].
Les nouvelles demandes sont interdites e principe, sauf si elles sont liées à l’objet du litige.
II. Les conséquences du non-recours à l’appel.
A. Autorité de la chose jugée.
En l’absence d’appel dans les délais légaux, la décision rendue par le premier juge devient irrecevable. Elle acquiert l’autorité de la chose jugée au sens de l’article 1355 du Code civil, ce qui signifie qu’elle ne peut plus être remise en cause sur le même objet, entre les mêmes parties et pour les mêmes causes [14]. Cela marque donc, la fin du procès au fond.
B. Les effets sur l’exécution de la décision.
Une décision définitive devient exécutoire de plein droit. C’est-à-dire que le créancier peut par exemple, obtenir un titre exécutoire et engager des mesures d’exécution forcée telles que les saisies, expulsion, etc.
Aussi, l’absence du recours peut également être volontaire ou involontaire, puisqu’il manifeste une forme d’acceptation de la décision d’une part et peut être contraint à travers le manque de moyens, une ambiguïté sur l’issue de l’appel d’autre part. dans tous les cas, il ferme l’accès au double degré de juridiction, sauf exceptions encadrées.
En définitive, il ne faut pas oublier que l’appel n’est pas toujours la seule voie de recours possible : dans certains cas, il peut être plus judicieux d’opter pour un pourvoi en cassation (devant la Cour de cassation ou le Conseil d’État), qui permet de contester une décision sur le fondement d’une violation du droit.


