Les contre-pouvoirs pendant la cohabitation.

Par Pierrick Gardien, Avocat.

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Explorer : # cohabitation # contre-pouvoirs # premier ministre # séparation des pouvoirs

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Pendant une cohabitation, le Premier ministre est confronté à plusieurs contre-pouvoirs qui limitent son action. Le président de la République peut refuser des ministres, refuser de promulguer des lois, prendre des décisions unilatérales et utiliser le référendum. Le Sénat peut ralentir le vote des lois et bloquer les modifications constitutionnelles. La justice joue également un rôle important en contrôlant la constitutionnalité des lois et des décisions gouvernementales.
Description rédigée par l'IA du Village

Selon les derniers sondages, le Rassemblement national (RN) serait en mesure d’obtenir la majorité absolue des suffrages aux élections législatives anticipées des 30 juin et 7 juillet 2024. Si tel était le cas, la cohabitation s’imposerait au président de la République qui serait contraint de nommer Jordan Bardella Premier ministre et de le charger de conduire la politique de la Nation.
Mais existe-t-il des contre-pouvoirs pendant la cohabitation ? Autrement formulé, le Premier ministre de cohabitation a-t-il vraiment les mains libres pour mener sa politique ?

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Un Premier ministre de cohabitation est soumis à de nombreux contre-pouvoirs. Au sein même de l’exécutif, son action est limitée par les pouvoirs du président de la République. Même s’il contrôle la majorité à l’Assemblée nationale, le Sénat intervient comme contre-pouvoir au sein du Parlement. Enfin, l’autorité judiciaire s’assure du respect de l’État de droit. Le Premier ministre ne peut pas organiser de référendum ni modifier la Constitution.

La cohabitation est la situation dans laquelle le président de la République a perdu la majorité, et donc la confiance, de l’Assemblée nationale lors des élections législatives. Sauf à bloquer le vote de tous les textes de loi, le Président est alors contraint de nommer le chef du parti majoritaire à l’Assemblée.

Si le Président choisissait malgré tout de nommer un de ses fidèles, il s’exposerait immédiatement à une motion de censure et le gouvernement serait renversé. Dans une situation de cohabitation, le choix du Premier ministre s’impose donc au président de la République.

Une fois nommé par le Président, le Premier ministre compose librement son gouvernement et fait entériner ses choix par le Président. Le gouvernement de cohabitation prend alors officiellement ses fonctions.

Mais le Premier ministre n’a pas les mains entièrement libres pour conduire la politique de la Nation avec son seul gouvernement car des contre-pouvoirs sont prévus par les textes : le président de la République (1), le Sénat (2) et l’autorité judiciaire (3).

1. Le président de la République, un contre-pouvoir au sein de l’exécutif.

Pendant la cohabitation, le président de la République joue le rôle d’un contre-pouvoir au sein même de l’exécutif :

  • Il peut s’opposer à l’entrée de certains ministres au Gouvernement en refusant la proposition du Premier ministre de les nommer (Article 8 de la Constitution).
  • Il peut refuser de promulguer des lois votées par le Parlement. Or si la loi n’est pas promulguée, c’est-à-dire signée, par le président de la République, elle ne peut pas entrer en vigueur même si elle a été votée par le Parlement. Le Premier ministre n’a pas le pouvoir de promulguer les lois (Article 10 de la Constitution).
  • Il peut utiliser ses pouvoirs propres et son pouvoir réglementaire pour prendre des décisions seul, sans contreseing ministériel notamment en matière de politique étrangère de la France et pour nommer à certains emplois civils et militaires de l’Etat.
  • Il peut utiliser son droit de saisine pour faire contrôler par le Conseil constitutionnel des lois votées par une Assemblée hostile (Article 61 de la Constitution).
  • Il peut décider seul de faire adopter des lois directement par le peuple par référendum, alors que le Premier ministre n’a pas ce pouvoir (Article 11 de la Constitution).
  • Dans la situation d’une crise de régime, il peut déclencher l’article 16 de la Constitution qui lui confère les pleins pouvoirs, sans avoir à s’en justifier et sans contrôle sur cette décision.

Enfin, un an après une précédente dissolution, il peut dissoudre à nouveau la chambre basse pour essayer de récupérer par les urnes la majorité à l’Assemblée nationale et donc mettre fin à la cohabitation (Article 12 de la Constitution).

2. Le Sénat, un contre-pouvoir parlementaire.

Pendant la cohabitation, le Premier ministre est imposé au Président par la majorité à l’Assemblée nationale issue des élections législatives. Le Premier ministre est donc le chef de cette majorité, qu’il contrôle, au sein de la chambre basse.

L’Assemblée nationale vote donc tous les textes du Premier ministre pendant la cohabitation.

Mais le Parlement français est bicaméral, c’est-à-dire à deux chambres, et l’Assemblée nationale ne décide donc pas de tout toute seule, il faut aussi composer avec le Sénat.

La chambre haute du Parlement peut donc jouer le rôle d’un contre-pouvoir au sein du pouvoir législatif pendant la cohabitation.

Le Sénat peut donc ralentir le vote des lois rejetant les textes et en provoquant des commissions mixtes paritaires (CMP).

Pour la plupart des textes, un Premier ministre de cohabitation ne sera que retardé, et pas bloqué, par un Sénat hostile, car l’Assemblée nationale a le dernier mot dans le vote de la loi (Article 45 de la Constitution).

Mais cette voix prépondérante de l’Assemblée nationale ne s’applique pas pour les lois constitutionnelles qui viennent modifier la Constitution (Article 89 de la Constitution).

Un Premier ministre de cohabitation ne pourrait donc pas modifier la Constitution en s’appuyant uniquement sur sa majorité à l’Assemblée nationale : le Sénat dispose d’un vrai pouvoir de blocage en la matière.

Enfin, si le président de la République démissionnait, ce serait le Président du Sénat qui assurerait l’intérim, plaçant ici encore la chambre haute en position de contre-pouvoir vis-à-vis d’un Premier ministre de cohabitation (Article 7 de la Constitution).

3. La justice en tant que contre-pouvoir pendant la cohabitation.

La justice joue un rôle de contre-pouvoir naturel, même en situation de fait majoritaire. C’est le principe de la séparation des pouvoirs. Mais ce rôle est encore plus poussé pendant la cohabitation.

Compte tenu des mesures polémiques qui pourraient être prises par un Premier ministre RN comme la préférence nationale ou la restriction du droit du sol, dont la constitutionnalité pose question, il est certain que le rôle du Conseil constitutionnel serait central.

Pendant la cohabitation, le président de la République, le Président du Sénat ou soixante députés ou soixante sénateurs d’opposition pourraient systématiquement saisir le Conseil constitutionnel de toutes les lois votées par le Parlement (Article 61 de la Constitution).

Or une disposition législative déclarée inconstitutionnelle ne peut être ni promulguée ni mise en application (Article 62 de la Constitution), ce que le Premier ministre de cohabitation ne peut pas contourner car :

  • Il n’a pas le pouvoir de déclencher un référendum,
  • Il ne peut pas modifier la Constitution sans l’accord du Sénat.

Le rôle du Conseil constitutionnel est donc essentiel pendant la cohabitation.

Enfin, le Conseil d’état pourrait être amené à contrôler la légalité, la constitutionnalité et la conventionnalité de textes réglementaires pris par le Premier ministre et son gouvernement pendant la cohabitation.

Un Premier ministre de cohabitation ne pourrait donc pas s’affranchir de l’État de droit, car ses mesures réglementaires et les lois qu’il pourrait faire voter par le Parlement seraient contrôlées et bloquées par l’autorité judiciaire si elles violaient la légalité, la Constitution ou les traités internationaux.

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