1. Notion et cadre juridique des pourboires.
Qu’est-ce qu’un pourboire au sens juridique ?
Un pourboire est une somme d’argent remise volontairement par un client à un salarié en reconnaissance d’un service rendu. Il peut être donné en espèces ou par carte bancaire.
Le Code du travail encadre les pourboires dans l’article L3244-1, qui précise que lorsqu’ils sont centralisés par l’employeur, ils doivent être intégralement redistribués aux salariés en contact avec la clientèle.
Les pourboires sont-ils considérés comme un salaire ?
Oui, les pourboires sont considérés comme un complément de rémunération lorsqu’ils sont perçus dans le cadre du travail.
Ils font partie du salaire et doivent être pris en compte pour le calcul des cotisations sociales, sauf exonération prévue par la loi (cf. § 4).
En tant qu’élément de salaire, ils doivent également être intégrés dans le calcul des indemnités de congés payés, de préavis, de licenciement, etc.
Qu’est-ce que le "pourcentage service" ?
Le "pourcentage service" est une majoration ajoutée automatiquement aux additions dans certains établissements.
Il est intégré aux prix affichés et soumis aux cotisations sociales comme tout autre élément de salaire.
Contrairement aux pourboires volontaires, il ne peut pas bénéficier des exonérations fiscales et sociales prévues par la loi de finances.
2. Centralisation des pourboires par l’employeur.
L’employeur a-t-il l’obligation de centraliser les pourboires ?
Non, la centralisation des pourboires n’est pas obligatoire mais peut être décidée par l’employeur dans le cadre de son pouvoir de direction.
Toutefois, si l’employeur choisit de les centraliser, il doit les redistribuer intégralement aux salariés en contact avec la clientèle [1].
A noter : si l’employeur a recours à une solution externalisée pour la gestion des pourboires (cf. § 5), il s’agit d’un mode de centralisation puisqu’il ne fait que déléguer sa propre responsabilité.
Qui doit bénéficier des pourboires lorsqu’ils sont centralisés par l’employeur ?
Seuls les salariés en contact avec la clientèle (serveurs, chefs de rang,…) doivent bénéficier des pourboires centralisés [2].
La jurisprudence a précisé cette notion de "salariés en contact avec la clientèle".
Ainsi, doivent également participer à la répartition le maître d’hôtel chargé de la surveillance du service ou, encore, l’hôtesse d’accueil d’un restaurant.
À l’inverse, sont exclus les personnels de cuisine (chef, second, commis,…) et les salariés exerçant des tâches purement administratives.
L’employeur peut-il prélever une part des pourboires pour financer des frais d’exploitation ?
Non, les pourboires centralisés doivent être intégralement reversés aux salariés.
L’employeur ne peut ni en déduire une commission, ni les utiliser pour couvrir des charges d’exploitation, ni imputer sur la masse des pourboires des sommes dont le
paiement lui incombe par l’effet de la loi ou des accords collectifs.
3. Pourboires versés directement aux salariés.
Quels sont les impacts de la perception directe des pourboires par les salariés ?
Dans l’hypothèse où les pourboires sont remis par le client au salarié, soit directement, soit par l’intermédiaire d’un préposé du personnel chargé par lui de centraliser les sommes perçues et de les lui reverser, l’employeur n’a pas connaissance du montant de ces sommes.
En conséquence, le bulletin de paie ne peut comporter que l’assiette forfaitaire retenue pour le calcul des cotisations de Sécurité sociale [3].
Toutefois, si le montant de la rémunération versée est supérieur à cette assiette forfaitaire minimale, les cotisations peuvent être calculées sur cette rémunération soit d’un commun accord entre l’employeur et le salarié, soit par référence aux conventions et accords collectifs.
Le salarié percevant directement des pourboires doit-il les déclarer au service des impôts ?
Oui, les pourboires perçus directement doivent être déclarés pour leur montant exact.
Il incombe donc au salarié de tenir un relevé précis des sommes reçues au cours de l’année, car ces sommes ne figurent pas sur le bulletin de salaire lorsque l’employeur n’en a pas connaissance.
4. Exonération des pourboires (2022-2025).
Quelles sont les conditions d’exonération des pourboires en 2025 ?
L’exonération des pourboires, prolongée jusqu’au 31 décembre 2025 par la loi n°2025-127 du 14 février 2025, s’applique aux sommes remises volontairement par les clients aux salariés, soit directement, soit par l’intermédiaire de l’employeur.
Elle est réservée aux salariés dont la rémunération mensuelle brute n’excède pas 1,6 SMIC (soit 2 882,88 € brut à ce jour).
Cette exonération s’applique à la fois aux pourboires perçus directement par les salariés ou centralisés par l’employeur.
L’employeur doit-il déclarer les pourboires exonérés dans la DSN ?
Oui, même exonérés de cotisations sociales et d’impôt sur le revenu, les pourboires doivent obligatoirement être déclarés dans la DSN.
Cette obligation découle du fait que les pourboires exonérés sont néanmoins intégrés dans le Revenu Fiscal de Référence (RFR) des salariés.
Si le salarié perçoit directement les pourboires, il lui appartient de les porter lui-même à la connaissance de l’administration fiscale dans sa déclaration de revenus.
5. Externalisation de la gestion des pourboires.
L’employeur peut-il externaliser la gestion des pourboires ?
Oui, l’employeur peut souscrire à une solution permettant d’externaliser la gestion des pourboires.
Certains dispositifs, disponibles sur le marché, permettent aux salariés de disposer d’une autonomie dans la perception des pourboires.
En cas d’externalisation des pourboires, qui doit payer le dispositif ?
C’est l’employeur qui doit assurer l’intégralité du coût du dispositif.
En effet, selon l’article L3251-4 du Code du travail, il est interdit à l’employeur d’imposer aux salariés des versements d’argent ou d’opérer des retenues d’argent sous la dénomination de frais ou sous toute autre dénomination pour quelque objet que ce soit, à l’occasion de l’exercice normal de leur travail dans les secteurs suivants : 1° Hôtels, cafés, restaurants et établissements similaires ; 2° Entreprises de spectacle, cercles et casinos ; 3° Entreprises de transport.
Par ailleurs, l’article L3244-1 du Code du travail (cf. § 1) prévoit un principe de reversement intégral des pourboires.
L’externalisation des pourboires dégage-t-elle la responsabilité de l’employeur ?
Même si la gestion et la redistribution des pourboires sont confiées à un tiers ou directement aux salariés, l’employeur reste responsable de la déclaration de ces sommes.
Les pourboires constituent en effet un élément de rémunération, et l’employeur est tenu de les intégrer dans les déclarations sociales et fiscales.
Si l’employeur confie la gestion des pourboires à un tiers (par exemple, une plateforme spécialisée), mais contribue à la mise en place du système (en signant un partenariat ou en mettant à disposition des terminaux), il peut être jugé responsable en cas de défaut de déclaration (redressement Urssaf et travail dissimulé).
En effet, l’employeur ne peut pas transférer à un tiers la responsabilité qui lui incombe à l’égard de ses salariés.
En définitive, que les pourboires soient payés sur le TPE du restaurateur ou sur le TPE d’un prestataire externe choisi par ce dernier, ils sont toujours considérés comme centralisés par le restaurateur (l’employeur).