La résolution sur la montée des violences néofascistes invite les Etats membres de l’Union européenne à se doter d’une législation anti-discrimination, et condamne les crimes et délits à caractère raciste notamment la diffamation raciale et l’injure raciale, la diffusion d’idées fondées sur la supériorité et la haine raciale, ou encore le meurtre pour des motivations racistes et xénophobes.
Cette résolution s’inscrit dans le prolongement de la réglementation européenne et internationale déjà en vigueur qui inclut notamment la directive 2000/43/CE du Conseil du 29 juin 2000 relative à la mise en œuvre du principe de l’égalité de traitement entre les personnes sans distinction de race ou d’origine ethnique, la décision-cadre 2008/913/JAI du 28 novembre 2008 sur la lutte contre certaines formes et manifestations de racisme et de xénophobie au moyen du droit pénal, la Convention internationale de New York du 21 décembre 1965 sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale, ainsi que la résolution adoptée par l’Assemblée générale de l’ONU du 19 décembre 2016 relative à la lutte contre la glorification du nazisme, du néonazisme et d’autres pratiques qui contribuent à alimenter les formes contemporaines de racisme, de discrimination raciale, de xénophobie et de l’intolérance.
La nature éminemment incitative des termes de la loi et la complexité de ce dispositif juridique semblent toutefois trahir une faible emprise sur la société. Si les discriminations fondées sur l’origine ou l’appartenance ethnique ou raciale de la victime n’encourent pas systématiquement la censure, c’est aussi parce que l’idéologie qui les anime y échappe. Or, on constate, d’une part, que l’émergence de l’idéologie néofasciste se rapporte à un processus historique spécifique (I), et, d’autre part, que les actes racistes qui en découlent ont vocation à pérenniser cette idéologie (II).
I. Les origines du racisme en Italie.
La Cour de cassation italienne a défini le « racisme » comme étant toute doctrine qui postule l’existence de races supérieures et inférieures, les premières destinées à s’emparer du pouvoir, les deuxièmes à s’y soumettre [2].
L’institution de la classification des « races » constitue ainsi la forme la plus violente de discrimination et a pu conduire au cours de l’Histoire à des ségrégations, des expulsions, des persécutions, voire des exterminations. En Italie, ce sont les travaux d’anthropologie criminelle de Cesare Lombroso qui ont donné l’impulsion aux théories racistes si bien que ces dernières ont présidé à la formation des régimes totalitaires.
A. L’émergence des préjugés racistes et coloniaux.
Le médecin et anthropologue Cesare Lombroso avait publié en 1871 l’ouvrage « L’homme blanc et l’homme noir » dans lequel il soutient que la différentiation biologique et anatomique entre les « races » traduirait une divergence significative quant au déploiement de l’intelligence et à la maîtrise des passions [3].
C’est avec Cesare Lombroso que naît également la théorie du « criminel-né » (delinquente nato) suivant laquelle il existe une corrélation entre la physionomie d’un individu et son psychisme criminel.
Dans son ouvrage « L’homme criminel » publié en 1876, Cesare Lombroso dresse le profil du « criminel-né » et du « fou moral ». Il soutient ainsi que les penchants criminels d’un individu sont le reflet de ses caractéristiques physiques.
Sa thèse, qui se veut scientifique, a donc essuyé des critiques virulentes venant non seulement d’éminents juristes italiens mais également d’hommes politiques notoires comme Antonio Gramsci, fondateur du parti communiste italien [4].
Enrico Ferri, professeur de droit pénal, disciple de Cesare Lombroso, et cofondateur de la criminologie, avait pointé, à cet égard, les nombreuses failles que présentait la méthode d’observation employée par son mentor [5]. Bien que cette théorie n’ait pas pu prospérer, elle a néanmoins suscité par la suite de nouvelles interrogations quant à la corrélation entre physionomie et discrimination [6].
Plus récemment, le professeur Jean-François Amadieu a pu démontrer dans son ouvrage « Le poids des apparences » que la physionomie d’un individu influe notamment sur sa réussite scolaire et professionnelle, et que donc elle peut constituer un vecteur de discriminations.
Or, en Italie, les discriminations pour motif ethnique et racial n’ont pas seulement produit une stigmatisation de l’immigré d’origine africaine mais ont également contribué à faire du Calabrais, du Sarde et du Sicilien les représentants d’une « race maudite » [7] vouée à la criminalité. C’est ainsi que les préjugés racistes et coloniaux ont pu prospérer [8], en dépit de l’émergence d’un discours antiraciste [9].
Historiquement, la dotation d’une Constitution antifasciste en 1948 a laissé croire qu’une fois le régime de Mussolini dissout, il n’y eût plus besoin de purger la société italienne des préjugés racistes et coloniaux. Or, les préjugés coloniaux ont vu le jour en Italie à une époque antérieure, soit pendant la colonisation de la Somalie, la Lybie, l’Éthiopie (autrefois Abyssinie) et l’Erythrée à la fin du XIXe siècle [10]. Le XXe siècle a été marqué par une vive controverse entre le journaliste et ancien officier colonial Indro Montanelli et l’historien spécialiste de l’empire colonial Angelo Del Boca sur l’utilisation des armes chimiques en Ethiopie [11]. La polémique est remportée par l’historien qui dénonçait les atrocités commises par les troupes italiennes en Libye et en Éthiopie, comme le recours à l’utilisation d’armes chimiques, le phosgène et l’arsine ou encore la création de camps de concentration ou de déportation. En effet, le racisme et le colonialisme sont intimement liés.
Un auteur affirme à ce sujet que « l’idée même de vouloir disposer à sa guise de la vie et du futur d’un peuple militairement plus faible est profondément raciste et violente » [12]. Or, le racisme ne se répand pas systématiquement par la violence physique ou verbale. Il peut également s’exprimer par le biais de la propagande. A cette tâche s’attelait le dessinateur italien Enrico De Seta qui diffusait des dessins thématiques véhiculant les préjugés coloniaux de l’époque.
B) Le racisme à l’épreuve de la justice.
Dans une étude réalisée par l’Ufficio Nazionale Antidiscriminazioni Razziali [13], crée en 2003 en application de la directive communautaire 2000/43/CE, il est fait mention d’un cas grave de discrimination à l’embauche [14].
En l’espèce, deux candidats, un nord-africain et un Roumain, s’étaient adressés à un organisme privé qui faisait office de pourvoyeur d’emploi. C’est la candidature du ressortissant roumain qui avait été retenue à raison de la physionomie du candidat roumain.
Le candidat nord-africain, évincé du recrutement, avait rapporté les termes de l’échange avec un des responsables de l’organisme de la manière suivante : « on le recrute parce qu’il ressemble à un Italien, donc s’il y a un contrôle, avec le Roumain nous sommes plus tranquilles, alors qu’avec vous, ça saute aux yeux que vous n’êtes pas Italien ».
Le cas d’espèce, comme bien d’autres, n’a pas connu de suites judiciaires. A ce sujet, l’organisation italienne Croniche di un razzismo ordinario [15] a enregistré 628 délits racistes en 2018 contre 564 en 2017 [16] mais seulement 14 % de l’ensemble des actes de violence raciste a été signalé à la police ou porté devant les tribunaux [17]. Il est cependant des affaires pénales qui ont été tranchées par les juridictions italiennes. Un fervent partisan italien du parti d’extrême droite a par exemple été condamné à douze ans de détention pour avoir commis un meurtre sur six migrants africains avec des circonstances aggravantes tenant à la haine raciale [18] L’injure raciste et la diffamation raciste tombent également sous l’empire de la loi pénale.
L’auteur d’un propos raciste ne saurait donc se prévaloir de la protection juridique accordée à la liberté d’expression aux termes de l’article 10 CEDH. A ce titre, la Cour de cassation italienne rappelle les limites de la liberté d’expression en qualifiant d’abus de droit toute forme d’expression faisant appel à la haine raciale, à la xénophobie et à l’intolérance [19].
La haute juridiction italienne condamne, en tant que diffamation à caractère raciale, le propos visant l’ancienne ministre italienne pour l’intégration, Kyengue Cécile, tenu en ces termes « rentre dans la jungle que tu as quittée ! » [20]. Du fait de son origine africaine, la ministre Kyengue a fait l’objet de nombreuses insultes racistes en Italie. L’ancien ministre et sénateur de la Ligue du Nord, Roberto Calderoli, avait d’ailleurs été condamné à dix-huit mois de prison pour insultes racistes proférées [21] à son encontre en 2013 [22].
De la même manière, constitue le délit d’injure raciale au cours de l’émission de télévision Piazzapulita, le propos tenu par le député européen et membre du parti de la Ligue du Nord, Gianluca Buonanno, qui qualifiait les Roms de « déchets de la société » [23]. Celui-ci a été condamné au paiement de 6 000 euros au titre de la réparation du préjudice moral.
De plus, la haute juridiction italienne rappelle que la censure s’impose indépendamment du mobile de l’auteur dès lors que le propos revêt un caractère raciste patent [24]. En effet, les crimes commis avec une intention raciste sont sanctionnés plus sévèrement. Le mobile de l’auteur peut donc constituer une circonstance aggravante comme en témoigne la lettre de l’article 4 de la décision-cadre 2008/913/JAI sur le racisme et la xénophobie sur la place qu’occupe la motivation discriminatoire dans la détermination des peines à infliger aux auteurs de l’infraction.
La haute juridiction italienne a donc procédé de la sorte en censurant le qualificatif « sporco negro » (sale nègre) [25]. Dans la même veine, le tribunal de Brescia à condamner un individu au paiement de 2 000 euros pour avoir qualifié les « demandeurs d’asile » de « clandestins » [26].
Nombreuses sont aussi les discriminations directes à l’encontre des membres de la communauté musulmane et/ou arabe. Constitue par exemple une discrimination directe l’exclusion d’une séance de recrutement d’une femme portant un voile (hijab) [27]. De la même manière, constitue une discrimination envers les seules personnes d’origine étrangère l’introduction de conditions supplémentaires pour l’inscription au registre des résidents [28].
La Cour de cassation italienne a également censuré la discrimination pour motif ethnique et a confirmé la condamnation d’une serveuse italienne qui avait délibérément refusé de servir des clients à raison de leur origine africaine [29]. En revanche, et de manière surprenante, un ancien maire de Trévise, Gentilini Giancarlo, qui avait tenu des propos incitant à la haine raciale en présence de seize personnes à l’occasion d’une conférence de presse en affirmant : « Les immigrés ? Habillons-les en lièvres et laissons les chasseurs s’entraîner... », a été acquitté du même chef d’accusation par le tribunal de Trévise au motif que l’élément matériel de l’infraction pénale n‘était pas caractérisé [30]. Une solution contraire a été fort heureusement retenue par la haute juridiction italienne dans une affaire similaire [31].
De manière générale, la Cour de cassation italienne censure la violence raciste lorsqu’elle se manifeste par la marginalisation et l’exclusion de personnes de culture étrangère perçues à tort comme des ennemis de la société [32].
C. Le racisme antiméridional.
De tout temps, les Italiens méridionaux ont fait l’objet de qualificatifs et épithètes particulièrement injurieux. On y compte par exemple des expressions telles que « cannibales », « bêtes sauvages » [33] ou encore « êtres immoraux et irrationnels » [34]. Le racisme antiméridional a également été fomenté plus récemment par le parti d’extrême droite de la Ligue du Nord.
La Ligue du Nord a d’ailleurs souvent exprimé un mépris envers les Italiens du Sud en les qualifiant de « terroni » (explicite dans le slogan « hors de Lombardie les culs-terreux ») [35].
A cet égard, l’ancien ministre italien pour les Réformes institutionnelles, Roberto Calderoli, membre actif de la Ligue du Nord, affirmait que : « Les égouts doivent être assainis et vu que Naples est devenu un égout, il faut éliminer tous les rats, par n’importe quel moyen, et ne pas faire semblant de le faire sous prétexte que même les rats votent » [36].
Un cas similaire, mais bien moins grave, a été porté devant le tribunal de Varese qui a condamné un individu ayant qualifié les Italiens du sud de « population distincte » [37].
En effet, ce mépris envers les Italiens méridionaux se double de la questione meridionale qui désigne la fracture économique entre l’Italie du sud et du nord. C’est pourquoi l’argument économique devient aujourd’hui le fonds de commerce des partis politiques d’extrême droite au mépris du principe d’égalité citoyenne. Par ailleurs, en suscitant chez les Italiens un sentiment de peur, les partis politiques d’extrême droite réactivent sans cesse le repli identitaire et la xénophobie en guise de mécanisme de défense sociale.
Malgré une certaine intransigeance des juridictions italiennes quant à la censure de la violence raciste, force est de constater que ce phénomène sévit toujours dans la société. Sur le plan terminologique par exemple, ont vu le jour des pratiques langagières à connotation raciste pour désigner la communauté d’immigrés africains astreints à la précarité.
Dans la région de la Campanie, au sud de l’Italie, on constate l’usage très fréquent d’expressions telles que « marocchini » [38] et « vu’cumpra’ » (veux-tu acheter ?) [39], pour qualifier notamment les vendeurs ambulants sénégalais qui s’adonnent à des activités commerciales méprisables dans la rue. Ces termes insultants sont proférés régulièrement dans certaines régions du sud au mépris de la censure déjà opérée par la haute juridiction italienne [40].
II. La permanence du racisme en Italie.
En Italie, a longtemps prévalu le mythe du « bon Italien », dépourvu d’animosité à l’égard d’autrui [41]. En effet, malgré la fin de l’expérience coloniale, le mythe des Italiani brava gente n’a cessé de perdurer [42]. Or, on constate que la société italienne est toujours marquée par les préjugés racistes si bien qu’il est des cas où l’on accepte de défendre l’idéologie sécuritaire au prix de la criminalisation des immigrés. De plus, le racisme ne se manifeste pas toujours de façon violente. Il est des cas en effet où le racisme se traduit par le mépris ou la marginalisation des personnes les plus vulnérables sans devenir pour autant violence physique ou verbale. L’essor de ce phénomène a d’ailleurs fini par influencer les pratiques des juges et des policiers italiens [43].
A. La perméabilité de la société italienne à l’idéologie fasciste.
La rhétorique du racisme ou de l’idéologie néofasciste est douée d’un vrai pouvoir de séduction. Elle procède sans doute de l’instinct de domination et se traduit le plus souvent en actes d’humiliation, de dénigrement et de discrimination. Ce type de rhétorique s’est clairement exprimé sous le régime de Mussolini et ne cesse de prospérer. En effet, comme le rappelle la haute juridiction italienne, la dissolution du parte fasciste italien n’a pas emporté la fin de la propagande raciste [44].
Giorgio Almirante, principal représentant du Mouvement social italien – Droite nationale (MSI), parti politique d’extrême droite, était signataire en 1938 du Manifesto della Razza (Manifeste sur la Race) et a collaboré de 1938 à 1942 à la revue La Difesa della razza (La défense de la race) pour diffuser en Italie les thèses racistes provenant de l’Allemagne nazie [45].
L’étude du racisme s’est particulièrement développée en raison de la contamination idéologique opérée à l‘ère des régimes totalitaires [46]. A cet égard, il convient de noter que la promotion délibérée des théories racistes sous le régime fasciste était également le fait de personnalités connues dans les milieux intellectuels italiens.
L’avocat italien à la Cour de cassation, Stefano Maria Cutelli [47], fondateur de la revue Nobiltà della Stirpe (Noblesse du Lignage) en 1931, [48] cautionnait dans cette même revue les discriminations à caractère raciste que devaient subir les juifs, les noirs et les asiatiques [49]. Il témoignait d’ailleurs une admiration sans bornes à Benito Mussolini [50]. Plusieurs éminents juristes italiens avaient également souscrit à la ligne éditoriale de Stefano Maria Cutelli, et par là-même, aux théories racistes véhiculées par le régime fasciste. On y compte notamment Santi Romano, ancien président du Conseil d’État italien [51] ou encore Domenico Rende, ancien président de chambre de la Cour de cassation italienne [52].
L’idéologie néofasciste a connu un véritable essor. En effet, les groupes et partis politiques ouvertement néofascistes, néonazis, et xénophobes n’ont de cesse de perpétrer des meurtres visant des réfugiés, des immigrés ainsi que des minorités ethniques et religieuses [53].
On constate ainsi que la nostalgie du régime fasciste est encore prégnante comme en témoigne l’idéologie portée par les mouvements néofascistes tels que CasaPound. Cette fascination pour l’idéologie néofasciste a également entraîné un retour à des pratiques qui ont pourtant étaient condamnées en justice. C’est le cas notamment du « salut fasciste » dit également « salut romain » censuré par la haute juridiction italienne [54].
Or, si l’Italie peine toujours à se penser comme un espace national pluriel, c’est notamment parce qu’elle reste tributaire des crimes et des abominations perpétrés sous le régime de Mussolini [55], et que la méconnaissance de l’histoire de la population italienne [56] n’a fait qu’alimenter les stéréotypes et les préjugés coloniaux et racistes de l’époque [57].
Le pouvoir d’appréciation du juge reste parfois perméable à cette idéologie. C’est le cas, en 2005, du juge de la IXe section du tribunal de Milan, Michele Montingelli, qui condamne à dix-huit mois de prison un père de famille marocain qui aurait maltraité sa fille parce qu’elle refusait de se rendre à la mosquée.
Lorsque son père demande au juge d’entendre plusieurs témoins pouvant le disculper, ce dernier refuse et rend une décision fondée sur l’appartenance du prévenu au culte musulman. « Je l’ai écrit et j’en assume pleinement la responsabilité - dit-il dans une interview au Corriere della Sera- mon expérience pluriannuelle avec des personnes appartenant à ce milieu culturel me porte à supposer que celles-ci n’ont pas un grand respect pour notre système. Je me réfère à un milieu culturel où les liens de solidarité, qui dérivent du credo religieux, peuvent amener à violer la loi… » [58].
B. La psychologie des foules.
Les ressorts du racisme se traduisent souvent en biais culturels et préjugés raciaux et produisent chez les individus des réactions irrationnelles. A cet égard, il est pertinent de mentionner l’ouvrage de Gustave Le Bon, intitulé La psychologie des foules, paru en 1895, qui a fait passer le médecin et anthropologue français à la postérité. Dans cet ouvrage, il dénonce les biais par lesquels les foules laissent libre cours aux pulsions antisociales sous l’emprise de fausses croyances et de l’idéologie. Or, son contenu subversif a exercé une influence considérable sur la conception des idéologies des régimes totalitaires. Son ouvrage est d’ailleurs devenu une source d’inspiration politique pour Hitler et Mussolini [59]. En effet, la classification des « races », loin d’être décriée à l’époque, était au contraire promue par l’auteur français [60].
Plus récemment, la journaliste-écrivain italienne, Oriana Fallaci (1929-2006), à la suite des attentats du 11 septembre 2001, a écrit des pamphlets islamophobes pourtant largement acclamés en Italie [61]. Elle écrit ainsi la haine dans son ouvrage La Rage et l’Orgueil [62]. Ce pamphlet, vendu à plus d’un million d’exemplaires, est dénué de toute analyse lucide sur les événements du 11 septembre, et véhicule, sans ambages, la haine des musulmans [63]. Cette démarche très controversée de l’auteure lui a pourtant valu la médaille d’or du mérite décernée par l’ancien président de la République italienne, Carlo Azeglio Ciampi, pour son apport à la culture italienne [64].
C. Les victimes du racisme.
De manière générale, on constate que le racisme se répand de manière diffuse et frappe souvent les minorités ethniques ainsi que les migrants, et ce au mépris des valeurs démocratiques, des droits fondamentaux et de l’Etat de droit. L’article 21 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne reconnaît pourtant le droit de ne pas subir de discrimination fondée notamment sur la race, les origines ethniques ou sociales, la religion ou les convictions, les opinions politiques ou toute autre opinion.
Le présent article, corollaire de l’égalité de traitement, fait donc figure de clause anti-discrimination et se trouve doté d’une justiciabilité pleine et entière [65]. Or, en dépit des vertus pédagogiques et de la force normative que présente la législation en matière d’égalité de traitement et de non-discrimination, force est de reconnaître que l’effectivité du droit se rapporte surtout à l’assimilation des règles sociales par les individus dans une société donnée.
En effet, le racisme, comme cela a déjà été soutenu, procède de discriminations directes ou indirectes, et traduit un désordre social éminemment violent. Un exemple est fourni par le rapport Being Black établi par l’agence des droits fondamentaux de l’Union européenne, selon lequel le profilage discriminatoire et largement pratiqué envers les membres de la communauté d’origine africaine et atteint 41% des contrôles [66]. Le profilage discriminatoire ou racial est défini par la recommandation de politique générale n° 11 de la commission européenne contre le racisme et l’intolérance (ECRI) du Conseil de l’Europe, comme étant « l’utilisation par la police, sans justification objective et raisonnable, de motifs tels que la race, la couleur, la langue, la religion, la nationalité ou l’origine nationale ou ethnique dans des activités de contrôle, de surveillance ou d’investigation ».
Selon cette même étude, la couleur de peau est en effet le motif de discrimination le plus communément recensé, mentionné par plus d’un quart (27%) des répondants d’ascendance africaine, le deuxième étant l’origine ethnique, et le troisième l’appartenance à un culte. A ce titre, il convient de relever un taux de discrimination raciale à l’emploi qui atteint 46 % en Italie [67]. La communauté la plus frappée par ce phénomène demeure la communauté africaine avec un taux de discrimination qui avoisine 40% tous domaines de la vie confondus.
Force est de constater, en guise de conclusion, que le phénomène du racisme ébranle toujours nos sociétés et les jette dans les convulsions les plus violentes. Les individus qui incitent à la haine raciale ou qui se livrent à des discriminations présentant un caractère raciste finissent le plus souvent par s’abriter derrière le silence et l’indifférence générale.
Ces mêmes auteurs, comme autrefois les médias de propagande, recherchent fébrilement des justifications à des actes qui nuisent à l’ordre social. C’est ainsi que sous couvert de la liberté d’expression et d’opinion, la rhétorique identitaire échappe à l’incrimination et se dote d’une nouvelle légitimité politique. Or, son pouvoir de nuisance a déjà pu s’exprimer dans les moments les plus noirs de l’Histoire. Étonnement, alors que le racisme fait rage en Europe, l’Homme se plaît à vanter les mérites de la démocratie et du progrès scientifique. Cette démarche reflète sans doute le degré de sa médiocrité. Lorsque les circonstances l’y invitent, il déclame son attachement aux valeurs universelles. En revanche, lorsqu’il fait l’objet de regards réprobateurs, pour mériter le salut de ses pairs, il s’empresse d’occulter les laideurs de sa conscience.
Discussion en cours :
Très bon article qui décrit sans fard la situation en Italie et le déni dans lequel le pays se trouve. Il est clair que si la constitution Italienne n’avais pas été écrite dans le but d’éviter un retour du fascisme, l’Italie serait redevenue une dictature fasciste il y a longtemps. Je suis persuadé que les homme politiques d’extrême droite en Italie tels que Monsieur Salvini vont essayer de modifier la constitution Italienne à leur avantage.
Vous trouverez cet interview de Monsieur Andrea Camilleri très intéressant :
https://www.theguardian.com/world/2019/apr/05/montalbano-italians-fascism-andrea-camilleri