1. L’arrêt.
Un salarié, occupant le poste de directeur d’exploitation, est licencié pour faute grave, par lettre recommandée avec AR du 11 janvier 2013.
La lettre de licenciement forme à son égard différents griefs, dont un vol :
« Grief n°1 : vol. depuis le début de l’exploitation d’Origa métal, vous vous êtes fait délivrer chaque mois par la société ARS des chèques à votre nom en règlement des déchets de métaux déposés quotidiennement dans les bennes mises à disposition par la société ARS ; vous n’avez effectué aucun reversement à la société Origa de ces encaissements ».
La Cour d’appel de Rennes [1] juge que le licenciement du salarié est sans cause réelle et sérieuse.
Elle retient, s’agissant des détournements imputés à l’intéressé :
- Que l’employeur situe au 20 décembre 2012 la découverte de l’ampleur de ces faits, à la faveur d’une réunion qui se serait tenue au siège de la société ;
- Mais ne précise pas cette circonstance dont il avait nécessairement connaissance dans la lettre de licenciement ;
- De sorte que le salarié, qui au demeurant reconnaît la pratique ayant consisté à ne pas faire apparaître en comptabilité les sommes ainsi perçues, est fondé à lui opposer la prescription des faits imputés à ce titre.
La Cour de cassation censure l’arrêt, considérant que la lettre de licenciement, qui n’avait pas à préciser la date des faits reprochés, énonçait des griefs précis et matériellement vérifiables pouvant être discutés devant les juges du fond.
Ainsi, la cour d’appel aurait dû vérifier si l’employeur justifiait de la découverte des faits litigieux dans le délai de prescription de l’article L1332-4 du Code du travail, et, dans l’affirmative, si de tels faits étaient établis et justifiaient le licenciement.
2. La jurisprudence.
Selon l’article L1232-6 du Code du travail, applicable au licenciement pour motif personnel :
« Lorsque l’employeur décide de licencier un salarié, il lui notifie sa décision par lettre recommandée avec avis de réception.
Cette lettre comporte l’énoncé du ou des motifs invoqués par l’employeur.
Elle ne peut être expédiée moins de deux jours ouvrables après la date prévue de l’entretien préalable au licenciement auquel le salarié a été convoqué (…) ».
L’énoncé des motifs du licenciement constitue une règle d’ordre public, de sorte que des dispositions contractuelles, conventionnelles ou statutaires ne peuvent pas dispenser l’employeur de cette obligation [2].
Pour être considéré comme suffisamment précis, le motif doit être matériellement vérifiable [3].
A titre d’illustrations, les motifs suivants ne répondent pas aux exigences légales :
- Le reproche d’un comportement déloyal, sans autre précision [4] ;
- L’allégation d’une perte de confiance [5] ;
- Le reproche d’une accumulation de fautes graves [6].
A l’inverse, le licenciement a été reconnu comme justifié dans les cas suivants :
- L’absence d’enregistrement de marchandises livrées dans le stock de l’entreprise et les falsifications volontaires des inventaires [7] ;
- L’impossibilité d’affecter le salarié à un poste de travail compatible avec les restrictions médicales émises par le médecin du travail [8] ;
- Le grief de harcèlement moral à l’égard de salariés de l’entreprise [9].
S’agissant de la date des faits, la Cour de cassation considère que le juge du fond ne peut considérer qu’une lettre de licenciement est insuffisamment motivée au seul motif qu’elle ne contient pas la date des griefs allégués [10].
Cette jurisprudence s’explique par le fait que la date des faits peut être établie par tous moyens de preuve.
Dans le même sens, l’employeur ayant commis une erreur de date sur les faits reprochés au salarié dans la lettre de licenciement peut néanmoins s’en prévaloir, dès lors qu’il s’agit d’une erreur matérielle et que ces faits étaient établis [11].
Il existe toutefois des situations dans lesquelles la date des faits est déterminante, en ce qu’elle permet seule de retenir ou non le motif de licenciement.
Dans un tel cas, le juge du fond peut décider, dans l’exercice de son pouvoir d’appréciation, que le licenciement ne procède pas d’une cause réelle et sérieuse si la date des faits n’est pas établie [12].