Laurine Tavitian : Pourquoi la libéralisation du notariat est une bonne chose selon vous ?
Grégoire Masure : L’autorité de la concurrence sur demande du gouvernement a établi un rapport et des recommandations confirmant les différentes études de ces dernières années qui indiquaient qu’il y avait une disproportion, entre le nombre de notaires libéraux qui exerçaient, et le volume du marché notarial en termes de conseils et du nombre d’actes réalisés. Elle a considéré qu’il y avait un marché qui était un peu fermé pour tous les entrants sachant que le notariat produit environ 1000 nouveaux diplômés par an et qu’il y avait des barrières à l’entrée pour les candidats à l’installation. A la suite du rapport Attali de 2008, les instances professionnelles avaient pris un certain nombre d’engagements et notamment d’obtenir 12.000 notaires en place à l’horizon 2015. Or, en 2016 nous sommes à moins de 10.000 notaires en exercice. La loi Macron libéralise le marché en permettant à des diplômés notaires de pouvoir accéder au stade de notaires libéraux en ayant leurs propres offices et non plus en restant sous le statut de salarié collaborateur.
L.T. : En quoi votre réseau a-t-il un business model innovant à proposer à ces nouveaux notaires ?
G.M. : Parce que 1650 notaires libéraux supplémentaires répartis sur 1002 offices vont pouvoir s’installer. Il y a un potentiel formidable pour ceux qui ont de l’expérience et qui souhaitent exercer en tant que notaire libéral. Mais d’un autre côté, par définition, quand on est créateur, on change un peu de métier pour devenir un chef d’entreprise. Et dans ce cas, tout est à organiser : quelle étude d’implantation choisir ? comment se former ? quelle stratégie mettre en place pour son étude ? comment être à la fois au pôle de production d’actes et s’occuper de ses clients et les fidéliser dans le temps ? comment communiquer par rapport aux certifications et spécialisations que ces nouveaux notaires vont avoir ?
Ce sont les questions que se posent tout chef d’entreprise et sur lesquelles force est de constater que les notaires ou futurs notaires qui vont créer sont peu ou pas accompagnés. Le business model de Notairia est de pouvoir les accompagner dans cette nouvelle organisation en mettant à leur disposition une série de supports.
L.T. : Est-ce que pour votre business model vous prenez en compte l’interprofessionnalité ?
G.M. : On ne l’exclut pas, on regarde chaque projet individuel. Aujourd’hui, la plupart des notaires que nous avons rencontré souhaite s’installer de manière monoprofessionnelle. Notre conception de l’interprofessionnalité est qu’elle ne s’impose pas. On ne peut pas imposer à ses clients d’avoir une structure qui propose à la fois du conseil, de la défense avec des avocats, un appui du chiffre avec des experts comptables…
L’interprofessionnalité peut marcher à partir du moment où elle est issue de l’analyse des besoins des clients et non pas de l’organisation qu’on veut leur proposer.
L.T. : Concrètement, comment allez-vous aider les futurs créateurs d’office ?
G.M. : On les accompagne tant dans la phase d’installation que dans la phase de gestion.
Dans la phase d’installation, cela va de l’étude d’implantation avec un accompagnement sur le montage budgétaire et juridique de leur office, la recherche de financement, l’aménagement de leur office avec un plan de formation initiale tant sur leur nouvelle casquette de chef d’entreprise manager que de conseil relation-client. L’objectif est de leur faire gagner du temps et d’avoir des outils leur permettant d’avoir une identité forte dès la création de leur office.
Dans la phase de gestion de leur office, nous les accompagnons avec 3 grands supports :
Des supports de métiers avec un pôle de formalités, de rédaction d’actes et d’ingénierie patrimoniale,
Des outils de pilotage de leur office et de stratégie leur permettant d’aller jusqu’à la certification de la norme ISO 9001,
Des supports de communication client pour leur site Internet, leur support, l’imprimerie et une communication réseau dédiée leur permettant de développer leur activité.
On favorise ainsi le développement de notaires indépendants, totalement libres en tant que chef d’entreprise et qui n’appartiennent à aucune structure.
L.T. : Que diriez-vous à un jeune notaire qui hésite à sauter le pas de l’installation ?
G.M. : Je lui dirai qu’aujourd’hui il a une opportunité exceptionnelle de créer son office car jusqu’à présent les possibilités étaient très rares par la voie du concours, et très difficiles. Il faut qu’il réfléchisse bien à son projet, mais le principal risque serait de voir les autres diplômés notaires s’installer territorialement, de compléter cette fameuse cartographie de futurs notaires et quand elle sera complète de se dire qu’il aurait dû y aller. Aujourd’hui est une chance pour des personnes qui ont une dizaine d’années d’expérience, qui se sentent prêtes, sont formées, ont travaillé à leurs projets, souhaitent être indépendants et ont un état d’esprit d’entrepreneur. C’est un train qui ne passera peut-être pas plusieurs fois…
L.T. : Avec cette libéralisation, ne pensez-vous pas qu’il y a un risque de paupérisation de la profession ?
G.M. : Non, je ne crois pas. Le notariat n’est pas un gâteau qu’on se partage. Aujourd’hui, il y a des potentiels de développement sur le marché notarial que les notaires doivent reconquérir. Je pense notamment au droit des affaires qui est devenu extrêmement concurrentiel depuis les années 80. Aujourd’hui, quand on veut créer une société commerciale, on pense plus à un avocat fiscaliste ou à un expert-comptable pour rédiger de statuts, plutôt qu’à un notaire. Je pense également au droit patrimonial de la famille. C’est pourquoi nous avons mis en place des outils forts d’ingénierie patrimoniale qui permettent au notaire d’être en premier lieu un professionnel du conseil au-delà du passage obligé de l’acte authentique.
On ne peut pas multiplier le nombre de décès ou de ventes immobilières tous les ans. Par contre, sur une forte valeur ajoutée de conseil il y a effectivement beaucoup de potentiel pour le notaire en place et pour le créateur.
L.T. : En vous positionnant sur le conseil, ne craignez-vous pas qu’il y ait des tensions avec les avocats ?
G.M. : Non, parce que le notaire est historiquement au centre du droit de la famille et du patrimoine qu’il soit privé ou professionnel. Que le notaire revendique être un expert sur le lien entre le patrimoine privé et professionnel ne veut pas dire qu’il est en frontal avec un avocat. Il peut tout à fait travailler avec lui en bonne intelligence et pourquoi pas demain en interprofessionnalité pour trouver des solutions complémentaires avec des spécificités dédiées.
Discussion en cours :
Le président de cette nouvelle entreprise de conseil a-t-il été notaire en exercice et en charge d’une étude notariale ?
S’agit-il ici de faire de l’information ou de la publicité ?
coût ?