1. Résultats sportifs et droit du travail : deux logiques différentes.
Un club sportif n’est pas une entreprise comme les autres. Les performances y sont visibles, immédiates, et souvent émotionnelles. Pourtant, le droit du travail s’applique implacablement au monde du sport.
Beaucoup de clubs confondent "résultat sportif" et "insuffisance professionnelle".
Or, l’insuffisance professionnelle suppose une incompétence personnelle, durable et imputable au salarié.
Un entraîneur peut parfaitement exécuter son travail, respecter ses obligations contractuelles et ses objectifs de moyens, sans que les résultats de l’équipe soient au rendez-vous.
Les juridictions sociales (conseils de prud’hommes et cours d’appel) ainsi que la chambre sociale de la Cour de cassation rappellent régulièrement qu’un échec collectif ne peut être transformé en faute individuelle.
La mauvaise performance d’une équipe ne suffit donc pas pour pouvoir justifier un licenciement ou une rupture de contrat.
Dans le cadre d’un contrat à durée indéterminée (CDI), une entreprise peut invoquer une cause réelle et sérieuse.
Mais dans le sport, les entraîneurs sont toujours employés sous Contrat à durée déterminée (CDD) régi par l’article L222-2-3 du Code du sport qui dispose :
"Afin d’assurer la protection des sportifs et entraîneurs professionnels et de garantir l’équité des compétitions, tout contrat par lequel une association sportive ou une société mentionnée aux articles L122-2 et L122-12 s’assure, moyennant rémunération, le concours de l’un de ces salariés est un contrat de travail à durée déterminée".
Et dans ce cadre, la rupture anticipée ne peut pas reposer sur une simple “insuffisance de résultats”.
2. Le régime juridique du contrat à durée déterminée dans le sport.
Le CDD lie l’entraîneur à son club pour une durée fixe, souvent une ou deux saisons.
En principe, il ne peut pas être rompu avant son terme sauf dans cinq cas précis, énumérés par le Code du travail et rappelés par la jurisprudence :
- Faute grave du salarié
- Force majeure
- Inaptitude médicale constatée par le médecin du travail
- Accord mutuel des parties (formalisé par écrit comme une rupture conventionnelle)
- Embauche en CDI du salarié dans une autre entreprise.
L’insuffisance de résultats ne figure pas dans cette liste.
Un club qui invoque uniquement ce motif pour rompre un CDD viole la loi. La rupture est alors abusive et ouvre droit à réparation.
Dans un tel cas, le salarié peut obtenir :
- le paiement de l’intégralité des salaires dus jusqu’au terme du contrat
- une indemnité compensatrice de congés et de préavis
- et, dans certains cas, des dommages-intérêts pour préjudice moral ou atteinte à la réputation.
La jurisprudence est claire : un entraîneur licencié pour insuffisance de résultats alors qu’il n’a commis aucune faute grave a droit au paiement intégral de son contrat.
3. Insuffisance de résultats : un motif émotionnel, pas une faute grave.
La distinction entre insuffisance professionnelle et faute disciplinaire est essentielle.
L’insuffisance professionnelle décrit une incompétence durable, une incapacité du salarié à atteindre les objectifs raisonnables liés à sa fonction. Elle peut être une cause de licenciement pour motif personnel, mais ne suppose aucune intention fautive.
La faute disciplinaire, elle, implique une mauvaise volonté délibérée, une négligence consciente ou un comportement contraire aux obligations du contrat. Elle doit rendre la poursuite du travail impossible.
Or, dans le sport, la plupart des décisions de rupture reposent sur des critères collectifs et subjectifs :
- série de défaites
- mauvais classement
- désaccord avec la direction
- mécontentement du vestiaire.
Aucun de ces éléments ne constitue une faute grave.
Les juges rappellent qu’un club doit prouver l’imputabilité personnelle de l’insuffisance à l’entraîneur.
S’il ne le peut pas, la rupture anticipée du CDD, même présentée comme un licenciement pour motif personnel, est déclarée nulle ou abusive.
4. La procédure de rupture : un encadrement strict.
Même lorsqu’un motif de licenciement valable existe (faute grave ou force majeure), la procédure de licenciement doit être respectée à la lettre.
Le club doit :
- convoquer l’entraîneur à un entretien préalable au licenciement
- permettre la présence d’un conseiller du salarié
- notifier la décision par lettre recommandée avec accusé de réception
- préciser le motif exact de la rupture
- verser les indemnités dues (hors faute grave).
L’absence d’entretien préalable ou une lettre de licenciement imprécise rend la procédure irrégulière.
Le Conseil de prud’hommes sanctionne alors le club, par le versement de dommages-intérêts.
Dans certains sports, comme le football professionnel, s’ajoutent des règles spécifiques : avant toute notification du licenciement d’un entraîneur, le club doit obligatoirement saisir la commission juridique de la ligue ou de la fédération.
Si cette étape n’est pas respectée, la rupture est illégale, même si le fond semblait justifié [1].
5. Les recours de l’entraîneur licencié.
Lorsqu’un club rompt un contrat pour insuffisance de résultats, l’entraîneur peut agir immédiatement pour contester ce licenciement abusif.
La première démarche est la saisine du Conseil de prud’hommes pour contester la rupture anticipée abusive.
L’action vise à :
- obtenir les salaires jusqu’au terme du CDD
- faire reconnaître l’absence de faute grave
- et demander une réparation pour préjudice moral ou atteinte à la réputation.
Dans certains cas, l’entraîneur peut aussi saisir la commission juridique fédérale si son contrat est soumis à un règlement sportif particulier.
6. Les indemnités en cas de licenciement pour insuffisance de résultats.
Un licenciement pour insuffisance de résultats, lorsqu’il est prononcé sans faute prouvée ni incapacité personnelle du salarié, constitue une rupture abusive du contrat.
Le club doit alors indemniser l’entraîneur à hauteur du préjudice subi. Concrètement, les juridictions accordent généralement :
- le paiement des salaires restants jusqu’au terme du contrat
- les primes prévues au contrat (objectifs, fidélité, résultats, etc.)
- les indemnités compensatrices de congés payés
- et parfois des dommages et intérêts pour préjudice moral ou atteinte à la réputation.
Les montants varient, mais dans le sport professionnel, ces indemnités peuvent représenter des dizaines, voire des centaines de milliers d’euros. Les juges apprécient la situation au cas par cas, en fonction :
- de la durée du contrat restant à courir
- du niveau de rémunération
- de la notoriété du salarié
- et des circonstances de la rupture.
Les affaires récentes montrent que les clubs utilisent souvent le licenciement “pour résultats” comme un outil de gestion.
Dans plusieurs cas, les tribunaux du travail ont condamné des clubs à verser l’intégralité des salaires restant dus, parfois pour des montants dépassant plusieurs centaines de milliers d’euros.
Les juges rappellent qu’un contrat de travail n’est pas un pari sur les performances sportives.
Un entraîneur n’a qu’une obligation de moyens, pas de résultats.
Tant qu’il met en œuvre les moyens nécessaires (préparation, suivi, direction technique, formation, communication), il remplit sa mission.
Le résultat collectif dépend de facteurs que le droit ne peut pas lui imputer.


