I. Faits.
Une salariée, responsable administratif et comptable, a été engagée par le syndicat Fédération des entreprises de propreté (FEP) le 12 juin 2018.
Le 4 janvier 2019, elle est licenciée. Elle saisit alors la juridiction prud’homale en contestant la légitimité de son licenciement, soutenant que celui-ci porte atteinte à une liberté fondamentale, en l’occurrence, sa liberté d’expression.
Elle demande sa réintégration ainsi que le versement d’une indemnité correspondant aux salaires qu’elle aurait dû percevoir entre son licenciement et sa réintégration.
Dans un arrêt du 6 avril 2023, la Cour d’appel de Paris a condamné l’employeur à payer à la salariée une indemnité équivalente aux salaires qu’elle aurait dû percevoir depuis son licenciement jusqu’à sa réintégration, sans déduction des revenus de remplacement.
L’employeur s’est pourvu en cassation.
II. Moyens.
L’employeur conteste en cassation le calcul de l’indemnité, avançant deux arguments :
- d’une part, il invoque le fait que les revenus de remplacement perçus par la salariée après son licenciement devraient être déduits de l’indemnité égale au montant de la rémunération qui aurait dû être perçue entre son éviction de l’entreprise et sa réintégration.
- d’autre part, il prétend également que la salariée a perçu une indemnité compensatrice de préavis, ce qui, selon lui, exclurait la possibilité de réclamer le paiement de ses salaires depuis la date de son licenciement, mais seulement à compter de la fin de son préavis.
III. Solution.
La Cour de cassation rejette le pourvoi formé par l’employeur.
Elle confirme l’arrêt de la Cour d’appel de Paris, rappelant tout d’abord que le licenciement pour atteinte à la liberté d’expression est nul, car il viole une liberté fondamentale protégée par l’alinéa premier du Préambule de la Constitution de 1946 et l’article 11 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789.
Que dès lors, la salariée a droit au versement d’une indemnité d’éviction correspondant aux salaires qu’elle aurait perçus entre son licenciement et sa réintégration, sans déduction des revenus de remplacement perçus durant cette période.
IV. Analyse.
Cet arrêt souligne l’importance de la protection des libertés fondamentales, en particulier la liberté d’expression dans le cadre professionnel.
En effet, la Cour de cassation affirme la nullité de plein droit du licenciement en raison de l’atteinte à une liberté fondamentale : la liberté d’expression est constitutionnellement garantie, et toute sanction disciplinaire (ici, un licenciement) fondée sur l’exercice de cette liberté est nulle.
En outre, elle considère que le salarié doit être indemnisé sans déduction des revenus de remplacement qu’elle aurait pu percevoir à la suite de son licenciement.
Cette solution protège davantage le salarié en considérant que les revenus obtenus suite au licenciement ne doivent pas alléger la charge de l’employeur.
La logique reste la même : le salarié doit pouvoir prétendre à une indemnisation intégrale pour le préjudice subi.
Cette décision est donc favorable aux salariés, renforçant la protection des libertés fondamentales en milieu de travail.
Elle s’inscrit dans la continuité de la jurisprudence protectrice de la Chambre sociale de la Cour de cassation envers les droits des salariés.
Source.
Cass. soc., 23 octobre 2024, n°23-16.479
Licenciement en partie fondé sur une violation de la liberté d’expression : nullité.