Cette jurisprudence constante semble bien intégrée par les locataires si on se penche sur les contentieux foisonnants intervenus depuis 2013.
Toutefois, à vouloir trop courir, on trébuche. L’analyse approfondie des différentes décisions fait apparaître des précisions qui avaient probablement échappé à certains.
Ainsi, pour pouvoir obtenir la caducité du contrat de location, encore faut-il que la défaillance du prestataire soit avérée, le prestataire mis en cause et le contrat correspondant résilié ou résolu. Tant que la chaîne contractuelle existe, les loyers sont dus.
Ainsi selon la Cour d’appel de Versailles, « l’interdépendance des contrats retenue ci-dessus a pour effet de lier le dénouement des conventions » et d’en déduire que « la conséquence de la résolution d’un contrat de prestation de services interdépendant avec le contrat de location financière est limitée à la caducité de ce dernier à compter du jour de sa résolution ».
C’est d’ailleurs ce que confirme la Cour de cassation qui rejette le pourvoi d’un loueur et le condamne aux dépens en décidant « qu’en l’état de ces constatations et appréciations, faisant ressortir que la résiliation du contrat de maintenance avait pris effet dès cette date, la société (…) ayant cessé d’exécuter ses obligations, la cour d’appel en a déduit à bon droit que le contrat de location était devenu caduc à compter du même jour ».
Ainsi on ne peut revendiquer la caducité d’un contrat interdépendant que lorsqu’on est en mesure de s’appuyer sur une résolution judiciaire ou de démontrer la résolution contractuelle incontestée de l’autre contrat interdépendant.
Mais si l’on se place du côté du loueur ou du prestataire, la difficulté qui se fait jour est que chaque accord contractuel (contrat de prestation d’un côté et contrat de location de l’autre) est susceptible d’impacter l’autre même en l’absence de résiliation pour faute d’un des contrats, du fait de l’application stricte de cette règle d’interdépendance et de la conséquence de caducité qui en est tirée par la Cour de Cassation.
Ainsi dans un arrêt du 12 juillet 2017, la Cour de Cassation casse et annule la décision de la Cour d’Appel de Nancy du 08 avril 2015 en ce qu’elle avait fait droit à la demande de la société prestataire qui réclamait soit d’accepter l’installation d’un nouveau matériel ou de payer l’indemnité contractuelle de résiliation anticipée du contrat de prestation selon elle toujours en vigueur, à un locataire qui s’était entendu contractuellement avec son loueur pour mettre de fin de manière anticipée au contrat de location moyennant engagement de paiement des loyers à échoir.
Alors, certes, la Cour de cassation a posé dans deux attendus rédigés en des termes strictement identiques que « la résiliation de l’un quelconque d’entre eux entraine la caducité, par voie de conséquence, des autres, sauf pour la partie à l’origine de l’anéantissement de cet ensemble contractuel à indemniser le préjudice causé par sa faute » mais bien qu’interdépendantes, ces conventions sont conclues séparément et comprennent souvent des clauses de sortie anticipée moyennant indemnité dont la mise en œuvre n’est pas fautive en tant que telle.
La partie dont le contrat est déclaré caduc du fait de la résiliation fautive ou par accord amiable entre le locataire et l’autre partie ne semble donc pas pouvoir, à ce titre, baser sa réclamation en contestant la caducité de son contrat mais doit plutôt porter son argumentaire sur l’indemnisation de son préjudice, ce qui suppose l’application des règles de droit commun de la responsabilité, encore faut-il pouvoir démontrer la faute, le préjudice et le lien de cause à effet entre cette faute et ce préjudice.
De plus, une question reste en suspens : les décisions à ce jour portent sur des contrats conclus antérieurement à l’entrée en vigueur de l’ordonnance du 10 février 2016. Or, l’article 1187 du code civil, issu de cette ordonnance, dispose simplement : « La caducité met fin au contrat. Elle peut donner lieu à restitution dans les conditions prévues aux articles 1352 à1352-9 ».
Il n’est point question de responsabilité et donc d’indemnisation.
La Cour de cassation poursuivra t’elle l’application de sa jurisprudence lorsque de telles problématiques se poseront pour des contrats conclus après le 01 octobre 2016, telle reste la question.
La prudence est mère de sureté, dit-on, et il semble, en conséquence, « prudent » d’organiser la relation contractuelle entre le prestataire et le loueur de telle sorte de poser clairement, comme obligation contractuelle, l’interdiction de prendre, pour le prestataire avec son client, comme pour le loueur avec son locataire, des décisions susceptibles d’impacter le contrat de l’autre partie sans son accord formel, tout comportement inverse constituant une faute contractuelle. Certains diront que c’est reconnaître l’interdépendance de ces contrats mais est-il raisonnable aujourd’hui de prétendre le contraire ?