Par Laetitia Cardi, Conseil en Propriété Industrielle.
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  • 1re Parution: 4 septembre 2023

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« I Love You » : une marque émoji dépourvue de caractère distinctif pour l’EUIPO.

La deuxième chambre de recours de l’Office européen des marques (l’EUIPO) a récemment rendu une décision confirmant le refus d’enregistrer à titre de marque, un signe constitué d’un pictogramme signifiant « I Love You », ce signe n’étant pas apte à remplir la fonction essentielle d’une marque, à savoir la garantie d’identité d’origine des produits et/ou services d’une entreprise.

Enregistrer à titre de marque un pictogramme.

La société allemande Käselow Holding GmbH a effectué une demande d’enregistrement de marque de l’Union européenne en date du 16 décembre 2021 pour un signe figuratif composé du pictogramme ci-dessous reproduit, désignant des services financiers et immobiliers en classe 36, ainsi que des services liés à la construction et au bâtiment en classe 37.

Ce signe représente une main ouverte avec le pouce espacé des autres doigts, l’index et l’auriculaire sont tendus, tandis que le majeur et l’annulaire sont repliés.

Il s’agit du signe du ILY, issu de la langue des signes des Etats-Unis, et désormais internationalement connu sous le nom de « I Love You ».

Ce signe est considéré comme une expression informelle de sentiments.

Les pictogrammes, tels que les émoticônes, les smileys et les emojis, peuvent-ils être enregistrés en tant que marques ?

Par décision du 18 novembre 2022, l’examinateur de l’Office de l’Union européenne a rejeté la demande pour tous les services demandés sur le fondement de l’article 7, paragraphe 1, point b) du Règlement sur la marque de l’Union européenne (RMUE).

Cet article prévoit que sont refusées à l’enregistrement les marques dépourvues de caractère distinctif.

Comme il est rappelé dans la décision, cet article du RMUE vise à garantir que le consommateur ou l’utilisateur final puisse distinguer sans confusion possible ce produit ou ce service de ceux qui ont une autre provenance.

Ainsi, une marque possède un caractère distinctif si elle permet d’identifier le produit ou le service pour lequel l’enregistrement est demandé comme provenant d’une entreprise déterminée et donc de distinguer ce produit ou ce service de ceux d’autres entreprises.

L’examinateur a estimé qu’il ne s’agit pas simplement de la reproduction d’une main, mais plutôt de celle d’un geste, et qu’il s’agit donc d’un émoji.

Selon la jurisprudence constante, les pictogrammes tels que les émoticônes ou les smileys sont bien souvent utilisés pour exprimer des sentiments positifs et le consommateur perçoit de tels pictogrammes en tant qu’élément purement décoratif ou message publicitaire. Ils ne sont donc pas aptes à indiquer l’origine d’une entreprise déterminée.

Au regard des services concernés, le consommateur ne déduira qu’un message positif du signe signifiant « I Love You », ce qui ne lui permettra pas de distinguer l’origine des services désignés.

Ce signe ne peut donc pas être enregistré à titre de marque.

La marque Emoji revue en appel par l’EUIPO.

Le 24 novembre 2022, un recours demandant l’annulation de cette décision a été formé par la demanderesse.

La deuxième chambre de recours de l’EUIPO a rejeté ce recours par une décision rendue le 1ier juin 2023, qui confirme la décision de l’examinateur de rejeter le signe contesté en raison de l’absence de caractère distinctif, pour tous les services désignés.

Le signe contesté, qui représente le signe d’un geste internationalement connu signifiant « I Love You », est un pictogramme, ou plus précisément un émoji, qui sert de langage parallèle en fournissant des indications émotionnelles dans les conversations dactylographiées.

La chambre de recours confirme que dans le cadre des services en cause, le signe contesté sera perçu comme une simple représentation d’un geste positif, un message publicitaire indiquant que les clients seront très satisfaits de ces services.

En tant que simple message positif, le signe ne sera pas perçu comme une indication d’origine des services désignés, mais plutôt comme un message publicitaire général ou un élément décoratif dépourvu de caractère distinctif.

Un pictogramme, ou emoji, traduisant une émotion soit par l’expression du visage, soit par un geste, est dépourvu du caractère distinctif minimum requis par le RMUE pour être enregistré à titre de marque.

A noter que cette décision peut encore faire l’objet d’un recours devant le Tribunal de l’Union européenne jusqu’au 05 août 2023.

Laetitia Cardi, Conseil en Propriété Industrielle en Marques, Dessins et Modèles, Novagraaf, France
Novagraaf - Conseils en Propriété Intellectuelle
Brevets - Marques - Dessins & Modèles
https://www.novagraaf.com/fr

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