CE 2 décembre 2019, Groupement de coopération sanitaire du Nord-Ouest Touraine, req.n°423936
Enseignement n°1 : Du rappel des règles d’indemnisation pour les marchés à durée ferme.
Lorsqu’un candidat à l’attribution d’un contrat public demande la réparation du préjudice né de son éviction irrégulière de ce contrat et qu’il existe un lien direct de causalité entre la faute résultant de l’irrégularité et les préjudices invoqués par le requérant à cause de son éviction, il appartient au juge de vérifier si le candidat était ou non dépourvu de toute chance de remporter le contrat.
En l’absence de toute chance, il n’a droit à aucune indemnité.
Si le juge considère que le candidat n’était pas dépourvu de toute chance, il a droit en principe au remboursement des frais qu’il a engagés pour présenter son offre.
Si le juge considère que le candidat irrégulièrement évincé avait des chances sérieuses d’emporter le contrat conclu avec un autre concurrent alors il a droit à être indemnisé de son manque à gagner, incluant nécessairement, puisqu’ils ont été intégrés dans ses charges, les frais de présentation de l’offre [1].
Hypothèses | Droit à indemnisation | Montant de l’indemnisation |
---|---|---|
Aucune chance de remporter le contrat | Non | 0 € |
Non dépourvu de chance de remporter le contrat sans toutefois prouver la chance sérieuse d’être déclaré attributaire | Oui | Uniquement les frais de présentation de la candidature et de l’offre |
Chances sérieuses | Oui | Manque à gagner : bénéfice net sur la durée certaine du contrat incluant les frais de présentation de la candidature et de l’offre |
Cela étant, certaines situations pourrait venir diminuer le montant de l’indemnisation due voir l’exclure totalement. Ainsi par exemple, comme il le fait en matière de résiliation irrégulière ou d’annulation d’un contrat, le juge pourrait tenir compte, pour l’indemnisation du manque du bénéfice que le requérant a, le cas échéant, tiré de la réalisation, en qualité de titulaire ou de sous-traitant d’un nouveau marché passé par le pouvoir adjudicateur, de tout ou partie des prestations qui lui avaient été confiées par le marché résilié ou annulé [2].
Enseignement n°2 : Du rappel des règles d’indemnisation pour les marchés à tacite reconduction.
Lorsque le marché est tacitement reconductible, le Conseil d’Etat considère que l’indemnisation est limitée à la durée d’exécution certaine. En d’autres termes, dans le cas où le marché est susceptible de faire l’objet d’une ou de plusieurs reconductions si le pouvoir adjudicateur ne s’y oppose pas, le manque à gagner ne revêt un caractère certain qu’en tant qu’il porte sur la période d’exécution initiale du contrat, autrement dit, la durée ferme et non sur les périodes de ultérieures qui ne peuvent résulter que d’éventuelles reconductions.
En revanche, il paraît utile de rappeler que le recours indemnitaire fait partie des recours de plein contentieux ou le juge doit apprécier une situation à la date à laquelle il statue. Si à cette date, le requérant apporte la preuve que le marché dont il a été irrégulièrement évincé a bien été reconduit alors le manque à gagner doit être calculé non seulement sur la période d’exécution initiale du contrat, autrement dit, la durée ferme mais également sur les périodes reconduites. Le requérant pourra d’ailleurs réclamer les factures réglées par l’acheteur public pendant les périodes de reconduction pour démontrer son préjudice certain sur la période considérée.