1) Faits et procédure.
Mme [R] a été engagée en qualité d’assistante de direction le 16 décembre 2011 par la société Dupont et Poissant conseil immobilier.
Elle a bénéficié d’un congé de maternité à partir de juillet 2014, puis d’un congé parental jusqu’en août 2015.
Elle a démissionné le 10 novembre 2017.
2) Moyens.
2.1) Absence de visite médicale.
La salariée fait grief à l’arrêt de la débouter de sa demande de dommages-intérêts pour absence de visite médicale, alors
« qu’afin d’assurer au travailleur son droit fondamental à la santé et à la sécurité, l’employeur est tenu de lui faire bénéficier d’une visite médicale d’embauche, de visites médicales périodiques ainsi que d’un examen de reprise après un congé de maternité et que le manquement de l’employeur a son obligation de suivi médical du salarié lui cause un préjudice ».
2.2) Sur le 13ᵉ mois prévu dans la convention collective de l’immobilier.
La salariée fait grief à l’arrêt de la débouter de ses demandes de rappel de salaires au titre du treizième mois alors
« que l’article 38 de la convention collective nationale de l’immobilier permet d’inclure le treizième mois dans la rémunération sous réserve que le contrat de travail prévoit que la rémunération est au moins partiellement établie sur la base d’un barème de commission convenu entre les parties et fixe les modalités de règlement des commissions de telle façon que le salarié soit assuré de percevoir dans l’année civile treize fois le salaire conventionnel qui lui est acquis ».
2.3) Sur la violation de l’obligation de sécurité et de santé au travail.
La salariée fait grief à l’arrêt de la débouter de sa demande de dommages-intérêts pour violation de l’obligation en matière de sécurité et de santé au travail, alors
« que le seul constat de la fourniture de travail durant le congé de maternité ouvre droit à réparation sans qu’il y ait lieu de s’expliquer davantage sur la nature du préjudice qui en est résulté ».
3) Réponses de la cour.
3.1) Absence de visite médicale.
Pour assurer la surveillance appropriée de la santé des travailleurs en fonction des risques concernant leur sécurité et leur santé au travail, des mesures sont fixées conformément aux législations et/ou pratiques nationales.
Ces mesures sont telles que chaque travailleur doit pouvoir faire l’objet, s’il le souhaite, d’une surveillance de santé à intervalles réguliers.
La surveillance de santé peut faire partie d’un système national de santé.
Ces dispositions, qui renvoient à l’adoption de mesures définies par la législation ou la pratique nationale et permettent le choix entre diverses modalités de mise en œuvre de la surveillance de santé, non plus qu’aucun autre texte visé par le moyen, ne confèrent au salarié de droits subjectifs, clairs, précis et inconditionnels en matière de suivi médical, de sorte qu’il appartient à celui-ci, en cas de non-respect par l’employeur des prescriptions nationales en la matière, de démontrer l’existence d’un préjudice.
La Cour d’appel de Paris, qui a constaté que l’employeur avait manqué à son obligation de faire bénéficier la salariée d’un suivi médical et d’une visite de reprise à la suite de son congé de maternité, a relevé que celle-ci ne justifiait d’aucun préjudice.
3.2) Sur le 13ᵉ mois prévu dans la convention collective de l’immobilier.
Au visa de l’article 38 de la convention collective nationale de l’immobilier du 9 septembre 1988, dans sa version antérieure à l’avenant n° 83 du 2 décembre 2019, la Cour de cassation affirme que les salariés à temps complet ou partiel reçoivent en fin d’année un supplément de salaire, dit 13ᵉ mois, égal à un mois de salaire global brut mensuel contractuel.
Toutefois, pour les salariés dont la rémunération est en tout ou partie établie sur la base d’un barème de commission convenu entre les parties, le contrat de travail peut inclure le 13ᵉ mois dans la rémunération sous réserve qu’il fixe les modalités de règlement des commissions de telle façon que le salarié soit assuré de percevoir dans l’année civile une rémunération au moins égale au salaire minimum brut annuel correspondant à son niveau.
Pour débouter la salariée de sa demande de rappel de salaires au titre du treizième mois et des congés payés afférents, l’arrêt retient que le contrat de travail de la salariée prévoyait, en sus de son salaire fixe, un commissionnement sur chiffre d’affaires, et que l’intéressée a perçu au titre des années 2015, 2016 et 2017 un salaire supérieur au salaire minimum brut annuel correspondant à son niveau fixé par la convention collective.
L’arrêt en déduit que la rémunération perçue par la salariée comprenait la prime de treizième mois dans les conditions fixées à l’article 38 de la convention collective.
En statuant ainsi, par des motifs inopérants à établir que les parties avaient entendu faire application de la possibilité offerte par l’article 38 de la convention collective nationale de l’immobilier d’inclure le treizième mois dans la rémunération variable, la Cour d’appel de Paris a violé le texte susvisé.
3.3) Sur la violation de l’obligation de sécurité et de santé au travail.
Au visa des articles L1225-17, alinéa 1, et L1225-29 du Code du travail, interprétés à la lumière de l’article 8 de la directive 92/85/CEE du 19 octobre 1992, concernant la mise en œuvre de mesures visant à promouvoir l’amélioration de la sécurité et de la santé des travailleuses enceintes, accouchées ou allaitantes au travail, la Cour de cassation affirme que la salariée a le droit de bénéficier d’un congé de maternité pendant une période qui commence six semaines avant la date présumée de l’accouchement et se termine dix semaines après la date de celui-ci et qu’il est interdit d’employer la salariée pendant une période de huit semaines au total avant et après son accouchement, ainsi que dans les six semaines qui suivent son accouchement.
Pour débouter la salariée de sa demande de dommages-intérêts, l’arrêt, après avoir constaté que l’employeur avait manqué à son obligation de suspendre toute prestation de travail durant le congé de maternité, retient que la salariée ne justifie d’aucun préjudice.
En statuant ainsi, alors que le seul constat de ce manquement ouvrait droit à réparation, la cour d’appel a violé les textes susvisés.
La Cour de cassation casse et annule l’arrêt de la cour d’appel sauf en ce qu’il dit que la démission de Mme [R] s’analyse en une prise d’acte de la rupture du contrat de travail et en ce qu’il déboute l’intéressée de sa demande de dommages-intérêts pour défaut d’examens médicaux.
4) Analyse.
La salariée a le droit de bénéficier d’un congé de maternité pendant une période qui commence six semaines avant la date présumée de l’accouchement et se termine dix semaines après la date de celui-ci et qu’il est interdit d’employer la salariée pendant une période de huit semaines au total avant et après son accouchement, ainsi que dans les six semaines qui suivent son accouchement.
La Cour de cassation constate que la Cour d’appel de Paris avait relevé que l’employeur avait manqué à son obligation de suspendre toute prestation de travail durant le congé de maternité, et qu’elle avait retenu que la salariée ne justifie d’aucun préjudice.
Elle fonde sa décision au visa des articles L1225-17, alinéa 1, et L1225-29 du Code du travail, interprétés à la lumière de l’article 8 de la directive 92/85/CEE du 19 octobre 1992, concernant la mise en œuvre de mesures visant à promouvoir l’amélioration de la sécurité et de la santé des travailleuses enceintes, accouchées ou allaitantes au travail.
Elle censure la cour d’appel en relevant que le seul constat de ce manquement ouvrait droit à réparation.
Dans le même sens, la Cour de cassation a déjà jugé que le dépassement de la durée hebdomadaire maximale de travail du travailleur de nuit calculée sur une période quelconque de douze semaines consécutives ouvre, à lui seul, droit à la réparation [1].
Les entreprises ne doivent pas fournir de travail à une salariée durant leur congé de maternité.
A défaut, elles s’exposent à une condamnation automatique (théorie du préjudice nécessaire) par les tribunaux à des dommages-intérêts pour manquement à l’obligation de sécurité.
De même, la Cour de cassation a jugé que « le seul constat du dépassement de la durée maximale hebdomadaire de travail ouvrait droit à la réparation » sans qu’il soit nécessaire de rapporter la preuve d’un préjudice [2].
La preuve du respect des seuils et plafonds prévus par le droit de l’Union européenne et des durées maximales de travail fixées par le droit interne incombe à l’employeur [3].
En matière de droit à l’image, dans un arrêt de la Cour de cassation du 14 février 2024 (n° 22-18.014), cette dernière affirmait que la simple constatation de la violation du droit à l’image d’un salarié ouvre droit à réparation (théorie du préjudice nécessaire).
Concernant l’absence de visite médicale de la salariée, la Cour de cassation est moins exigeante. Elle n’applique pas la théorie du préjudice nécessaire et considère que la salariée doit justifier d’un préjudice pour obtenir réparation.
Enfin, concernant le 13ᵉ mois, elle considère que les parties n’avaient pas entendu inclure le 13ᵉ mois dans la rémunération variable. Il est donc dû à la salariée en application de la convention collective de l’immobilier.
Source.
Cass. soc. 4 septembre 2024, n° 22-16.129
Préjudice nécessaire : dépassement de la durée hebdomadaire maximale de travail du travailleur de nuit = droit à réparation
Droit à l’image d’un salarié : sa violation par l’employeur ouvre droit à réparation.