Vade mecum de la rupture conventionnelle du CDI, par Gilles Noël, Avocat

Vade mecum de la rupture conventionnelle du CDI, par Gilles Noël, Avocat

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Explorer : # rupture conventionnelle # contrat à durée indéterminée (cdi) # homologation # indemnité

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La rupture du contrat de travail par accord entre le salarié et l’employeur est une option favorisée par la loi du 25 juin 2008 portant modernisation du marché du travail. Nous ne disposons pas encore des statistiques nationales de la DARES. Cette mesure est néanmoins vouée à prospérer, si l’on considère les chiffres qui nous ont été communiqués par une DDTEFP en région. En juillet 2008, elle recensait un peu moins de 100 demandes, puis 300 en août et près de 900 en septembre. Parallèlement à cette croissance exponentielle, le taux de refus d’homologation et de rejet pour dossier incomplet a régulièrement augmenté, pour atteindre près de 25 % en septembre. Un point s’impose donc.

Rappelons les principes de base de la rupture conventionnelle :

- le consentement des parties doit être libre ;

- elle prévoit au bénéfice du salarié des garanties procédurales et de fond ;

- elle s’accompagne du versement au salarié d’une indemnité spécifique d’un montant minimal égal à l’indemnité de licenciement, bénéficiant d’un régime fiscal et social très favorable ;

- elle doit être homologuée par la Direction Départementale du Travail, de l’Emploi et de la Formation Professionnelle territorialement compétente (établissement où est employé le salarié) ;

- elle ouvre de plein droit au bénéfice de l’assurance-chômage.

Voyons maintenant les pièges à éviter afin de négocier convenablement une rupture conventionnelle. Notons que selon la circulaire DGT n° 2008 - 11 du 22 juillet 2008, il n’y a guère de rubriques du formulaire-type qui ne soient considérées comme « substantielles », c’est-à-dire de nature à rendre impossible l’instruction du dossier en cas d’erreur ou d’omission. Par ailleurs, le contrôle de la DDTEFP susceptible d’entraîner un refus d’homologation sur le fond porte d’une part sur le libre consentement des parties, d’autre part sur les éléments fondant l’accord du salarié.

1°/ Il est impossible d’avoir recours à la rupture conventionnelle si le salarié est en CDD ou en contrat d’apprentissage ; elle est strictement réservée aux salariés en CDI. Pour ces derniers, elle est exclue lorsqu’il leur est possible de mettre un terme au contrat de travail par résiliation amiable, c’est-à-dire organisé par les textes législatifs visant le PSE (plan de sauvegarde de l’emploi) ou la GPEC (gestion prévisionnelle des emplois et des carrières). Il est également extrêmement douteux d’utiliser la rupture conventionnelle à l’égard des salariées en état de grossesse médicalement constatée.

2°/ La rupture conventionnelle résulte nécessairement d’une convention signée entre l’employeur et le salarié, stipulant des conditions précises. Il convient à cet effet d’utiliser impérativement le formulaire- type prévu par un arrêté ministériel du 18 juillet 2008. Toute demande présentée sur un formulaire inadéquat sera rejetée.

3°/ La rupture doit être décidée à l’issue d’un ou de plusieurs entretiens entre les parties. Le strict minimum est de tenir un entretien. Puisque le formulaire officiel dispose d’un cadre relatif à d’autres entretiens éventuels suivants, il est très fortement conseillé de tenir au moins deux entretiens.

Attention si le premier entretien est à l’initiative de l’employeur. D’une part, la Cour de Cassation a eu l’occasion de juger que « le contrat ne peut faire l’objet d’une résiliation d’un commun accord entre les parties qu’en l’absence de tout litige entre elles sur la rupture et qu’un salarié ne peut renoncer par avance au droit de se prévaloir des règles relatives au licenciement ». D’autre part, on sait que la Convention n° 158 de l’OIT a déjà fondé l’illégalité du Contrat Nouvelles Embauches. Songeons particulièrement à son article 3 ainsi libellé : « Aux fins de la présente convention, le terme licenciement signifie la cessation de la relation de travail à l’initiative de l’employeur ».Il faudra attendre les premiers contentieux prud’homaux pour y voir plus clair.

4°/ Les deux entretiens préalable à la rupture conventionnelle, qu’il convient de qualifier de « pourparlers », doivent s’accompagner d’une obligation précontractuelle d’information à la charge de l’employeur. Notamment, le salarié doit avoir eu la possibilité de prendre les contacts nécessaires auprès du service public de l’emploi pour être en mesure d’envisager les suites de son parcours professionnel. Il doit également être informé de son droit à se faire assister par un conseiller du salarié. Il est donc recommandé à l’employeur de convoquer le salarié par écrit en faisant rappel de ces informations.

5°/ L’employeur peut se faire assister également. Cependant, cette faculté est ouverte à la stricte condition que le salarié soit lui-même accompagné. Autrement dit, pour que l’homologation ne soit pas refusée, l’entretien doit se passer à deux (salarié et employeur), à trois (salarié plus son conseiller et employeur) ou bien à quatre (salarié plus son conseiller et employeur plus un autre membre de la direction). Mais la configuration à trois, salarié et employeur plus un autre membre de la direction, est illégalle. Il va sans dire que l’employeur n’a pas le droit de se faire assister par quelqu’un d’extérieur à l’entreprise (par exemple son avocat), sauf dans les entreprises de moins de 50 salarié, s’il s’agit d’un autre chef d’entreprise relevant de la même branche professionnelle ou d’une personne appartenant à l’organisation syndicale d’employeur à laquelle il est adhérent.

Il convient de noter que la circulaire DGT n° 2008 - 11 du 22 juillet 2008 donne consigne aux DDTEFP de vérifier si le formulaire-type mentionne précisément le nom, le prénom, et la qualité de l’assistant du salarié et/ou de l’employeur. Il faut également une seconde fois dater, signer et indiquer le nom des parties aux pourparlers qui choisissent d’écrire des remarques ou commentaires dans la partie du formulaire-type prévue à cet effet ou sur des feuillets volants. Ce point concerne particulièrement la rupture conventionnelle qui a des conséquences notamment sur une clause de non-concurrence, le commissionnement sur objectifs annuel connus ultérieurement, le sort des avantages contractuels en nature, l’utilisation du DIF en dehors de tout préavis … etc.

Pour sécuriser ce point, nous constatons la pratique de doubler la convention de rupture par un accord, sur le fondement de l’article 1134 du Code Civil. Y sont abordées toutes les conséquences de la rupture que le formulaire-type n’envisage pas. Transmettre ce document au DDTEFP peut sembler une bonne idée. Sauf si celui-ci y trouve matière à refuser l’homologation ! Une autre pratique consiste doubler la convention par une transaction !

6°/ la convention de rupture doit comporter le montant de l’indemnité spécifique de rupture conventionnelle en toutes lettres. Afin de vérifier que son montant est au moins égal à celui de l’indemnité légale de licenciement, les DDTEFP disposent d’un logiciel ad hoc. Si la rémunération mensuelle brute moyenne des 12 mois précédents n’est pas précisément mentionnée dans la convention de rupture, ce calcul ne pourra pas être réalisé. L’homologation sera alors refusée.

7°/ Se pose également le problème du vice du consentement, au cas où l’entreprise ne serait pas en mesure de prouver que le salarié a bien été informé des conséquences fiscales et sociales effectives de l’indemnité spéciale de rupture conventionnelle.

D’une part, la lettre circulaire n° 2008 - 081 de l’ACOSS, du 16 octobre 2008, rappelle que par les dispositions combinées de l’article 80 duodecies du CGI et de l’article L242 - 1, al. 12, du code de la sécurité sociale, « les indemnités de rupture conventionnelle sont exonérées d’impôt sur le revenu et de cotisations de sécurité sociale dans la limite des plafonds applicables aux indemnités de licenciement ». Donc, l’indemnité spéciale de rupture conventionnelle supérieure à deux fois le montant de la rémunération annuelle, ou six fois le plafond annuel de la sécurité sociale (199656€) est assujettie à l’IR et aux cotisations de SS.

D’autre part, les URSSAF pourraient appliquer la CSG et le CRDS a la totalité de l’indemnité spéciale qui serait supérieure au montant de l’indemnité légale ou conventionnelle de licenciement (cf. article L. 132 - 2, 5° du code de la sécurité sociale, non modifié), suivant en cela leur pratique antérieure concernant les indemnités transactionnelles versées à la suite d’un licenciement pour faute grave qui ne détaillent pas le montant correspondant à l’indemnité de licenciement et le surplus accordé, et ceci en dépit de la jurisprudence de la Cour de Cassation (n°07-14408 du 5 juin 2008).

Rappelons que ces règles d’assujettissement ne s’appliquent pas aux salariés qui sont en droit de bénéficier d’une pension de retraite au jour de la rupture conventionnelle du contrat de travail. Pour ceux-ci, l’indemnité spéciale est intégralement soumise aux cotisations sociales et à la CSG et CRDS, tandis que l’exonération d’imposition est limitée à 3050€ (article 81 – 22 du CGI).

8°/ Postérieurement à la signature de la rupture conventionnelle, chaque partie dispose d’un droit de rétractation exerçable dans le délai de 15 jours calendaires. Puis la partie la plus diligente adresse pour homologation la convention de rupture à la DDTEFP. Certains employeurs « pressés » ou mal conseillés calculent donc la date envisagée pour la rupture du contrat de travail à J+15. Mais l’homologation sera systématiquement refusée lorsque ce délai de J+15 à 24 heures échoit un samedi, un dimanche, un jour férié ou chômé (par la DDTEFP). En effet, l’article R1231-1 du Code du Travail, trop souvent oublié, dispose que « Lorsque les délais prévus par les dispositions légales du présent titre [rupture du contrat de travail à durée indéterminée] expirent [ce jour là], ils sont prorogés jusqu’au premier jour ouvrable suivant ». Notons que cette règle s’applique aussi bien au délai de 15 jours calendaires pour le droit de rétractation qu’au délai de 15 jours ouvrables pour homologation.

9°/ En l’absence de décision explicite de rejet d’homologation dans le délai de 15 jours ouvrables, l’homologation est réputée acquise. Compte tenu de la montée en puissance des dossiers à traiter, une majorité de DDTEFP se contente d’adresser à l’employeur, avec copie au salarié en courrier simple, un accusé réception de demande d’homologation. Ce faisant, l’entreprise ne sera jamais certaine que le salarié a bien été informé du point de départ du délai de prescription de 12 mois lui permettant de saisir le conseil des prud’hommes d’un litige relatif à la convention de rupture ou à son homologation.

10°/ Dernière remarque concernant les avocats employeurs : bien qu’il s’agisse peut-être d’une maladresse de rédaction de la circulaire DGT n° 2008 - 11 du 22 juillet 2008, il semble que les DDTEFP soient incitées à refuser d’homologuer la rupture conventionnelle des avocats collaborateurs, transférant ipso facto l’homologation au Bâtonnier de l’ordre « 3. L’instruction de la demande d’homologation. A/ la recevabilité de la demande d’homologation. Le DDTEFP est compétent pour l’ensemble des entreprises, quel que soit le secteur d’activité considéré, parties à une rupture conventionnelle, à l’exception des professions judiciaires et juridiques conformément au point VII de l’article cinq de la loi n° 2008 - 596 du 25 juin 2008 modifiant le dernier alinéa de l’article 7 de la loi n° 71 - 1130 du 31 décembre 1971 ».

En effet, la version actuelle de l’article 7 de la loi n° 71 - 1130 du 31 décembre 1971 est la suivante : « Les litiges nés à l’occasion d’un contrat de travail ou de la convention de rupture, de l’homologation ou du refus d’homologation de cette convention sont soumis à l’arbitrage du bâtonnier, à charge d’appel devant la cour d’appel siégeant en chambre du conseil ».

Attention à cet égard. Le délai d’instruction de 15 jours ouvrables ne coure pas à partir de la réception de la demande d’homologation à la DDTEFP, mais à partir de la réception de la demande d’arbitrage du Bâtonnier !

Gilles NOEL, Avocat

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