A. Dorange
Rédaction du Village de la Justice

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  • 1re Parution: 7 février 2023

  • 5  /5

Médiation d’affaires : une question d’acculturation ?

La médiation des entreprises était au cœur des discussions lors de notre "Tablée de la loi" du 2 février 2023 [1]. Un sujet d’actualité s’il en est, puisque le garde des Sceaux a annoncé, dans la continuité des États généraux de la Justice, vouloir « mettre au vert tous les feux de l’amiable ». Nos échanges ont montré à la fois l’intérêt pour ce mode de résolution des conflits dans le cadre des relations d’affaires et les importants enjeux de l’acculturation à la médiation.

« La médiation : et si on en parlait vraiment ? ». Le ton était donné avec cette question valant titre de l’intervention des avocats-médiateurs de Win Win Fatum [2]. De quoi présager d’échanges spontanés, ouverts et sans langue de bois, sur la manière dont ce MARD est à la fois perçu et pratiqué.

Dans l’habituelle ambiance conviviale de nos dîners-débats, les discussions ont évidemment porté sur la place fondamentale de l’humain et l’importance de la déontologie (prévention des conflits d’intérêts notamment) dans la réussite des processus amiables. Elles ont également particulièrement mis en lumière 3 points.

La médiation suscite l’intérêt des entreprises et groupements.

La « révolution culturelle » souhaitée par la Chancellerie [3] aura-t-elle lieu aussi dans le monde des affaires ? Les médiateurs comme les usagers le souhaitent, au vu des avantages que cette voie de règlement et de prévention de conflit a à offrir.

Car en effet, qu’elle soit judiciaire, conventionnelle ou spontanée (i.e. non prescrite dans un cadre juridictionnel ou en exécution d’une clause contractuelle), la médiation est perçue de part et d’autre comme une manière de construire les solutions les plus adaptés aux besoins : pour la résolution de différents avec les tiers et de difficultés internes aux entreprises bien sûr, mais aussi pour la prévention de potentielles tensions et « désamorcer » au plus tôt les conflits susceptibles de survenir à l’occasion de nouveaux projets (nouvelles coopérations, joint venture, restructuration, management de transition, etc.). Un outil efficient pour rétablir le dialogue et restaurer la confiance entre les parties prenantes.

La récente étude de la Commission Justice économique du Cercle Montesquieu fait d’ailleurs également état de cette aspiration : « la médiation est perçue par les directions juridiques comme très appropriée pour gérer de façon confidentielle les situations contentieuses à forts enjeux, sensibles ou avec un volet international. Elles y trouvent l’opportunité de rechercher "la" bonne solution de compromis, plutôt que de laisser le sort du contentieux dans la seule main d’un tiers. » [4]

La pluralité d’acteurs n’est ni un frein, ni un sujet de défiance.

La médiation se déploie et nourrit un écosystème dit « concurrentiel » au vu des nombreux acteurs de ce secteur, tant privé, qu’institutionnels.

Parmi notre quarantaine de convives de la Tablée de la loi du 2 février 2023, nous avions d’ailleurs le plaisir d’accueillir Nicolas Mohr, Directeur général de la Médiation des entreprises et Frédéric Visnovsky, Médiateur national du crédit à la Banque de France. Des structures institutionnelles donc, parmi d’autres, qui offrent gratuitement un service de médiation aux entreprises… et à côté desquelles de nombreux acteurs privés proposent leurs accompagnements… de façon payante. Ce que certains usagers de la médiation ne manquent évidemment pas de faire remarquer.

Potentiel guêpier ou sujet de discorde entre les acteurs ? Il n’en est rien et chacun de nous a pu hier soir le constater et s’en réjouir.

En réalité, nul ne se trompe sur l’enjeu : plus les possibilités de recourir à la médiation seront nombreuses, plus l’acculturation à l’amiable et le réflexe médiation se développeront. Cette lucidité se nourrit également d’un constat de bon sens : les organisations qui font appel à un service gratuit ne sont pas celles qui peuvent financièrement se permettre d’être accompagnées par des acteurs privés. Il est ainsi parfaitement inutile de mettre l’offre publique et l’offre privée sur le même plan et, partant, de craindre une quelconque concurrence.

Il faut impérativement (ré-)expliquer la mission du médiateur.

À la différence d’autres voies de la justice amiable (la conciliation par exemple, mais pas seulement), la médiation permet d’accompagner les parties prenantes pour qu’elles trouvent elles-mêmes la meilleure solution possible au vu de leurs intérêts respectifs. Mais dans la médiation, il n’est pas question, sinon de la leur imposer, du moins, de les convaincre d’adopter les conditions d’un accord préparé par un tiers.

Si cela peut sembler clair pour celles et ceux qui ont, peu ou prou, eu l’occasion de « mettre le nez » dans le Code de procédure civile, les retours terrain montrent que la mission des médiateurs n’est encore pas véritablement comprise par les parties prenantes. Mais elles ne perçoivent encore pas bien qu’un médiateur n’est pas un juge et que la médiation n’a absolument pas pour objectif de « donner raison » à l’une des parties. Aussi, en dépit des taux de réussite importants, le processus génère encore trop de déception et de frustration chez les usagers. À la hauteur de leurs attentes probablement.

Nos intervenants et participants, avocats comme institutionnels, ont donc souligné la particulière importance, pour chaque médiateur, de bien clarifier, dès le début du processus, les missions du médiateur, son déroulement et ce qu’il fallait en attendre.
Ici comme ailleurs, pour faire œuvre de pédagogie, toutes les bonnes volontés sont les bienvenues : l’union fait la force !

A. Dorange
Rédaction du Village de la Justice

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[1Dîner organisé par Legi team, éditeur du Village de la Justice.

[2Me Anne Bourdu, Me Hedwige Caldairou, Me Olivier Cuperlier, Me Laurent Samama, sans oublier Me Gaelle Leroy qui n’a pu se joindre à nous ; https://winwinfatum.com

[3Min. Justice, 19 janv. 2023, Lancement de la politique de l’amiable

[4Cercle Montesquieu, en partenariat avec Baker McKenzie, Lacourte Raquin Tatar, Equanim-international et Amurabi, 2 févr. 2023, « Médiation commerciale : où en sommes-nous ? », www.cercle-montesquieu.fr.

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