La mise à disposition d’un local syndical est d’ordre public : il ne peut y être dérogé par voie d’un accord collectif.

Par Aude Simorre, Avocat.

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Explorer : # droit syndical # délit d'entrave # ordre public # accord collectif

Dans une décision du 30 septembre 2025, le Tribunal Judiciaire de Paris se prononce sur le caractère d’ordre public de la mise à disposition d’un local syndical.
L’occasion de revenir sur le principe de mise à disposition du local syndical et les conséquences en cas de privation de ce droit rattaché à une liberté fondamentale : la liberté syndicale.
Tribunal Judiciaire de Paris, 30 septembre 2025, n°24/06736.

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I. La mise à disposition d’un local syndical.

Un local syndical doit être mis à disposition des syndicats dans les conditions suivantes :

  • Un local commun doit être mis à disposition pour l’ensemble des syndicats justifiant d’une section syndicale au sein d’une entreprise comptant au moins 200 salariés [1] ;
  • Un local syndical doit être mis à disposition pour chaque organisation syndicale représentative au sein de l’entreprise ou de l’établissement pour une société comptant plus de 1 000 salariés [2].

Rappelons qu’un syndicat représentatif est un syndicat qui en plus des conditions de respects d’un certain nombre de valeurs a recueilli au moins 10% des suffrages exprimés à l’élection du premier tour des titulaires au comité social et économique quel que soit le nombre de votants [3].

Dans le cas jugé par le Tribunal Judiciaire le syndicat demandeur était représentatif au sein de deux établissements de l’entreprise à savoir Marseille et Paris.

Cependant, un accord collectif signé par d’autres syndicats prévoyait une allocation de 2 000,00 € seulement aux syndicats représentatifs aux seins des établissements en lieu et place de la mise à disposition d’un local syndical.

C’est cette disposition que le syndicat demandeur demandait à écarter.

II. Cette disposition est d’ordre public et il ne peut y être dérogé par voie d’un accord collectif.

Le Tribunal Judiciaire de Paris juge en effet que l’accord collectif qui prive le syndicat de locaux syndicaux et prévoit à la place une allocation de 2 000,00 € est contraire à l’ordre public.

Il rappelle dans un premier temps qu’un syndicat est toujours recevable sans condition de délai à demander à écarter une disposition d’un accord collectif par voie d’exception lorsque cet accord porte atteinte à ses droits propres comme c’est le cas en l’espèce [4].

Ensuite, le Tribunal rappelle que le texte concernant la mise à disposition d’un local syndical est rédigé au présent de l’indicatif qui confère à l’obligation prévue un caractère impératif.

Ce d’autant que le texte suivant l’article L2142-8, à savoir l’article L2142-9 limite quant à lui le champ de la négociation collective aux « modalités » de mise à disposition d’un local syndical.

Le tribunal en conclut que les textes ne prévoient aucune faculté de dérogation conventionnelle quant à la mise à disposition d’un local syndical, mais seulement quant aux modalités d’aménagement.

Le juge vérifie enfin que l’accord conventionnel n’est pas plus favorable que la loi. Il constate qu’une allocation de seulement 2 000,00 € annuels aux organisations syndicales représentatives au sein d’un établissement et devant bénéficier à ce titre d’un local syndical propre ne leur permettait manifestement pas de louer avec cette allocation un local à l’année (les établissements en cause étant situés à Paris et Marseille).

Il en conclut que l’accord n’est pas plus favorable que la loi et que sa disposition privant les syndicats représentatifs au sein d’un établissement de disposer d’un local syndical est contraire à l’ordre public.

Le Tribunal ordonne sous astreinte à l’entreprise de mettre à disposition un local syndical au syndicat représentatif au niveau des établissements.

III. La violation de cette disposition est constitutive d’un délit d’entrave et du principe de neutralité entre organisations syndicales.

Le tribunal estime que la privation de la mise à disposition d’un local syndical par l’employeur est constitutif d’un délit d’entrave à l’exercice du droit syndical au sens de l’article L2146-1 du Code du Travail.

Il constate que l’élément matériel est constitué par l’omission de l’entreprise à mettre à disposition un local syndical, obligation que l’entreprise ne pouvait ignorer celle-ci étant prévue par la loi.

Il constate également que l’élément intentionnel est caractérisé par l’absence de réponse de l’entreprise à ce sujet aux nombreux courriers recommandé du syndicat.

Un autre élément intéressant est retenu à l’égard de l’entreprise à savoir la violation du principe de neutralité entre les organisations syndicales.

En effet, l’accord prévoyait une allocation de 20 000,00 € pour les syndicats représentatifs au niveau de l’entreprise contre seulement 2 000,00 € pour les syndicats représentatifs au niveau des établissements. Le tribunal en déduit une différence de traitement qui n’est pas justifié par des éléments objectifs en ce qu’elle prive purement et simplement les syndicats représentatifs au niveau des établissements de disposer d’un local syndical.

Le tribunal condamne l’entreprise pour ces deux manquements à 10 000,00 € de dommages et intérêts.

Aude Simorre,
Avocat au Barreau de Paris.

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Notes de l'article:

[1L.2142-8 du Code du travail alinéa 1.

[2L2142-8 du code du travail alinéa 2.

[3L2122-1 du Code du travail.

[4Cour de Cassation, 2 mars 2022, n°20-18442, Publié au Bulletin.

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