Le commissaire aux comptes est un professionnel de chiffres, sa mission principale est la certification des comptes des sociétés soumises à l’obligation d’avoir un commissaire aux comptes conformément aux dispositions légales.
Le présent article ne traite pas les conditions de désignation de commissaire aux comptes ni les missions spécifiques pouvant être confiées à ce professionnel, mais nous consacrons notre article à l’analyse de la portée de l’obligation de moyen à laquelle est soumis le commissaire aux compte dans l’exercice de sa mission.
Certes, la mission de commissaire aux comptes est d’ordre légal, néanmoins la réalisation de cette mission ce fait dans un cadre contractuel régi par le droit commun en l’occurrence le Code civil.
Le commissaire aux comptes encourt dans l’exercice de sa mission une responsabilité civile, une responsabilité pénale et en fin une responsabilité disciplinaire.
A titre de rappel, Le droit des obligations et contrats constitue l’élément juridique de base dans tous les aspects de la vie des personnes physiques ou morales.
Nous traitons dans le présent article les aspects juridiques des obligations dans un premier point, avant d’analyser les possibilités d’exonération du commissaire aux comptes de la responsabilité civile, et ce par la mise en exergue de la notion d’obligation de moyen.
Les obligations peuvent être classées en fonction de leurs objets et de leurs sources.
A- Classification en fonction de l’objet.
Selon une classification très ancienne, Les obligations peuvent avoir pour objet soit de faire, de ne pas faire ou de donner
a. Obligation de faire et de ne pas faire.
L’obligation de faire consiste à s’obliger envers un tiers pour la réalisation d’un acte, alors que celle de ne pas faire consiste à s’abstenir de faire un acte.
En effet, l’obligation de faire consiste généralement à la réalisation d’une prestation par un débiteur pour le compte du créancier. Le plus souvent cette obligation est contractuelle.
Par ailleurs, l’obligation de ne pas faire trouve son fondement dans une abstention à faire un acte.
Dans le premier cas c’est un acte positif et dans le second cas l’acte est passif. De ce fait le professeur Jean Carbonnier, précise que « ne pas faire c’est faire autre chose d’autre » La notion d’obligation - Editions Ellipses.
b. Obligation de donner.
Il s’agit de l’obligation de transfert d’un droit réel du débiteur au profit du créancier.
Cas de transfert de propriété dans le cadre d’une vente.
L’utilité du recours à cette classification permet de connaitre les modalités du recours pour forcer le débiteur à l’exécution de son obligation en faveur du créancier.
En effet, dans l’ancien article 1142 du Code civil Français, il était prévu que « l’inexécution de toute obligation de faire ou de ne pas faire se résout en dommages et intérêts ».
La loi n° 2018-287 du 20 avril 2018 ratifiant l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations publiée au Journal officiel du 21 avril 2018 ne fait plus référence à cette classification.
Il en découle que l’inexécution des obligations ne donnent plus directement droit aux dommages et intérêts, mais l’ordonnance prévoit l’exécution en nature après une mise en demeure article 1221 du Code civil
« Le créancier d’une obligation peut, après mise en demeure, en poursuivre l’exécution en nature sauf si cette exécution est impossible ou s’il existe une disproportion manifeste entre son coût pour le débiteur et son intérêt pour le créancier ».
c. Obligation de résultat.
Dans le cadre de l’obligation de résultat, le débiteur s’engage à obtenir un résultat précis
d. Obligation de moyen.
L’obligation de moyen est l’engament de mise en œuvre de tous les moyens nécessaires pour l’obtention d’un résultat.
La distinction citée dans les points c et d permet la recherche de l’exonération ou au moins l’atténuation de la responsabilité.
Dans le cas d’obligation de résultat, il suffit que le résultat escompté ne soit pas atteint pour qu’il y ait responsabilité du débiteur de l’obligation ; tant que dans le cadre d’obligation du moyen le débiteur doit apporter la preuve de la mise en œuvre des moyens nécessaires.
Dans les deux cas, la force majeure est une cause de l’exonération de la responsabilité ;
B. Application dans le cas du commissaire aux comptes.
a. Les missions du commissaire aux comptes.
i. Le contrôle légal.
Certes, la vérification de la comptabilité sociale ou consolidée, selon les cas, demeure la mission principale et la plus connue ; mais la mission du commissaire aux comptes couvre bien d’autres champs que la loi lui a réservés.
En effet, les missions du commissaire aux comptes s’étendent aussi à :
1. La certification des comptes sociaux ou consolidés.
Comme nous l’avions cité sus-haut, la certification des comptes sociaux est la mission principale du commissaire aux comptes.
Cette mission consiste à : « articles L823-9 et L823-10 du Code de commerce » :
1- Vérifier les valeurs et les documents comptables,
2- Certifier les comptes, en justifiant de leurs appréciations, que les comptes annuels sont réguliers et sincères et donnent une image fidèle du résultat des opérations de l’exercice écoulé ainsi que de la situation financière à la fin de cet exercice,
3- Contrôler la conformité de la comptabilité aux règles en vigueur,
4- Vérifier la sincérité et la concordance des comptes annuels avec le rapport de gestion.
2. L’information des organes de direction et d’administration.
Le commissaire aux comptes portes aux organes de direction et d’administration les éléments suivants : « article L823-16 du Code de commerce » :
1- Le programme général de travail mis en œuvre en plus des différents sondages effectués,
2- Les éventuelles modifications qui lui paraissent être apportées aux comptes,
3- Les irrégularités et les inexactitudes qu’il aurait découvertes,
4- Les conclusions auxquelles conduisent les observations et rectifications ci-dessus sur les résultats de la période comparés à ceux de la période précédente.
3. L’information des assemblées des actionnaires.
Le commissaire aux comptes a une obligation d’information à l’égard de l’assemblée générale des actionnaires et en conséquence, l’article L823-12 du Code de commerce met à charge :
1- Le signalement des irrégularités et inexactitudes relevées au cours de l’accomplissement de sa mission et ce à la plus prochaine assemblée générale ;
2- L’invitation de l’entité contrôlée quand il s’agit d’entité à intérêt public « EIP » à enquêter sur les irrégularités et inexactitudes relevées au cours de l’accomplissement de sa mission et ce conformément aux dispositions de l’article 7 du règlement (UE) n° 537/2014 du Parlement européen et du Conseil.
L’article 7 du règlement (UE) n° 537/2014 du Parlement européen et du Conseil dispose que lorsque le commissaire aux comptes
« soupçonne ou a de bonnes raisons de soupçonner que des irrégularités, y compris des fraudes concernant les états financiers de l’entité contrôlée, peuvent être commises ou ont été commises, il en informe l’entité contrôlée et l’invite à enquêter sur l’affaire et à prendre des mesures appropriées pour traiter ces irrégularités et éviter qu’elles ne se répètent à l’avenir ».
Dans le même sens du caractère permanent de la mission du commissaire aux comptes, l’article 7 susvisé met à la charge de ce dernier une autre obligation de suivi. Il ne suffit pas d’informer des irrégularités et inviter l’entité à enquêter, mais il faut que le commissaire aux comptes s’assure de l’effectivité de l’enquête.
Si l’entité contrôlée ne procède pas à l’enquête pas sur l’affaire, le commissaire aux comptes informe les autorités compétentes en charge d’enquêter sur de pareilles irrégularités.
Aussi, le dernier paragraphe de l’article suscité a mis à la charge du commissaire aux comptes un fardeau très lourd de conséquences
« La transmission de bonne foi à ces autorités, par le contrôleur légal des comptes ou le cabinet d’audit, d’informations sur des irrégularités visées au premier alinéa ne constitue pas une violation des clauses contractuelles ou des dispositions légales restreignant la transmission d’informations ».
En effet, contrairement à la révélation de faits délictueux prévue au 2ème paragraphe de l’article L823-12 du Code de commerce « Ils révèlent au procureur de la République les faits délictueux dont ils ont eu connaissance, sans que leur responsabilité puisse être engagée par cette révélation » ; l’information des autorités compétentes en charge des enquêtes doit être effectuée de bonne foi.
4. Révélation des faits délictueux.
La compagnie nationale des commissaires aux comptes a préparé un guide de « Pratique professionnelle relative à la révélation des faits délictueux au procureur de la République » annexée à la circulaire.
Le guide présente les bonnes pratiques pour la réalisation de cette obligation supposée par beaucoup de professionnels comme exempte de risques et entourée d’immunité légale, alors que dans la pratique cette immunité n’est pas gagnée d’avance [1].
ii. Les missions spéciales.
Outre les missions de contrôle citées dans les points précédents, la loi a confiée aux commissaires aux comptes plusieurs missions au cours de la vie des sociétés que nous citons quelques-unes ci-après.
1. Le déclenchement de la procédure de l’alerte.
Le commissaire doit déclencher la procédure dite de l’alerte prévue par l’article l 234-1 du Code de commerce dès qu’il constate dans le cadre de ma mission des faits de nature à compromettre la continuité de l’exploitation, il doit informer le président du conseil d’administration ou du directoire selon le cas.
2. La certification d’arrêté de compte.
Dans le cadre d’augmentation de son capital social la société peut procéder à la conversion de créances en action.
Cette forme d’augmentation exige la préparation d’arrêté de compte par le conseil d’administration ou le directoire et le soumettre au commissaire aux comptes pour certification :
Exonération de la mise en cause de la responsabilité du cas du commissaire aux comptes.
Comme nous l’avions précisé au début de cet article, le commissaire aux comptes a une obligation de moyen dans l’exercice de sa mission.
En effet la recherche de la responsabilité du civile du commissaire aux compte incombe au demandeur et à ce dernier de prouver que le commissaire aux comptes n’a pas mis en œuvre les diligences nécessaires conformément aux normes professionnelles.
Par ailleurs, nous signalons qu’à titre d’exemples les éléments traités dans le point A du présent article sont source de responsabilité pour le commissaire aux comptes, et conséquence la responsabilité peut être retenues, entre autres, dans les cas suivants :
Manquement à l’obligation d’informer les organes d’administration et de direction sur les comptes de l’entreprise ;
Manquement à l’obligation d’informer l’assemblée sur les inexactitudes et irrégularités des comptes de l’entreprise ;
Défaut de déclenchement de la procédure d’alerte quand la situation de la continuité d’exploitation est compromise ;
Carence dans l’obligation de convoquer une assemblée des actionnaires en cas d’inaction des organes compétent.
Nous ne pensons que l’exonération du commissaire aux comptes pour le bénéfice de l’obligation de moyen n’est généralement possible que pour le volet contrôle des comptes, ou éventuellement dans le cas où les organes de directions doivent porter à sa connaissance les éléments nécessaires, tel que les conventions réglementées par exemple.
En conclusion, nous attirons le lecteur que la portée de l’obligation de moyen pour le commissaire aux comptes n’est absolue mais il existe des possibilités pour retenir la responsabilité du commissaire aux comptes sur le fondement de l’obligation de résultat, à titre d’exemples :
La certification exacte du montant global des rémunérations versées aux personnes les mieux rémunérées,
Carence dans l’obligation de convoquer une assemblée des actionnaires en cas d’inaction des organes compétent.