1. Le concept de la modalité 2 : un régime hybride.
La modalité 2 a été créée pour répondre à une difficulté concrète : certains cadres n’ont pas d’horaires fixes, mais n’ont pas non plus l’autonomie suffisante pour être placés en forfait jours.
Son fonctionnement repose sur trois piliers :
- Base horaire : 35 heures par semaine.
- Flexibilité : une tolérance de +10% permet d’aller jusqu’à 38h30 sans déclenchement d’heures supplémentaires.
- Plafond annuel : 219 jours travaillés, journée de solidarité incluse.
Ce système hybride mélange ainsi un forfait en heures (35h + 10%) et un plafond en jours (219 jours). Mais juridiquement, il reste un contrat horaire, ce qui implique un suivi précis des heures accomplies.
Tableau comparatif des trois modalités Syntec-Cinov.

2. Les conditions d’accès : des seuils restrictifs.
La modalité 2 est réservée aux cadres dont la rémunération respecte deux seuils cumulatifs :
- PASS (Plafond Annuel de la Sécurité sociale) : 47 100 € en 2025 (soit 3 925 €/mois).
- 115% du salaire minimum conventionnel (SMC) correspondant à la classification du salarié.
Si l’un de ces seuils n’est pas respecté, la modalité 2 est inopposable : le salarié est réputé travailler 35h et peut réclamer des heures supplémentaires.
Illustration chiffrée : salaires Syntec 2025 vs PASS.

Constat : seuls les cadres supérieurs (position 3.1 et plus) sont éligibles. Les cadres dits « intermédiaires » - pourtant ciblés à l’origine par la modalité 2 - sont aujourd’hui exclus, en raison de l’augmentation du PASS.
3. Les avantages de la modalité 2 : pourquoi elle est encore utilisée.
Malgré ses contraintes, la modalité 2 reste présente dans de nombreuses entreprises, notamment dans les entreprises du numérique.
- Elle continue de séduire certains employeurs car elle est perçue comme offrant un équilibre entre souplesse et encadrement.
- Elle permet une flexibilité horaire encadrée : un salarié peut dépasser ponctuellement les 35 heures hebdomadaires, dans la limite de 38h30, sans déclencher immédiatement des heures supplémentaires.
- Elle reste adaptée à certains profils, comme les consultants techniques, ingénieurs de mission ou chefs de projet, qui ont besoin d’une certaine marge d’organisation sans relever du forfait-jours.
- Elle assure une stabilité de rémunération : le salaire est lissé, indépendant des variations de l’activité.
En résumé, la modalité 2 reste perçue comme un compromis : ni totalement rigide comme le contrat de 35h, ni totalement autonome comme le forfait jours.
4. Les difficultés pratiques et juridiques.
L’application de la modalité 2 soulève néanmoins plusieurs difficultés majeures.
- Une lourdeur administrative : l’employeur doit assurer un double suivi, à la fois des heures quotidiennes/hebdomadaires et des jours annuels. Cela suppose des outils fiables (badgeuses, logiciels RH, tableaux validés régulièrement). Sans ce suivi rigoureux, le risque contentieux est élevé.
- Un cadre juridique dépassé : le mécanisme de « suractivité/sous-activité », prévu en 1999, n’est manifestement plus conforme aux règles actuelles. Aujourd’hui, la durée du travail doit être fixe (par exemple 37h/semaine), sauf à mettre en place un système flexible encadrés par des règles spécifiques.
- Un risque contentieux permanent : si les conditions d’accès ne sont pas respectées, la modalité 2 devient inopposable. La Cour de cassation l’a rappelé récemment [2] : l’employeur qui applique une modalité 2 sans respecter le PASS ou les minima s’expose à un retour automatique au régime des 35 heures, avec paiement d’heures supplémentaires.
L’avenir nous dira si cette modalité, devenue obsolète, est amenée à disparaître. En attendant, la modalité 2 doit être maniée avec une vigilance accrue.
5. Comment sécuriser la modalité 2 si vous l’utilisez encore.
Pour les entreprises qui continuent à recourir à la modalité 2, la clé est de sécuriser le dispositif afin de réduire les risques juridiques. Plusieurs bonnes pratiques peuvent être mises en place.
- Préciser le cadre dans le contrat de travail : le contrat doit mentionner clairement l’horaire de référence (35h avec flexibilité jusqu’à 38h30, ou un horaire fixe choisi de 37h/38h30) ainsi que le plafond annuel de jours travaillés. Plus le contrat est précis, moins il y a de place pour les contestations.
- Mettre en place un suivi rigoureux du temps de travail : il est indispensable de disposer d’un outil fiable (badgeuse, logiciel RH, tableau validé régulièrement) permettant de tracer les heures quotidiennes et hebdomadaires, ainsi que le nombre de jours travaillés dans l’année. Ce suivi doit être objectif et vérifiable.
- Contrôler chaque année les conditions de rémunération : lors des revues salariales, il faut systématiquement vérifier que la rémunération reste au-dessus des deux seuils cumulatifs (PASS + 115% du salaire conventionnel). Si l’un des seuils n’est pas atteint, des mesures s’imposent.
- Encadrer la modalité par accord d’entreprise : la négociation collective est le meilleur moyen de sécuriser le dispositif. L’accord peut préciser les conditions d’éligibilité, fixer une durée hebdomadaire claire (par exemple 38h), et ajouter des garanties complémentaires comme le droit à la déconnexion.
6. Quelles alternatives pour en sortir ?
Pour les entreprises qui souhaitent se libérer des contraintes de la modalité 2, plusieurs pistes s’offrent à elles, chacune avec ses avantages et ses conditions de mise en place.
- Revenir à un système horaire classique : la solution la plus simple consiste à appliquer la durée légale de 35 heures, ou à fixer une durée hebdomadaire supérieure (par exemple 37 ou 38 heures) avec paiement des heures supplémentaires majorées. L’inconvénient est la disparition des jours de repos annuels, mais le dispositif reste lisible et sécurisé.
- Recourir au forfait-jours (modalité 3) : réservé aux cadres réellement autonomes, il permet une organisation beaucoup plus souple. En contrepartie, il exige le respect de conditions strictes : classification minimale (à partir de 2.3), rémunération majorée de 20% ou 22% selon la position, suivi annuel de la charge de travail et garanties en matière de droit à la déconnexion.
- Négocier un accord d’aménagement du temps de travail : cette option permet de rester proche de l’esprit de la modalité 2 tout en échappant à ses contraintes. Par exemple, il est possible de fixer une durée hebdomadaire de 38 heures, d’accorder des jours de repos sur l’année et d’instaurer une annualisation du temps de travail. L’accord collectif offre une grande souplesse : il permet d’adapter l’organisation aux besoins de l’entreprise tout en renforçant les garanties des salariés, sans être limité par la condition du PASS.
Mon conseil : engager une sortie progressive. Sécuriser la modalité 2 dans l’immédiat, et à moyen terme, réfléchir à un dispositif global par accord d’entreprise, pouvant inclure plusieurs modalités selon les profils, par exemple une modalité horaire et un forfait en jours.


