Tenant les questions que ce mode de travail, sur le lieu de la résidence principale du salarié soulève, il était nécessaire de définir clairement les modalités d’organisation du travail des salariés permanents des habitats inclusifs.
C’est ce qu’est venu faire le décret n° 2024-650 du 1ᵉʳ juillet 2024, qui vient ajouter au Code de l’action sociale et des familles, les articles D281-4 à D281-6, établissant une organisation du travail pour ces salariés sur la base d’un forfait en jours.
1°) Un forfait de 258 jours réservé aux salariés permanents.
L’article L433-1 du CASF indique que :
« Les permanents responsables et les assistants permanents ne sont pas soumis aux dispositions relatives à la durée du travail, à la répartition et à l’aménagement des horaires des titres Iᵉʳ et II du livre Iᵉʳ de la troisième partie du Code du travail ni aux dispositions relatives aux repos et jours fériés des chapitres Iᵉʳ et II ainsi que de la section 3 du chapitre III du titre III de ce même livre.
Leur durée de travail est de deux cent cinquante-huit jours par an ».
Cet article en vigueur depuis 2008 et qui concernait initialement les permanents des lieux de vie est applicable aux salariés des habitats inclusifs aux termes de l’article L433-2 du CASF qui prévoit que :
« L’article L433-1 est applicable aux personnes qui font le choix, à titre de résidence principale, d’un mode d’habitation prévu à l’article L281-1, lorsque leur travail consiste à apporter un accompagnement continu et quotidien aux personnes avec lesquelles elles partagent leur résidence ».
Le législateur a donc fait le choix d’appliquer le même forfait de 258 jours pour les salariés des habitats inclusifs et les permanents des lieux de vie.
On notera que pour ces derniers, aucun décret n’était intervenu avant l’année 2021, créant un vide juridique et un arrêt de la Cour de Cassation en 2018, ayant invalidé le forfait de 258 jours, faute de décret d’application [1].
Il semble donc que le législateur ait été plus diligent pour les salariés des habitats inclusifs avec ce décret du 1ᵉʳ juillet 2024.
2°) La mise en place d’un calendrier prévisionnel des jours de travail.
Les salariés se voient remettre, huit jours avant le début de chaque mois, un calendrier prévisionnel mensuel des jours de travail.
Chaque jour pendant lequel le salarié exerce son activité est considéré comme un jour de travail, peu importe le nombre d’heures effectuées.
Le calendrier détermine également les jours de repos dans le respect du forfait de 258 jours.
La modification du planning se fait :
- à l’initiative du salarié, la demande est faite au moins 7 jours avant la modification, l’employeur a deux jours francs pour répondre.
- à l’initiative de l’employeur, avec un délai de prévenance de 7 jours (1 jour en cas de « circonstances exceptionnelles »).
3°) Un suivi de la charge de travail obligatoire.
L’employeur assure un suivi régulier de la charge de travail des salariés en les recevant périodiquement en entretien individuel.
« L’employeur reçoit chaque année les salariés en entretien individuel, au cours duquel sont abordés la charge de travail du salarié, l’organisation du travail au sein de l’habitat inclusif tel que défini à l’article L281-1 et ses conséquences éventuelles sur la vie familiale ou personnelle du salarié ».
« Un entretien peut être organisé à la demande du salarié s’il rencontre des difficultés liées à la charge ou l’organisation du travail. Trois mois après cet entretien, un bilan d’évaluation des actions correctrices le cas échéant engagées, ou de celles qui doivent être mises en œuvre, est réalisé lors d’un nouvel entretien ».
On retrouve ici les obligations classiques en matière de forfait en jour destinées à préserver la santé du salarié.
Il reste à savoir si en cas de non-respect de ces obligations et notamment en l’absence d’entretien annuel ou d’entretien insuffisant, la Cour de Cassation jugera comme en matière de forfait en jour « classique » que celui-ci est privé d’effet et que le salarié est fondé à solliciter le paiement des heures supplémentaires effectuées, sur la base de la durée légale du travail.
Il sera à nouveau rappelé que pour les permanents des lieux de vie, qui se voient appliquer le même forfait de 258 jours visé à l’article L433-1 du CASF, la Cour de Cassation avait écarté en 2018 le forfait en l’absence de décret d’application, sur le fondement du droit constitutionnel à la santé et au repos, qui faute de modalité de suivi de la charge de travail ne pouvait être assuré.