Pour les notaires, dont l’image est celle d’une profession ancrée dans la tradition, bien loin d’une culture digitale pourtant déjà présente, la transformation digitale pourrait ressembler à un saut dans l’inconnu. Néanmoins, la profession du notariat cherche à la fois à sauvegarder ses intérêts mais aussi à rester à l’écoute des besoins de ses clients. Un équilibre difficile à trouver et à maintenir mais qui, s’il l’est, garantira son avenir.
La difficile révolution digitale du notariat
Le Conseil Supérieur du Notariat fait la publicité de son ouverture au numérique sur son site internet. L’institution liste les différents moyens technologiques développés pour répondre aux nouveaux besoins de la profession en matière de sécurité numérique, d’acte notarié et de relation client. Un tableau qui semble démontrer une volonté d’innover pour maintenir son avance technologique.
Pourtant, l’état des lieux de la digitalisation des études notariales réalisé par « L’enquête nationale de maturité digitale » montre une ouverture plus nuancée. L’attention des notaires se concentre sur la production d’actes au détriment de la relation client. Une carence qui pourrait être corrigée grâce au numérique, mais les données témoignent d’un manque d’intérêt de la part de la grande majorité des notaires. Celui-ci est identifié au travers de plusieurs symptômes : la posture client, l’utilisation des outils et le travail sur les compétences.
Par ailleurs, la situation se complique pour les notaires depuis l’irruption dans le paysage de deux éléments : la loi « Croissance » adoptée le 6 aout 2015, et les legaltech dont l’objet est de proposer des services juridiques à l’aide des nouvelles technologies. La première a ouvert la profession à la concurrence en permettant l’installation libérale d’un plus grand nombre de notaires. Chaque étude doit donc, quand elle le peut, trouver un nouveau modèle incorporant le numérique pour survivre. Les secondes, dont le nombre a explosé, développent un service dématérialisé puissant, leur permettant de simplifier les démarches juridiques et de rendre le droit plus accessible, plus rapide et moins onéreux. Des éléments perturbateurs qui poussent le notariat à s’adapter.
Reconfigurer le logiciel de la relation-client pour les notaires
Les bienfaits de la transformation digitale sont évidents, à condition d’accepter de faire évoluer sa pratique du notariat. Cette adaptation aux nouveaux équipements digitaux doit se faire de manière stratégique, sur plusieurs axes. Tout d’abord, les nouveaux acteurs professionnels du monde du droit forcent le notariat à reconsidérer sa relation-client. Historiquement, le notaire bénéficie d’un capital de légitimité sociale en tant que tiers de confiance à tous les stades de la vie du citoyen. Cependant, aujourd’hui, ce capital s’érode à mesure que les nouveaux usages du client, également consommateur, se transforment et que l’exigence de résultats augmente.
La montée en puissance de certaines legaltechs a déclenché un processus de simplification de la matière juridique permettant aux clients de ces start-ups du droit d’accéder plus facilement à certaines procédures. Il en va de même pour le notaire qui se retrouve concurrencé sur ses prérogatives juridiques. L’idée est donc de reconfigurer la manière de penser la relation-client afin de mieux traiter ses demandes en intégrant le digital à l’interface. Mais cette nécessité n’est pas encore intégrée par les notaires, qui sont en sous-équipements, ce qui permet tout de même de prévoir de réelles opportunités d’améliorations.
Les Notaires Digital Days 2019, premier hackaton numérique des notaires, se sont tenus les 8 et 9 mars à Nantes. Pendant deux jours, les notaires présents ont participé à des ateliers pour imaginer huit grands projets afin de redéfinir le besoin client. Les participants ont pu miser une somme fictive pour sélectionner les trois projets au potentiel le plus fort. Parmi ces projets, deux concernent les clients finaux, une particularité qui montre l’importance d’une réflexion sur la nouvelle relation à leur égard. Les lauréats bénéficieront des services d’un incubateur de solutions innovantes dédiées au notariat et soutenu par des investisseurs institutionnels, des sociétés numériques du notariat et les notaires eux-mêmes.
Une réflexion pour consolider sa place dans la société
Cet événement aura permis à la profession de prendre conscience de l’importance d’inventer un nouvel écosystème numérique autour du notariat, comprenant à la fois les notaires et les legaltechs. Le prérequis pour que ce système fonctionne est d’assurer la sécurité du service et des données personnelles pour garantir la confiance du client. Pour cela, le Conseil Supérieur du Notariat a publié le 22 novembre 2018 une Charte pour un développement éthique du numérique notarial. Ce document vise à encadrer la collaboration avec toutes les organisations susceptibles de fournir des services aux notaires, à leurs clients et à leurs partenaires. Une manière d’entrainer l’ensemble des parties prenantes dans un système vertueux pour fluidifier l’ensemble des processus permettant la réalisation du service notarial.
Pour le notaire, l’enjeu final est de convaincre le client de la pertinence de sa mission. Celle-ci ne peut désormais plus se contenter d’occuper le versant de l’expertise juridique, qui fait la base même du métier de notaire, mais doit également faire ressortir la plus-value humaine de sa mission. Dans son rôle social, le notaire doit garantir la sécurité du citoyen à chaque stade de sa vie, mais aussi être son médiateur pour l’orienter vers le meilleur mode de règlement de son litige. Remplir chacune de ces tâches en collaboration avec le digital est la clé pour consolider sa position dans la société.