[Parutions] L'affaire Pélicot ou la mise en lumière des notions de consentement et de viol.

[Parutions] L’affaire Pélicot ou la mise en lumière des notions de consentement et de viol.

Marie Depay et Nathalie Hantz,
Rédaction du Village de la Justice.

929 lectures 1re Parution: Modifié: 4.75  /5

Du 2 septembre au 19 décembre 2024 s’est tenu devant la cour criminelle du Vaucluse à Avignon un procès "exceptionnel", celui dit des viols de Mazan ou encore appelé Affaire Pélicot. Exceptionnel par le nombre des accusés, 51 hommes pour une victime. Exceptionnel par sa médiatisation : 121 médias accrédités, dont 41 médias étrangers. Exceptionnel par son suivi et ses retombées sur la société en France comme ailleurs dans le monde : poser un regard réaliste et objectif sur le caractère systémique des violences faites aux femmes, porter une réflexion sur la "culture du viol" et la notion de consentement. Exceptionnel enfin, par la volonté de la victime, Gisèle Pélicot, que le procès soit public — et cette décision devient un symbole — afin que "la honte change de camp".
Les incidences de ce procès sur la société peuvent se rapprocher de celles du procès de Bobigny en 1972, qui changea le regard porté sur les femmes ayant avorté, qui permit la reconnaissance du viol comme crime et fut fondateur de la loi Veil de 1975. En effet, l’affaire a accéléré l’accueil de la proposition de loi visant à inclure et définir explicitement la notion de consentement dans la définition pénale du viol [1].
Pour revenir sur cette affaire marquante, la Rédaction du Village de la Justice vous propose la lecture de trois ouvrages distincts signés respectivement Béatrice Zavarro, avocate de Dominique Pélicot ; Marion Dubreuil, journaliste et dessinatrice judiciaire, et les journalistes Louise Colcombet et Mathieu Palain.

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Face à la portée de ce procès et son suivi par la société française et internationale, la Rédaction de la Justice fait le choix de vous présenter simultanément les trois ouvrages ci-dessous. Malgré un traitement de l’affaire qui leur est propre, leur lecture peut être complémentaire.

Défendre l’indéfendable, témoignage de l’avocate de Dominique Pélicot.

L’ouvrage de Béatrice Zavarro écrit en collaboration avec Danièle Prieur [2] débute par cette citation de Robert Badinter : « Aussi terribles, aussi odieux que soient leurs actes, il n’est point d’homme en cette terre dont il faille, pour toujours, désespérer totalement » [3]. Par cette citation, Béatrice Zavarro marque son attachement à défendre toutes celles et ceux qui le lui demanderont quoi qu’ils aient pu faire. Cette citation aide à comprendre pourquoi elle a accepté de défendre Dominique Pélicot. Elle est le reflet d’un des fondements de la Justice en France, toute personne a le droit d’être défendue, a le droit à un procès équitable.

Avec son regard de professionnelle du Droit, elle fait vivre au lecteur le procès de l’intérieur et plus encore, lui permet d’en découvrir les coulisses, les à-côtés, les phases préparatoires, la construction de la défense, les tensions entre les différentes parties, avec le public à l’intérieur et en dehors du tribunal. Elle présente même à la fin de l’ouvrage sa plaidoirie.

Avec simplicité, elle raconte ce qui a fait d’elle une avocate, comment elle perçoit et vit son métier. Page après page, le lecteur découvre une femme énergique, courageuse, persévérante, pleine d’humanité, ingénieuse, fière de son métier et qui puise ses forces tant dans le cercle familial qu’auprès de ses pairs.
Elle détaille sa rencontre avec Dominique Pélicot, comment elle apprend à le connaître, comment elle découvre l’ampleur et l’importance des faits qui lui sont reprochés. Face à ces "faits scabreux, lourds physiquement et éprouvant moralement" [4], elle relate la demande qu’elle lui fait de se faire épauler par un confrère pour partager le "travail colossal" que représente sa défense et en construire la stratégie. Demande que rejette Dominique Pélicot par ces mots "Je vous ai fait confiance, je me suis confié à vous, je ne me confierai pas à quelqu’un d’autre" [5].

Elle partage avec le lecteur cette fierté en tant que professionnelle d’avoir toute la confiance de son client, mais elle ne cache pas que cette solitude imposée, même si elle l’accepte, sera lourde à porter tout au long du procès, notamment face à l’agressivité à laquelle elle doit faire face en tant qu’avocate du principal accusé et face aux menaces reçues. Mais, rien ne la fait dévier de sa mission, celle de défendre son client.

Au travers de son récit, on ressent également le respect qu’elle porte à Gisèle Pélicot, la victime, à son combat. Comme une majorité d’acteurs de ce procès, elle ne s’attendait pas à la répercussion de ce dernier sur la société., même si elle en pressentait la complexité et la difficulté.

Ce livre est empreint d’humanité, il n’est pas moralisateur, il explique avec justesse le rôle de l’avocat de la défense. Face à l’indéfendable, la défense doit malgré tout se faire. Le message qui transparait au fil des pages est le suivant : l’avocat n’est pas là pour apprécier son client, mais pour le défendre. C’est l’homme, le criminel, qu’il défend, pas ses crimes.

Interview expresse de Béatrice Zavarro.

Quelles ont été vos motivations à la rédaction de ce livre ?
« C’est Danièle Prieur qui me l’a suggéré à un moment où j’étais loin de cette idée. Et puis, je me suis dit que tôt ou tard, le dossier Pélicot deviendrait un souvenir et qu’il fallait laisser sa trace des émotions, sentiments et autres. »

Selon vous, quel en est le point fort ?
« Sans prétention, il est un message d’espoir aux futurs avocats. Une leçon selon laquelle j’ai défendu un homme et pas un monstre. »

Que retenez-vous de la défense de ce dossier ? Que vous a t-il apporté sur le plan professionnel ?
« Ne rien lâcher !!!
Sur le plan professionnel, hormis le fait d’être sortie de mon anonymat, une vie professionnelle qui a changé avec beaucoup de demandes de retours sur expérience. »

Quelle définition donnez-vous au principe du Droit de la défense ? Que répondez-vous à ceux qui le contestent, qui ne le comprennent pas ?
« Je réponds que c’est un principe fondamental de notre État de droit, ça évite l’arbitraire et l’injustice.
Et à ceux qui ne le comprennent pas, je leur dis que ce n’est pas la vox populi qui juge, ce sont des magistrats formés pour cela. Le métier d’avocat existe depuis l’Antiquité et celui qui en a besoin sera content d’en trouver un sur son chemin. »

informations techniques :
Titre : Défendre l’indéfendable
Auteur : Béatrice Zavarro en collaboration avec Danièle Prieur
Éditions : Mareuil Éditions
ISBN : 2372544322
Nombre de pages : 266
Parution : 28 août 2025
Prix : 21 euros.

Mazan, la traversée du Styx.

journaliste, dessinatrice judiciaire, Marion Dubreuil [6] documente depuis 7 ans les violences sexistes et sexuelles. Elle a pu suivre entre autres les procès de Georges Tron, de Tariq Ramadan, les assises du féminicide de Julie Douib... Elle a également réalisé un podcast sur l’affaire du viol de Pontoise. Elle a fait de cette problématique son domaine d’expertise et pour elle, le procès des viols de Mazan marque une nouvelle étape. Selon elle, "on ne peut plus faire de chroniques judiciaires simplement pour raconter des histoires (...), il ne peut que s’agir d’informer." Grâce à Gisèle Pélicot qui a pris la décision de renoncer au huis clos et de faire en sorte que le procès de son ex-époux et des 50 autres accusés soit public, Marion Dubreuil a eu « le sentiment rare d’écrire une page de notre Histoire collective » [7]. Elle a pu documenter la place du viol dans notre société dans ce qu’il a de plus vil. Elle souhaite informer pour ne pas faire diversion, pour que la société ne fasse pas l’impasse sur les violences faites aux femmes et aux enfants.

En relatant le procès des viols de Mazan et en y raccrochant d’autres affaires qu’elle a suivies, l’auteure nous rappelle que les monstres n’existent que dans les contes et que le plus souvent ces abominations sont commises par des hommes ordinaires.
Elle nous fait réfléchir sur le fantasme que certains ont du viol, existe-t-il une culture non avouée du viol ? Elle questionne sur la place de la pédophilie dans notre société ? Sur l’emprise et le sentiment de supériorité des uns sur les autres. Elle nous interpelle, existe-t-il une responsabilité collective face à ces violences ? Quelle est la part de responsabilité de la Justice et de la chaine judiciaire ?

Ce livre est aussi l’occasion pour elle de décrire le métier de chroniqueur judiciaire, de préciser qu’il n’est pas toujours simple de rester neutre, objective dans ses écrits.

Au travers de cet ouvrage, elle se permet une analyse plus personnelle, plus critique, elle tente de comprendre comment de tels crimes sont (encore) possibles.
L’affaire des viols de Mazan est comme le Styx, ce fleuve de la mythologie grecque qui fait le tour des Enfers... et qu’il nous faut franchir pour rejoindre les victimes et leur venir en aide.

Informations techniques :
Titre : Mazan, la traversée du Styx
Auteur : Marion Dubreuil
Éditions : Globe
ISBN : 2207185729
Parution : 20 août 2025
Nombre de pages : 224
Prix : 19,50 euros.

Notre Affaire. Une BD de combat et d’espoir.

Bien sûr, Notre affaire parle de celle qui figure en couverture : Gisèle Pélicot. Gisèle Pélicot, la victime de l’affaire dite des viols de Mazan, dont les auteurs ont été jugés en 2024 à Avignon. Un procès hors norme, des faits glaçants, et une victime qui refuse le huis clos et devient un symbole.

À l’initiative de ce livre il y a deux journalistes, Louise Colcombet et Mathieu Palain. La première est grand reporter et chroniqueuse judiciaire au Parisien. Elle a révélé l’affaire et suivi l’intégralité du procès. Le second est journaliste, il s’intéresse et écrit sur la violence masculine. Autour d’eux se sont réunis une vingtaine d’auteurs illustrateurs, comme Coco, Alfred ou Kokopello, et des experts comme l’avocate Anne Bouillon ou le médecin Baptiste Beaulieu.

Ensemble, en plus de 320 pages, ils dressent un véritable état des lieux du viol dans notre société : Comment est-il défini par la loi, et aussi, définition informelle et révélatrice du malaise, par ceux qui en sont accusés et s’en défendent  ? Comment la culture du viol se fabrique-t-elle dans les esprits ? Comment remédier à celle-ci ?

On vous prévient : c’est lourd, c’est fort et ça reste en tête. Entre empathie pour les victimes, colère et dégoût face aux violences et à leurs justifications, mais aussi remise en cause personnelle, puisque effectivement, il s’agit bien de traiter d’une affaire qui nous concerne tous, "Notre affaire" continue de faire réfléchir là où ça fait mal, pour ne pas laisser la voie que Gisèle Pélicot a ouverte se refermer.

Informations techniques :
Auteurs : Collectif sous la direction de Louise Colcombet et Mathieu Palain
Éditions : L’iconoclaste
Parution:28 août 2025
Nombre de pages : 336 pages
Prix : 32 euros

Marie Depay et Nathalie Hantz,
Rédaction du Village de la Justice.

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Notes de l'article:

[1En avril 2025, les députés intègrent la notion de consentement de la victime dans la loi et introduisent ce concept dans la définition pénale du viol. En juin 2025, le Sénat a adopté, avec modifications et à l’unanimité, la proposition de loi en première lecture. Le mardi 22 octobre 2025, les députés et sénateurs se sont mis d’accord en commission mixte paritaire pour intégrer l’absence de consentement à la définition pénale du viol. Le texte doit maintenant être définitivement adopté par les deux chambres d’ici la fin du mois d’octobre (Source : site Public Sénat.

[2Avocate et écrivaine.

[3Robert Badinter cité par Maître Tessier.

[4Page 44 du livre Défendre l’indéfendable.

[5Page 45 du livre Défendre l’indéfendable.

[6Chroniqueuse judiciaire pour RMC.

[7Page 211 du livre Mazan, la traversée du Styx.

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