Cet entretien a été publié initialement dans la revue Actu des Barreaux n°15, à lire ici.
Bonne lecture !
Un long travail de préparation.
Voilà plus de six ans que la Commission de la formation professionnelle y travaille. Le groupe de travail Sandrine Clavel – Kami Haeri, nommé par le garde des Sceaux, avait proposé différentes modifications législatives et réglementaires portant sur l’accès à la profession et la formation des avocats dans un rapport daté de 2020 [3]. L’année suivante, lors de l’assemblée générale du CNB du 4 juin, nous avions voté une proposition [4] en ce sens. La Chancellerie, que nous avions sollicitée, avait alors saisi le Conseil Constitutionnel d’une demande de déclassement en décret de certains points initialement prévus par la loi :
- L’entrée dans la profession avec un niveau élevé à Bac+5, équivalent à celui d’un master 2 (en concordance avec la réforme des diplômes de l’enseignement supérieur) ;
- La dispense d’examen d’entrée dans les écoles d’avocats au profit des docteurs en droit.
Seule la dispense des docteurs en droit a été déclassée.
Le ministère de la Justice s’était par ailleurs opposé à la réduction de dix-huit à douze mois de la durée de la formation des élèves-avocats.
Au chapitre de la formation initiale.
La loi n° 2023-1059 d’orientation et de programmation du ministère de la justice 2023-2027 [5], promulguée le 20 novembre 2023, quelques jours avant la publication du décret du 1er décembre, dispose qu’il faut être titulaire d’au moins un master de droit (Bac + 5) et non plus seulement d’une maîtrise pour intégrer la profession. La disposition entrera en vigueur au 1er janvier 2025.
L’alternance est maintenant consacrée au niveau des écoles d’avocats et des référents pédagogiques sont mis en place afin qu’ils puissent s’assurer du bon déroulement des stages en cabinet d’avocat. Ces stages font l’objet d’une convention tripartite entre l’élève, l’école d’avocats et le cabinet qui accueille. En cas d’échec au CAPA, l’élève n’est par ailleurs plus obligé de refaire un parcours de deux ans en centre de formation. Il peut en effet demander de ne suivre que certaines périodes de formation et de se représenter uniquement aux épreuves pour lesquelles il a obtenu une note inférieure à 10.
La dispense des docteurs en droit suscite la controverse.
Le réaménagement des passerelles dérogatoires d’accès à la profession d’avocat est un sujet à polémique dont les docteurs en droit prennent ombrage et qui suscite actuellement de vives réactions. Les chiffres sont pourtant éloquents.
Sur l’ensemble de la France, 7,5 % en moyenne des élèves avocats sont docteurs en droit. Or, 63,4 % des élèves en situation d’échec au CAPA sont aussi des docteurs en droit.
Or, c’est à l’entrée à l’école que s’opère la réelle sélection, seuls 2 % des élèves avocats échouant à l’examen du CAPA.
Tout l’enjeu est de s’assurer que ceux qui bénéficient de la passerelle ne se retrouveront pas dans une situation d’échec préjudiciable à tous.
L’Université, déterminée à se montrer plus rigoureuse, s’élève contre les thèses de complaisance. J’ai d’ailleurs évoqué le sujet avec Jean-Christophe Saint-Pau, président de la Conférence des doyens de droit et de science politique, et les représentants de l’Association des directeurs des Instituts d’études judiciaires. Tous ont été d’accord pour maintenir la dispense en lui ajoutant des critères supplémentaires fondés sur la justification d’heures d’enseignement sur l’exercice de la fonction de juriste auprès de la Justice ou dans une direction d’entreprise. En réaction au procès qui nous est fait sur les réseaux sociaux, je rappelle que ces critères ont été instaurés par l’Université et ses représentants.
Par ailleurs, les magistrats et les professeurs d’universités qui souhaitent entrer dans la profession devront passer un examen de déontologie. Cela me paraît normal et logique. On peut être en effet un très bon magistrat et ne pas suffisamment connaître la déontologie des avocats.
Parmi les autres points essentiels.
Le non-respect de l’obligation de formation continue peut désormais être sanctionné par l’omission. Jusqu’à présent, les avocats qui ne s’acquittaient pas de leurs 20 heures annuelles obligatoires faisaient l’objet d’une procédure disciplinaire. Lourde et compliquée, les bâtonniers hésitaient parfois à l’engager contre un confrère. Les Conseils de l’Ordre pourront désormais prononcer une omission en cas de défaillance.
Un dernier point : les seize centres régionaux de formation professionnelle d’avocats (CRFPA) disposeront à présent d’un règlement intérieur unifié et commun, préparé par le CNB.