1/ L’hypothèse de l’indemnité d’éviction.
Selon une jurisprudence bien établie, le salarié dont la rupture du contrat de travail est nulle, et qui sollicite sa réintégration, a droit au paiement d’une somme correspondant à la réparation de la totalité du préjudice subi au cours de la période qui s’est écoulée entre la rupture du contrat et sa réintégration, dans la limite du montant des salaires dont il a été privé [1].
Tel est le cas, par exemple, lorsque le licenciement est consécutif à l’annulation d’un plan de sauvegarde de l’emploi [2], à un harcèlement moral [3] ou, encore, à un accident du travail [4].
La Cour de cassation a précisé que les revenus de remplacement perçus par le salarié doivent être déduits de l’indemnité d’éviction due par l’employeur [5], à condition que ce dernier en forme la demande [6].
A titre d’exemples :
- Le préjudice du salarié dont le licenciement est déclaré nul doit être évalué en tenant compte des revenus qu’il a pu tirer d’une autre activité professionnelle pendant la période écoulée entre son licenciement et sa réintégration [7].
- Il convient de déduire, de l’indemnité d’éviction, les allocations d’assurance-chômage servies par France Travail au salarié [8].
Par ailleurs, le salarié ne peut prétendre, à la fois, au paiement des indemnités de rupture et de l’indemnité d’éviction [9].
Le salarié qui présente tardivement sa demande de réintégration, de façon abusive, n’a droit, au titre de cette nullité, qu’à la rémunération qu’il aurait perçue du jour de sa demande de réintégration à celui de sa réintégration effective [10].
Cette jurisprudence a pour objet de faire échec à la démarche du salarié qui chercherait à retarder sa demande de réintégration afin d’obtenir la somme la plus élevée possible.
Enfin, dans un arrêt du 1ᵉʳ mars 2023 [11], la Cour de cassation a jugé que, pour calculer l’indemnité, il ne doit pas être tenu compte des sommes issues de l’intéressement et de la participation, qui n’ont pas la nature de salaire.
Au-delà de ces cas particuliers, l’indemnité d’éviction, étant versée à l’occasion du travail, entre dans l’assiette des cotisations sociales [12].
Elle doit donc donner lieu à l’émission d’un bulletin de paie ainsi qu’au prélèvement des cotisations sociales et de l’impôt sur le revenu.
2/ La réparation forfaitaire du préjudice.
Pour la Cour de cassation, certaines hypothèses permettent au salarié de percevoir une indemnité d’éviction sans déduction de ses revenus de remplacement.
Tel est le cas lorsque la nullité du licenciement résulte de l’atteinte portée à une liberté fondamentale constitutionnellement protégée, comme l’illustrent les exemples suivants :
- Le licenciement prononcé à l’égard d’un salarié en raison de son état de santé est nul comme caractérisant une atteinte au droit à la protection de la santé, garanti par l’article 11 du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, confirmé par celui de la Constitution du 4 octobre 1958, et ouvre droit à l’indemnité forfaitaire [13].
- Dès lors qu’il caractérise une atteinte à la liberté, garantie par la Constitution, qu’a tout homme de pouvoir défendre ses droits et ses intérêts par l’action syndicale, le salarié qui demande sa réintégration a droit au paiement d’une indemnité égale au montant de la rémunération qu’il aurait dû percevoir entre son éviction et sa réintégration, même s’il a reçu des salaires ou un revenu de remplacement pendant cette période [14].
- Méconnaît la liberté fondamentale d’agir en justice l’employeur qui licencie un salarié en raison d’une action en justice introduite ou susceptible de l’être, ce qui ouvre droit à une indemnité d’éviction forfaitaire [15].
- La salariée dont le licenciement est nul pour discrimination liée à sa grossesse a droit au paiement d’une indemnité égale aux salaires qu’elle aurait dû percevoir entre son éviction et sa réintégration dans l’entreprise, sans déduction des revenus de remplacement perçus [16].
Dans son arrêt du 23 octobre 2024, la Cour de cassation applique cette jurisprudence au licenciement d’une salariée ayant exprimé son désaccord sur le montant de sa prime exceptionnelle, le montant de son salaire et revendiqué un treizième mois d’usage dans l’entreprise « dans des termes fermes mais demeurant courtois ».
Pour la Cour d’appel de Paris [17], « la nullité du licenciement ayant été prononcée pour violation d’un droit ou d’une liberté ayant une valeur constitutionnelle, les revenus perçus par la salariée pendant la période écoulée entre son licenciement et sa réintégration ne peuvent être déduits contrairement à ce que sollicite l’employeur ».
Le pourvoi de l’employeur est écarté sans ambiguïté par la Cour de cassation :
- Il résulte de l’alinéa premier du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 et de l’article 11 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789 qu’est nul, comme portant atteinte à une liberté fondamentale constitutionnellement garantie, le licenciement intervenu en raison de l’exercice par le salarié de sa liberté d’expression ;
- Le salarié qui demande sa réintégration a droit au paiement d’une indemnité égale au montant de la rémunération qu’il aurait dû percevoir entre son éviction de l’entreprise et sa réintégration, sans déduction des éventuels revenus de remplacement dont il a pu bénéficier pendant cette période.
Discussion en cours :
Bonjour,
le cas visé par Cass. soc. 16-10-2019, n° 17-31.624 étant une indemnité d’éviction AVEC déduction des revenus de remplacement, des cotisations s’appliquent.
Cependant, dans les cas d’atteinte à une liberté fondamentale, la réparation venant réparer un préjudice SANS déductions de revenus de remplacement, des charges sociales devraient-elles s’appliquer tout autant ?