Cependant, il convient de noter que la fonction de conseiller en gestion de patrimoine (CGP) n’est pas définie par les textes.
Les quatre associations représentatives de la profession en adoptent donc une définition matérielle. De sorte que, sont CGP, les personnes qui disposent d’au moins trois des agréments suivants : Courtier d’Assurance (COA) ; Courtier en Opérations de Banque et Services de Paiement (COBSP) ; Intermédiaire porteur de la carte de transactions sur immeubles et fonds de commerce [2] ; Conseil en Investissement Financier (CIF), fondamental à l’exercice de la profession [3].
Les obligations d’information et de conseil dont est débiteur le CGP envers son client, résultent de ces différents statuts. Dès lors que son action n’entre dans le cadre d’aucun de ces régimes spéciaux (Pour l’étude d’autres régimes spéciaux voir les articles suivants : Obligation d’information et devoir de conseil : quelle responsabilité pour l’intermédiaire d’assurance et Condition suspensive d’obtention du prêt : validité des délais contractuels et rôle du courtier en crédit), le droit commun s’applique.
C’est ce droit commun, principalement jurisprudentiel, qui retiendra notre attention dès lors qu’il vise le CGP en tant que tel [4].
En effet, pour garantir au consommateur une protection efficace, les juges se montrent exigeants à l’égard du professionnel tant dans le principe (I) que dans la mise en œuvre (II) des obligations d’information et de conseil.
I- L’exigence d’une information et d’un conseil personnalisés.
A- Les fondements de la responsabilité du CGP.
Pour ce qui concerne notre réflexion, l’engagement de la responsabilité civile suppose comme condition de fond l’établissement d’une faute en lien de causalité avec un préjudice.
La faute s’entend de l’inexécution ou de la mauvaise exécution d’une obligation préexistante. S’agissant des obligations du CGP, la Cour de cassation a récemment rappelé que « le conseiller en gestion de patrimoine est tenu, à l’égard de l’investisseur, d’une obligation d’information sur les caractéristiques essentielles, y compris les moins favorables, de l’opération proposée, ainsi que sur les risques qui lui sont associés » [5].
En effet, « la fonction d’un organisme ayant pour objet le conseil en gestion de patrimoine est […] d’informer et de conseiller le client, particulièrement celui qui est ignorant de la matière financière, aussi complètement et pertinemment que possible » [6].
Ainsi, l’inexécution ou la mauvaise exécution de ses obligations d’information et de conseil par le CGP, constituent une faute de nature à engager sa responsabilité contractuelle dès lors qu’il cause un préjudice au client (1231-1 C. civ.). En l’absence de lettre de mission, la responsabilité extracontractuelle du CGP peut également être engagée (1240 C. civ.) [7].
B- Les modalités de l’information et du conseil.
1- Le recueil de l’information en vue du conseil.
Le recueil de l’information pertinente concerne deux aspects. La situation du client et l’opération projetée [8].
Le CGP doit, tout d’abord, s’informer sur la situation du client. Il doit ainsi s’enquérir auprès de ce dernier de ses connaissances et son expérience en matière d’investissement d’une part. Et d’autre part de sa situation financière et de ses objectifs d’investissement.
Le CGP doit, ensuite, s’informer sur l’opération projetée. Dans ce cadre, il se doit d’étudier le projet d’investissement, sa régularité, son sérieux, sa fiabilité et la fiabilité du cocontractant. Loin d’être une instruction sommaire, il s’agit ainsi d’une analyse des risques prévisibles : risques fiscaux, risques de change, risques de perte en capital, plus généralement tous risques « raisonnablement prévisibles propres à priver l’investissement proposé de tout ou partie du bénéfice que le client peut légitimement attendre de cet investissement » [9]. La jurisprudence indique que cette obligation de moyens s’analyse en une obligation de prudence [10].
Sur la base des informations recueillies, sur le client et après examen de la fiabilité du projet, le CGP doit recommander au client le produit adapté à sa situation.
2- La délivrance de l’information et du conseil.
Les éléments recueillis doivent permettre de fournir au client une information complète et personnalisée [11]. Le CGP doit pouvoir justifier qu’il a délivré une information sincère et suffisamment complète pour que le client prenne, en toute connaissance de cause, la décision qu’il juge adéquate sur son patrimoine.
Elle contient notamment « divers aspects économiques, financiers, et juridiques de l’opération envisagée, décrit les avantages et les inconvénients eu égard à sa situation patrimoniale et au but de défiscalisation poursuivi » [12]. Le CGP doit, au besoin, mettre en garde son client.
Par ailleurs, ni la compétence du client, ni l’intervention d’un autre professionnel ne sauraient dispenser le CGP de ses obligations [13].
II- L’exécution défectueuse de l’obligation d’information et de conseil.
A- Les illustrations de la mise en œuvre défectueuse.
La jurisprudence vérifie in concreto la réalité et la pertinence de l’information et du conseil fournis. Ainsi, les juges ont considéré notamment que manque à ses obligations de moyens et engage sa responsabilité le CGP qui :
- Ne fait pas clairement état des risques et caractéristiques les moins favorables de l’opération d’investissement proposée [14] ;
- Ne vérifie pas que l’investissement proposé porte bien sur des biens permettant d’obtenir les résultats fiscaux et l’enrichissement annoncé ;
- Ne communique pas une information complète à ses clients, dès lors qu’il ne leur indique pas que le bénéfice de l’avantage fiscal escompté suppose la résidence dans une certaine localité durant la durée du dispositif. Il ne pouvait invoquer la circonstance que ses clients ne l’avaient pas informé de leur souhait de déménager dès lors qu’il lui incombait de s’informer sur leur situation et leur projet [15] ;
- N’émet pas de réserve sur l’existence d’un éventuel aléa conditionnant la défiscalisation recherchée mais assure les clients que le montage « sera totalement sécurisé » [16] ;
- Ne s’assure pas du sérieux de l’opération qu’il commercialise ;
- Ne s’assure pas de la solvabilité des cocontractants qu’il propose à ses clients ;
- Ne met pas très explicitement en garde ses clients sur les aléas de l’investissement proposé à savoir : des travaux de réhabilitation importants qui pouvaient prendre du retard et impacter la possibilité de l’investissement fiscal et l’absence de garantie des promoteurs devenus insolvables par la suite [17].
Cela étant « sauf stipulation contractuelle expresse, il n’est pas tenu de garantir à son client la rentabilité à long terme du placement choisi ni de le prémunir de tout aléa financier ». Ainsi, les juges ont pu affirmer que le CGP « n’engage sa responsabilité que dans la mesure où il a donné des informations juridiques fiscales erronées, ou conseillé à son client des placements hasardeux ou extrêmement risqués sans l’informer complètement de la nature de ceux-ci » [18].
B- La sanction de la mise en œuvre défectueuse.
Le CGP fautif engage sa responsabilité au titre du préjudice qu’il cause. Le dommage réparable consiste dans la perte de chance pour l’investisseur de mieux investir ses capitaux. Elle s’apprécie en pourcentage du gain manqué et ne peut être égale à l’avantage perdu [19] .
En matière de défiscalisation, la Cour d’appel de Toulouse a eu l’occasion de rappeler le 10 septembre dernier [20], un principe bien établi en jurisprudence [21]. A savoir que : « le paiement de l’impôt mis à la charge d’un contribuable à la suite d’une rectification fiscale ne constitue pas un dommage indemnisable sauf s’il est établi que, dûment informé ou dûment conseillé, il n’aurait pas été exposé au paiement de l’impôt rappelé ou aurait acquitté un impôt moindre ». Ainsi, au-delà du simple constat du manquement du CGP, le client doit démontrer que dûment informé et conseillé, il aurait été exonéré de tout ou partie de l’imposition supportée.
L’action en responsabilité se prescrit par cinq ans à compter : soit du jour de la réalisation du dommage, soit du jour où la victime en a pris connaissance. En matière de défaut de conseil, il ne faut donc pas considérer, pour point de départ de la prescription, la date de conclusion du co, mais mais bien le jour où le défaut de conseil produit ses conséquences néfastes, par exemple au moment du rachat du contrat d’assurance-vie par le souscripteur [22].
Le manquement du CGP peut être associé à celui d’autres professionnels. C’est le cas de l’agent immobilier, lequel, en ne vérifiant pas que le CGP a satisfait correctement à l’information et au conseil des investisseurs immobiliers, en facilite et en aggrave la mauvaise exécution par le CGP [23].


