Un constat actuel : un accroissement des offres d’indemnisation insuffisantes voire dérisoires des assurances de catastrophes naturelles sécheresse.
« Je vais lui faire une offre qu’il ne pourra pas refuser », Le Parrain, Francis Ford Coppola, 1972. La réplique la plus célèbre de l’histoire du cinéma américain semble inspirer de plus en plus de compagnies d’assurance.
Le nombre de sinistres de type catastrophe naturelle sécheresse liés au phénomène dit de « RGA » pour retrait-gonflement des sols argileux est en pleine explosion, tout comme le coût de ces derniers.
En terme de coûts, la sécheresse de 2022 (3,5 Md€) a pulvérisé le record détenu par celle de 2003 (2,11 Md€) depuis la création du système d’assurance de catastrophe naturelle en 1982 [1].
Le dérèglement climatique explique en grande partie ce phénomène.
Les conséquences en sont les suivantes : bouleversement à la hausse du budget alloué à cette catégorie de sinistres, allongement des délais d’expertise malgré une réforme entrée en vigueur le 1ᵉʳ janvier 2025 ayant pour objectif d’encadrer les dérives des experts d’assurance (pour plus de détails, lire l’article suivant Experts d’assurances de catastrophes naturelles sécheresse, bientôt la fin de la récréation ?)
Mais aussi et surtout : un risque accru pour les compagnies d’assurance de se voir intenter un procès par leur assuré à qui elles ont notifié un refus de garantie pour un motif fallacieux. En réaction, une pratique se développe aujourd’hui auprès des assureurs de catastrophes naturelles lorsque la cause déterminante du sinistre est incontestablement la sécheresse : faire une offre d’indemnisation ridiculement basse.
Cette offre est souvent consécutive à un classement du sinistre en catégorie 2 par l’expert de l’assurance : « traitement de fissures ». L’expert préconise ainsi un traitement des fissures par matage et harpage (agrafage) alors que la cause de l’apparition des fissures provient des fondations. En d’autres termes, l’opération consiste à changer les pneus d’une voiture dont la courroie de distribution est cassée ou encore à apposer un pansement sur une jambe de bois…
Un obstacle majeur : la réticence des sinistrés à contester judiciairement ces offres insuffisantes.
Les compagnies d’assurance savent, comme les sinistrés, qu’un procès est souvent long et aléatoire, qu’un expert judiciaire est coûteux et que l’expertise judiciaire est réalisée aux frais avancés du demandeur.
Misant ainsi sur le fait que l’assuré ne refusera pas l’offre d’indemnisation et signera l’« accord de règlement » ou « accord sur montant des dommages », les compagnies d’assurance qui ont recours à cette pratique parviennent à régler un certain nombre de sinistres à bas coût.
Mais le retour à la réalité est rude et tout le monde est perdant. Si au cours d’un futur épisode de catastrophe naturelle sécheresse, de nouveaux désordres surviennent et/ou d’anciens désordres se « réactivent », l’assuré devient à nouveau un sinistré, l’expert de l’assurance peut voir sa responsabilité engagée et le coût in fine pour l’assurance est considérablement augmenté.
Hélas, ce type de stratégie perdant-perdant-perdant existe et l’injonction de Stéphane Hessel n’y peut rien changer [2].
Une solution méconnue : le référé-provision permet potentiellement de décupler l’offre d’indemnisation insuffisante et autofinancer un procès.
L’assuré sinistré indigné ne doit toutefois pas se décourager.
L’arsenal judiciaire met en effet à sa disposition une arme redoutable et redoutée des compagnies d’assurance, actuellement codifiée à l’article 835 alinéa 2 du Code de procédure civile :
« Le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection dans les limites de sa compétence peuvent toujours, même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.
Dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, ils peuvent accorder une provision au créancier, ou ordonner l’exécution de l’obligation même s’il s’agit d’une obligation de faire ».
Ce dispositif, applicable devant le juge des référés (donc assez rapide à mettre en œuvre) a une portée générale et n’est pas spécifique aux catastrophes naturelles sécheresse. Il est d’ailleurs aujourd’hui bien plus utilisé par les victimes de dommages corporels et le terme de « référé sur offre » est parfois utilisé.
Les sinistrés de la sécheresse doivent eux aussi s’en saisir.
Attention, les conditions sont appréciées strictement par le juge des référés. La nécessité de démontrer l’existence d’une obligation pas sérieusement contestable exclut donc les sinistres ayant fait l’objet d’un classement en catégorie 1 « désordres non imputables à la sécheresse ».
La procédure est la même que celle qui doit être empruntée pour faire désigner un expert judiciaire : assignation de l’assurance en référé devant le tribunal judiciaire du lieu du sinistre.
Les 2 demandes (expertise judiciaire et versement d’une provision) sont formulées en même temps, aux termes de la même assignation, ce qui n’a donc pas pour effet de doubler le coût généré par les honoraires d’avocat (si vous avez recours à un avocat honnête) par rapport à un simple référé-expertise.
En cas de succès d’une telle action, les avantages sont considérables :
- non seulement vous faites désigner un expert judiciaire indépendant qui aura pour mission de détailler et chiffrer le coût de la réparation « efficace et pérenne, de nature à mettre fin aux désordres » due par votre assurance comme l’exige la jurisprudence de la Cour de cassation,
- mais en plus, la provision obtenue pourra vous permettre de financer tout ou partie des frais d’expertise judiciaire, principal obstacle à la judiciarisation des dossiers sécheresse en cas de position abusive adoptée par l’assurance.
Maintenant, vous savez que pouvez répondre « oui, mais… ».