I- Une compétence de principe du maire de la commune en matière de police de la circulation.
L’article L2213-1 du Code général des collectivités territoriales donne une compétence de principe au maire en matière de police de la circulation. Il exerce ainsi cette compétence - sauf dans les cas où elle a été transférée au représentant de l’Etat dans le département s’agissant des routes à grande circulation - sur :
- Les routes nationales, départementales et l’ensemble des voies publiques ou privées ouvertes à la circulation publique situées à l’intérieur de l’agglomération ;
- Les voies du domaine public routier communal et du domaine public routier intercommunal situées à l’extérieur de l’agglomération.
La jurisprudence est par ailleurs venue préciser que le maire est compétent pour exercer la police de la circulation sur les routes à grande circulation dès lors que la compétence n’a pas été transférée au représentant de l’Etat dans le département :
« Il résulte de la combinaison de ces dispositions que, sauf le cas de section de route à grande circulation pour laquelle un décret a transféré cette compétence au représentant de l’Etat dans le département, il appartient au maire d’exercer, à l’intérieur de l’agglomération communale, la police de la circulation sur les portions de routes nationales et départementales, y compris celles classées, par décret, comme routes à grande circulation » [1].
En revanche, lorsque la mesure envisagée porte sur l’axe d’une voie communale délimitant les territoires de deux communes, elle doit faire l’objet d’un arrêté conjoint par les maires de ces communes :
« 4. Lorsqu’une voie sur laquelle s’exercent les pouvoirs conférés au maire en matière de police de la circulation traverse successivement le territoire de différentes communes, chaque maire est compétent, au titre de la police municipale, pour réglementer la circulation sur cette voie sur le territoire de sa commune, quand bien même la réglementation qu’il adopte aurait des conséquences sur les conditions de circulation sur le territoire d’une autre commune. Il appartient au maire, dans l’exercice de sa compétence, de prendre en considération les incidences de cette réglementation pour les communes voisines. Ce n’est, par exception à ce qui vient d’être dit, que lorsque l’axe d’une voie communale délimite les territoires de deux communes que la police de la circulation doit être exercée en commun par les maires de ces communes » [2].
L’article L2213-4 alinéa 1ᵉʳ du Code général des collectivités territoriales précise par ailleurs que le maire peut, pour des raisons tenant notamment à la tranquillité publique, interdire l’accès à certaines voies aux véhicules compromettant cette dernière :
« Le maire peut, par arrêté motivé, interdire l’accès de certaines voies ou de certaines portions de voies ou de certains secteurs de la commune aux véhicules dont la circulation sur ces voies ou dans ces secteurs est de nature à compromettre soit la tranquillité publique, soit la qualité de l’air, soit la protection des espèces animales ou végétales, soit la protection des espaces naturels, des paysages ou des sites ou leur mise en valeur à des fins esthétiques, écologiques, agricoles, forestières ou touristiques ».
Il s’en déduit que le maire est en principe compétent pour réglementer la circulation des poids lourds sur le territoire communal.
II- Les mesures de police envisageables selon la configuration des lieux.
A présent, il convient de s’interroger sur la possibilité de prévoir, par arrêté municipal, des interdictions ou des restrictions de circulation pour certains types de véhicules, en l’occurrence les poids lourds.
Tout d’abord, il doit être rappelé qu’une mesure prise en matière de police de la circulation, comme toute mesure de police, doit être adaptée, nécessaire et proportionnée au but poursuivi, mais encore justifiée par des nécessitées d’ordre public. Sur ce point, il convient également de préciser que les mesures portant interdiction générale et absolue doivent être justifiées par des circonstances particulières ; ce qu’a récemment rappelé la Cour administrative d’appel de Versailles :
« 11. En troisième lieu, il appartient aux autorités de police de prendre les mesures nécessaires, adaptées et proportionnées permettant de concilier les droits de l’ensemble des usagers de la voie publique et les contraintes liées, le cas échéant, à la circulation et au stationnement des véhicules, en vue notamment d’assurer dans de meilleures conditions de sécurité, de commodité et d’agrément la circulation respective des piétons et des automobiles dans les centres-villes. La liberté d’aller et de venir ne fait pas obstacle à la mesure contestée si elle s’avère justifiée par les nécessités de l’ordre public. Des interdictions générales et absolues ne sont légales que si elles sont justifiées par des circonstances particulières » [3].
Une mesure portant interdiction générale et absolue est donc davantage susceptible d’annulation qu’une mesure limitée dans le temps et dans l’espace. C’est ainsi qu’un arrêté interdisant la traversée de la commune aux véhicules de plus de cinq tonnes, ayant pour effet de priver totalement l’accès des camions de plus de cinq tonnes au centre de traitement et de transfert des déchets a été jugé illégal, en ce qu’il porte une atteinte injustifiée et excessive à la liberté de circulation et à la liberté du commerce et de l’industrie. Dans ce cas d’espèce, il convient de préciser que la route départementale, objet de la mesure, était la seule voie d’accès audit centre de tri, ce qui a conduit la cour à en déduire qu’elle présentait un caractère général et absolu, excessif au regard de ses effets, notamment sur le requérant, délégataire du service public de traitement des déchets ménagers [4].
En revanche, n’est ni générale, ni absolue la mesure interdisant la circulation aux véhicules de plus de 3,5 tonnes sur le territoire communal lorsque celle-ci comporte des exceptions pour certains véhicules, en cas d’accident ou de dérogation [5].
Une telle interdiction est également légale lorsqu’elle est justifiée par des motifs de sécurité, tenant à l’étroitesse des voies, à l’intensité du trafic, au risque d’accident, mais aussi par des motifs de tranquillité tels que le bruit et les vibrations causés par le passage des poids lourds, et qu’elle a pour effet de dévier ces derniers vers une route départementale [6].
De même qu’est légal, l’arrêté municipal interdisant la circulation de transit des véhicules de plus de 7,5 tonnes, affectés au transport de marchandises, sur la portion de route départementale traversant la commune, motivé notamment par l’importance du trafic de poids lourds sur le territoire communal, « des nuisances sonores et des vibrations qui affectent la sécurité des riverains », « la nécessité d’améliorer la sécurité et la tranquillité publique tout le long de la traversée de l’agglomération » ou encore par « l’existence d’itinéraires de substitution » ; et ce d’autant plus que l’arrêté prévoit des dérogations, notamment pour faire face à une « situation d’urgence ou de crise » ou encore pour les véhicules dont le siège social de l’entreprise ou les lieux de livraison se situe sur des communes avoisinantes.
[7].
Enfin, a été jugé légal l’arrêté municipal interdisant la circulation des véhicules de plus de 3,5 tonnes dans deux rues de la commune, dont au moins une comporte une école primaire, « entre 7H30 et 9H, 11H15 et 13H45 et entre 16H15 et 17H45 » [8].
En conclusion, il convient de retenir qu’il est possible d’interdire la traversée d’une commune (ou de certaines de ses voies) aux véhicules dont le tonnage excède une certaine limite, à condition notamment qu’il ne les prive pas d’accès à un lieu inaccessible par une autre voie, en aménageant certaines exceptions, par exemple pour les véhicules nécessaires aux services publics, ou encore en limitant cette interdiction à certains horaires.
La solution dépend donc essentiellement de la configuration des lieux, ce qui implique qu’une mesure prise sur le territoire d’une commune donnée n’est pas nécessairement transposable sur d’autres.
Bien évidemment, une telle mesure devra être motivée par des considérations de sécurité et de tranquillité publiques.
Attention cependant, si une mesure d’interdiction ou de limitation de la circulation, prise à l’encontre de certains véhicules peut être parfaitement légale, elle n’exclut pas la responsabilité sans faute de la commune pour préjudice anormal et spécial causé à un usager ou un riverain : « 9. Les mesures de police légalement prises peuvent ouvrir droit à réparation sur le fondement du principe de l’égalité devant les charges publiques dès lors qu’elles engendrent, pour un administré, un préjudice grave et spécial » [9].