Le contexte de l’audience.
Le jeudi 14 juillet 2022, le calendrier des audiences annonçait pour la troisième fois de l’histoire du Pays des matins calmes la tenue d’une plaidoirie pour contrôler la constitutionnalité de la peine de capitale.
L’usage du communiqué de presse mis à disposition par le Bureau des affaires publiques de la Cour constitutionnelle [1] est requis pour décortiquer l’affaire. Ce dernier indique que la Cour a tenu une audience pour une éventuelle révision de l’article 41, paragraphe 1, ainsi que de l’article 250, section 2, de la loi pénale encadrant la peine de mort ainsi que pour se prononcer sur la recevabilité de la demande. La Cour a entendu les arguments du requérant, ceux du ministère de la justice ainsi que les déclarations des professeurs de Droit.
Initialement, le ministère réclamait la peine de mort à l’encontre d’un accusé qui a formé, par précaution, un recours en constitutionnalité contre la loi [2]. Ce dernier n’étant pas suspensif, l’accusé a été condamné à la réclusion à perpétuité à l’issue de l’épuisement de ses voies de recours. Cette finalité est sans incidence sur la conduite du contrôle de constitutionnalité de la loi [3].
Les prétentions des parties.
Le requérant tend tout d’abord à amoindrir l’importance de la référence faite à la peine de mort dans l’article 110 qui n’ordonnerait pas la nécessité de son existence de la Constitution. L’article ne ferait que constater l’existence de facto de peines de mort prononcées sous la loi martiale en garantissant une voie de recours. Puis, il hisse à la même hauteur la protection du droit à la vie et celle de la dignité humaine.
Il ajoute que l’objectif de protection de la société peut être atteint par des méthodes moins cruelles. Il continue en invoquant le principe d’égalité entre les coréens et les extradés échappant à la peine de mort en raison de ratification de la Convention européenne d’extradition.
A l’inverse, l’avis du ministère de la justice tend à considérer que l’abolition de la peine de capitale doit être décidée par le peuple et les députés qui ont conjointement le pouvoir d’amender la constitution. Pour l’article 110, il relève que la Constitution n’interdit pas expressément la peine de mort. Il considère que la réclusion à perpétué ne peut pas avoir la même efficacité que la peine capitale qui exerce une fonction de prévention du crime très forte, compte tenu de l’instinct de survie humain et de la peur intrinsèque de la mort. Il ajoute que le risque d’erreur n’est pas inhérent à cette sentence mais à tous les types de sentence et doit être résolu par des processus institutionnels adaptés. Il conclut en arguant que la prévention de la privation du droit à la vie par des crimes odieux doit l’emporter.
Concisément, la Cour doit répondre à trois principaux problèmes. Tout d’abord, il faut déterminer si l’article 1 de la Constitution qui énonce que la souveraineté et l’autorité de l’État doivent émaner du peuple induit que seul ce dernier puisse décider du maintien de cette peine. Ensuite, il faut exercer le contrôle de proportionnalité encadré par l’article 37 de la Constitution sur les restrictions apportées à la liberté et aux droits des citoyens ; si tant est que les juges considéraient qu’une atteinte au droit à la vie existe. Enfin, il faut apprécier l’éventuelle violation de l’article 10 de la Constitution garantissant la dignité des êtres humains en sa qualité de droit fondamental.
Les prévisions.
Pour parvenir à l’abolition de la peine de mort, il faudrait atteindre le quorum de six juges sur neuf se prononçant en faveur de l’inconstitutionnalité. Il s’agirait d’un revirement de jurisprudence. En 1996, la Cour constitutionnelle avait déclaré la peine de mort constitutionnelle avec sept voix sur neuf [4]. En 2010, elle fut considérée constitutionnelle avec seulement cinq voix sur neuf [5].
Les motivations des juges étaient déjà similaires aux arguments actuels avancés par le ministère de la justice.
En vertu de l’article de l’article 68, paragraphe 2, de la loi sur la Cour constitutionnelle, une partie peut demander un nouveau procès, quel que soit la matière, lorsque le recours constitutionnel a été finalisé. Dès lors, les condamnés attendant toujours dans le couloir de la mort obtiendraient une peine d’emprisonnement probablement perpétuelle en remplacement. Il s’agirait du principal changement qu’apporterait un revirement car la Corée du Sud entretient une politique abolitionniste depuis 1998 en raison d’un moratorium de fait instauré par le Président Kim Dae-Jung. Il avait été lui-même condamné à l’exécution pendant la dictature militaire de Chun Doo Hwan [6]. En droit international, ce revirement permettrait également à la Corée du Sud de se conformer à la Convention des droits de l’enfant sans avoir à prendre de nouvelles mesures vis-à-vis des enfants dont un parent est condamné à l’exécution [7].
NDLR : pour toutes celles et ceux qui sont intéressé(es) par le Droit de la Corée du Sud, l’auteure de cet article a écrit un livre d’introduction au droit coréen : "Les K-Dramas expliqués par un avocat coréen".