Concrètement cela implique notamment de déterminer si des projets sont envisagés ou déjà autorisés sur les parcelles voisines.
Une toute récente décision du Conseil d’Etat est venue rappeler, de manière indirecte, la nécessité de se livrer à une telle analyse.
En effet, depuis 2013, sauf pour l’Etat, les collectivités locales ou leurs groupements et les associations, toute personne souhaitant contester au contentieux un permis de construire, de démolir, d’aménager ou une déclaration préalable doit justifier de son intérêt à agir, à peine d’irrecevabilité de son recours. Par faciliter de langage, nous n’évoquerons plus que le cas du permis de construire.
Concrètement, le demandeur doit apporter au juge des éléments permettant de laisser supposer que le projet litigieux est de nature à affecter directement les conditions d’occupation, d’utilisation ou de jouissance de son propre bien. Il s’agit bien souvent de perte ou de création de vues, de perte d’ensoleillement ou encore d’une création ou augmentation du trafic routier dans les environs du projet.
Très rapidement, la jurisprudence a reconnu au voisin immédiat du projet, une présomption d’intérêt à agir, au regard de sa situation particulière par rapport au projet [1].
Bien qu’il s’agisse d’une présomption simple, qui peut donc être contestée notamment par le porteur de projet, le voisin immédiat se verra dans les faits reconnaître, dans la très grande majorité des cas, un intérêt à agir à contester le permis.
Rappelons que disposer d’un intérêt à agir contre un permis autorise uniquement à le contester et ne garantit nullement que ce dernier sera annulé par le juge.
Pourtant, la réforme de 2013 et les réformes suivantes ont toutefois précisé les modalités dans lesquelles l’intérêt à agir des demandeurs doit être analysé. A ce titre, un nouvel article L600-1-3 du Code de l’urbanisme a fixé le principe suivant :
« sauf circonstance particulières, l’intérêt à agir du demandeur s’apprécie à la date d’affichage en mairie du dépôt de la demande ».
Cette restriction chronologique n’est pas sans incidence pour le requérant et notamment lorsque ce dernier est récemment devenu voisin ou riverain du projet.
Dans l’espèce soumise au Conseil d’Etat, il ressortait des pièces du dossier que la société requérante était devenue propriétaire du terrain au titre duquel elle justifiait de son intérêt à agir contre le permis de construire postérieurement à la délivrance du permis.
Par principe, cette société ne disposait donc effectivement pas d’un intérêt à agir en application de l’article L600-1-3 précité du Code de l’urbanisme, sauf à pouvoir justifier de circonstances particulières.
L’intérêt de la décision commentée porte précisément sur ce point.
Le Conseil a en effet considéré que les arguments avancés par la société requérante pour tenter de justifier de circonstances particulières de nature à lui permettre de se voir reconnaître un intérêt à agir étaient insuffisants.
Cette société avait soutenu d’une part, que son recours n’avait pour seul but que de mener à bien son propre projet et de préserver ses intérêts, à l’exclusion de toute intention malveillante.
Très directement, cette argumentation tendait plus selon nous à soutenir que le recours n’était pas abusif. Or, il est constant qu’il convient de distinguer recours abusif et recours irrecevable.
D’autre part, la société requérante soutenait que le bénéficiaire du permis « aurait entretenu la confusion en continuant à afficher sur son terrain des autorisations caduques ou retirées ». Cet argument a également été écarté et rejeté par le Conseil d’Etat qui a estimé que ces éléments ne sauraient avoir le caractère de circonstances particulières au sens de l’article L600-1-3 du Code de l’urbanisme.
Cette décision illustre le caractère quasi-exceptionnel attaché à cette notion de circonstances particulières qui ne devraient, au regard de son caractère dérogatoire, trouver à s’appliquer que de manière particulièrement ponctuelle.
Références : CE, 13 décembre 2021, Société Océan’s Dream Resort, n°450241 ; CE, 13 avril 2016, Bartolomei, n° 389798.
Discussions en cours :
Vu l’extension de l’obligation de conseil du notaire, ce dernier en cas de cession devrait-il vérifier si des projets sont envisagés ou déjà autorisés sur les parcelles voisines, et à défaut sa responsabilité pourrait-elle être engagée ?
En outre, l’acquéreur ne pourrait-il pas soutenir que le vendeur a manqué à son devoir précontractuel d’information de l’article 1112-1 du Code civil qui l’oblige de porter à la connaissance de l’acquéreur l’ensemble des informations dont il dispose ayant un lien direct et nécessaire avec le contenu du contrat et dont l’importance pourrait être déterminante de son consentement ?
Bonjour,
Je pense que le risque pèse surtout sur le vendeur au titre de son devoir d’information. Si ce dernier a connaissance de projets, il devra en faire état. Cela permettra notamment de convenir dans le cadre du compromis ou de la promesse de vente que le vendeur accepte de former un éventuel recours "aux frais et risques" de l’acquéreur et ainsi que l’acheteur puisse bénéficier de potentielles conditions de recevabilité plus favorables au titre de l’intérêt à agir.
De son côté le notaire pourra obtenir certaines informations notamment dans le cadre de la demande de certificat d’urbanisme (notamment s’il s’agit d’un projet public). Il devra en tout état de cause être vigilant.
A cela s’ajoute le devoir pesant sur l’éventuel agent immobilier qui interviendrait lors de la vente. Ce dernier doit se renseigner auprès du vendeur et informer l’acheteur.
Dans le cadre d’un dossier en cours j’ai été informé par mon client (porteur de projet) que le voisin qui conteste son permis n’avait pas été informé par l’agent immobilier de son projet, alors même que l’agent immobilier était pourtant intervenu dans les 2 ventes.
Le maitre mot est donc la transparence. Cela évitera des déconvenues à tous.