La question juridique est la suivante : peut-on faire de la publicité pour un livre politique dans les gares et les stations de métro ? La réponse est non… et cela concerne tous les livres politiques. Il faut toutefois s’assurer du caractère « politique » du livre en question avant d’en interdire l’affichage.
La société nationale des chemins de fer français (SNCF) et la régie autonome des transports parisiens (RATP) constituent juridiquement des organismes chargés d’une mission de service public (article L. 2101-1 du code des transports).
En application de la loi n° 2021-1109 du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République dite « loi séparatisme », les organismes chargés d’une mission de service public par la loi, le règlement ou un contrat de la commande publique sont tenus de veiller au respect du principe de neutralité du service public.
Le principe de neutralité implique que les agents du service public et le service public en lui-même ne puissent pas afficher ou se prévaloir de convictions politiques, religieuses, syndicales ou même philosophiques.
Puisque l’affichage publicitaire est réalisé à l’intérieur des locaux du service public, il est concerné par l’application du principe de neutralité.
La SNCF et la RATP doivent donc veiller à ce que l’affichage publicitaire au sein des gares et stations de métro françaises soit toujours neutre politiquement.
Ceci implique l’interdiction de faire de la publicité pour une réunion politique au sein d’une gare ou d’une station de métro… quel que soit le parti politique.
Il en va de même pour tout message politique, syndical, religieux ou philosophique au sein d’une publicité, qu’il appartient à l’organisme de contrôler au cas par cas.
La question est plus subtile pour les livres politiques, puisque par définition l’affichage publicitaire ne fera apparaître que la couverture de l’ouvrage ou une autre illustration et non tout son contenu. Or la couverture d’un ouvrage et même son titre sont souvent neutres en apparence. C’est toute la question pour le livre « Ce que je cherche » du président du Rassemblement national, dont la couverture ne fait apparaître que la photo de son auteur.
Dans l’hypothèse d’un litige, le juge saisi devra apprécier au cas par cas si l’affichage du livre en question, compte tenu de sa couverture, son titre et son auteur, présente ou pas un caractère « politique ». Or la frontière est souvent fine entre un ouvrage biographique (non politique) et un ouvrage politisé.
En l’espèce, la société Mediatransports qui gère l’affichage publicitaire pour la SNCF et la RATP a considéré que le titre du livre de Jordan Bardella « Ce que je cherche » constituait un message politique et non biographique compte tenu du mandat politique de son auteur (député européen).
Un tel message ne peut donc pas être affiché dans les gares et stations de métro françaises, car il présente un caractère politique incompatible avec le devoir de neutralité qui s’impose dans les transports publics.
Il est fréquent que le livre d’un homme politique en exercice puisse être regardé comme « politique », quel que soit son parti, compte tenu des sujets abordés en son sein. La publicité de l’ouvrage sera donc interdite dans les gares et les stations de métro. L’affichage doit toujours être neutre en ces lieux.
Il en irait différemment d’un roman rédigé par un homme politique (on pense aux ouvrages non politiques de l’ex-ministre Bruno Le Maire), d’un livre purement biographique (on pense aux mémoires d’anciens chefs d’État), d’un livre écrit par un chef d’État étranger (on pense à Barack Obama) ou d’ouvrages historiques sur d’anciens chefs d’État (on pense à Napoléon) qui seraient autorisés.
L’interdiction de l’affichage publicitaire pour le livre de Jordan Bardella « Ce que je cherche » dans les gares et les stations de métro françaises n’a donc rien à voir avec la censure et tout à voir avec le principe de neutralité du service public.