[Point de vue] PLF 2026, une réforme qui fragilise l’investissement productif outre-mer.

Par Franck Ladrière, Fiscaliste.

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Explorer : # défiscalisation # investissement outre-mer # loi de finances # transition écologique

L’article 7 du projet de loi de finances (PLF) pour 2026 prévoit une réduction d’environ 25% des taux de défiscalisation des investissements productifs outre-mer. Derrière l’objectif affiché de verdissement et de rationalisation, cette mesure prive les économies ultramarines et notamment son secteur productif de près de 200 millions d’euros annuels, sans la moindre compensation pour les entreprises locales.

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Une réduction historique des aides fiscales aux économies ultramarines.

L’article 7 du Projet de loi de finances (PLF) 2026 [1], présenté pages 49 à 53, réforme en profondeur les régimes de défiscalisation prévus par les articles 199 undecies B, 217 undecies, 244 quater W et 244 quater Y du Code général des impôts. Ces dispositifs soutiennent depuis des décennies l’investissement productif dans les départements et collectivités d’outre-mer, en compensant les surcoûts structurels liés à l’éloignement, à la dépendance logistique et à la faiblesse des infrastructures locales.

Le texte introduit une baisse uniforme d’environ 25% de l’ensemble des taux de réduction d’impôt. Ainsi, les taux de 38,25% passent à 27,25%, ceux de 45,9% à 34,9%, et les taux les plus élevés de 53,55% à 42,55%.

Cette diminution s’appliquera à tous les secteurs éligibles : industriel, agricole, hôtelier, énergétique ou logistique.

Des objectifs écologiques louables mais une logique budgétaire punitive.

L’exposé des motifs (page 53) affirme que cette réforme vise à « renforcer l’efficacité et le verdissement des économies ultramarines » en imposant qu’au moins 5% du coût des investissements soit consacré à des équipements d’énergie renouvelable ou de gestion durable de l’eau. Le texte met également en avant la « rationalisation des aides » dont le coût aurait augmenté de « deux tiers en cinq ans ». Mais cette justification écologique masque une opération budgétaire restrictive. En effet, la baisse des taux ne s’accompagne d’aucune contrepartie pour les acteurs économiques ultramarins.

Aucune mesure n’est prévue pour revaloriser les seuils d’investissement ou d’agrément, demeurés inchangés depuis la création du dispositif il y a plus de vingt ans, alors que l’inflation cumulée depuis dépasse 50% et que les coûts de production outre-mer ont explosé.

Résultat : le soutien réel par euro investi diminue mécaniquement d’année en année, aggravant la perte de compétitivité des filières productives locales.

Un choc économique évalué à 200 millions d’euros par an.

Les experts estiment que la baisse moyenne de 25% des taux de défiscalisation se traduira par une perte nette d’environ 200 millions d’euros d’aides annuelles au profit des entreprises ultramarines.

Les projets agricoles, industriels ou touristiques, qui reposent souvent sur la défiscalisation pour équilibrer leur plan de financement, verront leur rentabilité compromise. En Guyane, à la Réunion ou en Martinique, les opérateurs redoutent une baisse immédiate de l’investissement privé et un ralentissement des chantiers productifs.

Une incohérence avec les principes d’égalité réelle et de cohésion territoriale.

Le paradoxe est manifeste : alors que l’exposé des motifs prétend “moderniser” les dispositifs, la mesure revient à affaiblir le seul levier d’investissement privé durable dont disposent les territoires d’outre-mer.

Aucune distinction n’est faite entre les secteurs à forte valeur ajoutée, les projets à vocation écologique ou les filières stratégiques (agroalimentaire, énergie, transport).

Cette approche uniforme traduit une méconnaissance des réalités de terrain et des surcoûts structurels qui justifiaient précisément l’existence du dispositif.

En pratique, la réforme de l’article 7 du PLF 2026 rompt avec le principe fondateur de la défiscalisation outre-mer : la compensation équitable des handicaps structurels pour garantir un développement économique endogène.

Un recentrage budgétaire à contre-courant des ambitions affichées.

En prétendant "rationaliser" la dépense fiscale, le gouvernement envoie un signal politique contradictoire aux acteurs économiques et institutionnels des territoires ultramarins.

Cette baisse des taux, sans revalorisation corrélative des seuils, revient à réduire la capacité d’investissement dans des territoires déjà sous-dotés, accentuant la dépendance à la dépense publique et freinant les transitions agricoles et énergétiques.

Loin d’un verdissement, cette réforme risque donc de tarir le financement des projets écologiques qu’elle prétend encourager, faute de marges de manœuvre suffisantes pour les porteurs de projets.

Un recul stratégique pour le développement ultramarin.

L’article 7 du PLF 2026, en abaissant de 25% les taux de défiscalisation sans revaloriser les seuils d’investissement ni ajuster les barèmes à l’inflation, constitue une régression majeure pour les économies d’outre-mer.

Sous couvert de modernisation, le texte opère un désengagement budgétaire silencieux estimé à 200 millions d’euros par an sur le seul secteur productif, en totale contradiction avec l’objectif de cohésion territoriale et d’égalité réelle.

Sans mesure compensatoire, cette réforme compromet durablement la relance de l’investissement productif et la transition écologique dans les outre-mer.

Franck Ladrière, Fiscaliste

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