À mon sens il faut avant tout s’attacher à l’intention de l’internaute. Le Tribunal fédéral suisse (TF) avait précédemment considéré dans une décision non publiée que le stockage temporaire des fichiers par un navigateur Internet n’était pas assimilable à une possession, l’utilisateur moyen n’ayant généralement pas l’intention de posséder ces fichiers indépendamment de savoir s’il a conscience ou non de l’existence du stockage. Le TF faisait toutefois une exception et admettait un téléchargement si l’utilisateur faisait de sorte que les données restent accessibles un certain temps sans recourir à une connexion Internet.
Une nouvelle jurisprudence
Dans une décision rendue à cinq juges le 12 mai 2011 (6B_744/2010), le TF a clarifié cette question. D’un point de vue juridique, la possession de données électroniques requiert l’intention de posséder, autrement dit avoir l’intention et la volonté de posséder. Aussi l’internaute qui n’a pas connaissance de la fonction d’enregistrement temporaire ne commet pas d’infraction.
En revanche dit la plus haute juridiction suisse, celui qui sait que les données sont automatiquement enregistrées et ne prend pas les mesures pour vider le cache à la fin de la session manifeste sa volonté de conserver les données même s’il n’y accès pas ultérieurement. Il est coupable de la même manière que celui qui conserve des documents physiques non sollicités. Les connaissances informatiques et l’intention sont à juger de cas en cas, mais il n’est pas nécessaire que l’utilisateur ait accédé précédemment aux paramètres du cache ou pris des mesures particulières pour que le tribunal considère que l’internaute a conscience de l’enregistrement des données. Avec cette décision, le Tribunal fédéral semble vouloir inclure non seulement celui qui utilise volontairement et consciemment le cache de son navigateur pour y cacher des fichiers téléchargés, mais également celui qui ne prend pas de mesures actives pour effacer les documents.
Un avis partagé
Le TF ne justifie pas vraiment ce durcissement. D’un côté on peut retenir que celui qui consulte de la pornographie dure devrait savoir que seule la consultation est autorisée et qu’il lui revient de prendre les mesures pour éviter l’acquisition illégale des images, alors que d’un autre côté la simple consultation étant légale il n’y a pas de raison a priori d’imposer des actes supplémentaires pour éviter de sombrer dans l’illégalité. Je ne vois d’ailleurs pas comment il serait possible de consulter des fichiers sur Internet sans les télécharger à un moment donné.
Du point de vue de l’intention également il faut rester prudent avec cette décision du Tribunal fédéral suisse : je ne suis pas vraiment convaincu que l’on puisse retenir une intention d’acquérir des fichiers lorsqu’un internaute ne modifie pas les paramètres de son navigateur Internet mais sait que des fichiers sont stockés temporairement quelque part, sans chercher à les consulter. Autrement dit, la question qui se pose est celle de savoir si l’on peut imposer à l’internaute de modifier les paramètres de son navigateur voire installer d’autres logiciels, quand la majorité des utilisateurs conserve simplement la configuration originale ?