[Point de vue] L'agriculture cellulaire, une solution durable face aux dérives de l'élevage intensif. Par Léa Badja, Omayma El Battahi, Léa Ko-Alart et Yasmine Sakho, Étudiantes.

[Point de vue] L’agriculture cellulaire, une solution durable face aux dérives de l’élevage intensif.

Par Léa Badja, Omayma El Battahi, Léa Ko-Alart et Yasmine Sakho, étudiantes de la Clinique juridique One Health-Une seule santé, promotion 2024-2025,
Sous la direction de Aloïse QUESNE
Maître de conférences en droit privé à l’Université Paris-Saclay
Membre de l’Institut universitaire de France
Directrice de la Clinique juridique One Health-Une seule santé
https://cjonehealth.hypotheses.org/

1076 lectures 1re Parution: 5  /5

Explorer : # agriculture durable # droit alimentaire # innovation technologique # environnement

À l’heure où les crises environnementales et alimentaires appellent une refonte en profondeur de nos systèmes de production, l’agriculture cellulaire émerge comme un objet d’étude à la croisée de multiples disciplines. Ce phénomène biotechnologique, encore en phase d’expérimentation, nourrit de nombreuses interrogations quant à sa place dans le droit positif, son acceptabilité sociale et sa compatibilité avec les traditions culturelles. Le présent article cherche à adopter un regard critique sur les discours doctrinaux relatifs à cette innovation, en mettant en lumière tant les réticences qu’elle suscite que les propositions normatives visant à encadrer son développement. À travers une lecture croisée des arguments scientifiques, juridiques et éthiques, il s’agira de comprendre dans quelle mesure l’agriculture cellulaire peut contribuer à une transition alimentaire durable, sans rompre avec les fondements et les valeurs qui la sous-tendent.

Les auteures de cet article sont membres de la Clinique juridique One Health-Une seule santé.

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Introduction.

L’agriculture cellulaire s’impose comme une innovation majeure, offrant la possibilité de produire des denrées alimentaires telles que viande ou produits laitiers, sans recourir à l’élevage. Cette approche repose sur la culture de cellules en laboratoire, permettant de générer des tissus biologiques à partir de quelques cellules prélevées sur un organisme vivant. Elle suscite ainsi un large éventail de débats scientifiques, économiques, éthiques et juridiques [1].

Le concept d’agriculture cellulaire est relativement récent, bien que ses fondements scientifiques remontent à plusieurs décennies. En 2006, les chercheurs néerlandais Mark Post et Peter Verstrate ont initié un programme de recherche sur la viande cultivée, partiellement financé par des fonds publics. Le premier steak issu de cellules souches musculaires a été présenté à la presse en 2013, lors d’une démonstration à Londres. Depuis, plusieurs entreprises se sont engagées dans le développement de produits alimentaires cellulaires, parmi lesquelles Eat Just, qui a obtenu, en 2020, l’autorisation de commercialiser des bouchées de poulet cellulaire à Singapour, et Upside Foods, qui a reçu, en 2022, une pré-autorisation des autorités sanitaires américaines pour la mise sur le marché de viande de culture [2].

Si l’agriculture cellulaire suscite un intérêt croissant, c’est avant tout parce que notre système de production alimentaire actuel génère des défis écologiques et sanitaires majeurs. En théorie, elle permettrait de réduire l’empreinte carbone de l’industrie agroalimentaire, de limiter la consommation d’eau et de terres agricoles, et de réduire la souffrance animale liée à l’élevage intensif et aux pratiques d’abattage. Cependant, ces promesses se heurtent à de nombreux défis, tant technologiques qu’économiques. La production à grande échelle de viande cultivée demeure coûteuse et énergivore, soulevant la question de sa réelle viabilité en tant qu’alternative aux modèles traditionnels. Par ailleurs, les incertitudes sur l’acceptabilité sociale et les potentielles conséquences sanitaires de ces produits nécessitent un encadrement rigoureux. Ainsi, l’agriculture cellulaire s’inscrit dans un débat plus vaste où se confrontent innovation technologique, préservation des traditions alimentaires, impératifs environnementaux et bien-être animal. Cet article analysera les fondements scientifiques de cette technologie, ses potentialités et ses limites, tout en examinant les enjeux éthiques, économiques et réglementaires liés à son développement.

I. Entre progrès et traditions : la viande cultivée au cœur d’un débat idéologique.

Alors que la viande cultivée émerge comme une réponse face aux enjeux alimentaires et environnementaux contemporains, elle cristallise néanmoins un débat idéologique marqué par deux postures opposées. D’un côté, certains dénoncent les dérives potentielles du modèle biotechnologique, tandis que de l’autre, une approche plus mesurée appelle à considérer sérieusement cette innovation pour répondre aux défis mondiaux croissants.

A) Les critiques du modèle biotechnologique.

Dans son ouvrage intitulé « Steak Barbare » [3], Gilles Luneau adopte une posture critique envers l’agriculture cellulaire, qu’il perçoit comme une rupture significative avec les systèmes agricoles traditionnels. Il met en exergue les implications sociales, économiques, éthiques et environnementales de la production de viande cultivée, soulignant les risques d’une industrialisation du Vivant et d’un éloignement des pratiques paysannes.

1. Un modèle éloigné des circuits paysans traditionnels.

Gilles Luneau insiste sur la rupture profonde que représente la viande cultivée par rapport au modèle agricole historique. Selon lui, cette technologie transforme radicalement le rapport entre l’homme et la production alimentaire, en substituant des pratiques artisanales et agricoles ancestrales par des procédés biotechnologiques industriels. Contrairement à l’élevage traditionnel, où l’agriculteur joue un rôle central dans l’entretien des animaux et la gestion des ressources naturelles, la viande cultivée repose entièrement sur une production en laboratoire, sous contrôle scientifique et industriel. Cette transition entraîne une déconnexion croissante entre producteurs et consommateurs, qui ne bénéficieraient plus de circuits de distribution courts et locaux, mais dépendraient d’un système alimentaire ultra-centralisé.

Or, l’argument selon lequel l’agriculture cellulaire accentuerait la déconnexion entre producteurs et consommateurs, se doit d’être nuancé. En effet, le système agroalimentaire actuel repose déjà largement sur des modes de production intensifs, centralisés et mondialisés, éloignés des circuits courts, encadrés par des logiques de rendement et de compétitivité, souvent au détriment des productions locales. À ce titre, la Politique Agricole Commune (PAC) de l’Union européenne a longtemps favorisé les grandes exploitations, renforçant cette centralisation, bien qu’aujourd’hui des réformes récentes cherchent à intégrer des considérations environnementales et de développement durable. Ainsi, l’agriculture cellulaire pourrait plutôt s’inscrire dans une reconfiguration du système, et non dans une rupture, en offrant potentiellement des productions décentralisées via des unités urbaines ou modulables, favorisant une relocalisation alternative.

Gilles Luneau met également en garde contre le risque de monopolisation du marché par de grandes entreprises de biotechnologie et des acteurs financiers puissants. Là où l’agriculture paysanne repose sur un maillage de petits exploitants, garants d’une diversité des productions et d’une relative autonomie alimentaire, la viande cellulaire pourrait voir un nombre restreint de multinationales prendre le contrôle de l’ensemble de la chaîne de production. En effet, cette technologie requiert des infrastructures coûteuses, des brevets et une expertise scientifique qui la rendent peu accessible aux agriculteurs traditionnels. Dès lors, ce modèle risque d’accentuer les inégalités d’accès aux ressources alimentaires, en faisant peser la production de protéines sur quelques entreprises dominantes, au détriment d’une souveraineté alimentaire décentralisée.

Toutefois, là encore, l’idéalisme attaché à l’agriculture paysanne, telle que présentée par cet auteur, occulte les profondes mutations que subit ce bio-modèle face à l’industrialisation croissante du secteur agricole. Loin d’être préservé, le maillage de petits exploitants est aujourd’hui mis à mal par la concentration foncière, la standardisation des pratiques et la dépendance accrue aux filières agro-industrielles. La diversité des productions s’en trouve appauvrie, tandis que l’autonomie alimentaire locale est compromise par la prééminence des circuits longs et mondialisés. En ce sens, l’agriculture cellulaire ne saurait être perçue comme une rupture aggravante, mais plutôt comme une réponse technologique susceptible de favoriser une relocalisation partielle de la production dans des environnements aujourd’hui déconnectés de l’activité agricole. Loin de s’opposer à toute forme de souveraineté alimentaire, elle ouvre une voie complémentaire, adaptée aux diverses contraintes contemporaines.

2. Un impact environnemental incertain.

L’un des principaux arguments avancés en faveur de la viande cultivée est sa prétendue réduction de l’empreinte environnementale par rapport à l’élevage traditionnel. Il est souvent avancé que la production de viande in vitro pourrait en effet permettre de réduire les émissions de gaz à effet de serre, la consommation d’eau et l’usage des terres agricoles. Cependant, cet argument est loin de faire consensus, et plusieurs études suggèrent que l’impact écologique de cette technologie pourrait être bien plus complexe qu’il n’y paraît.

D’une part, la culture cellulaire reposerait sur des infrastructures hautement sophistiquées nécessitant une consommation énergétique élevée. Contrairement aux pâturages naturels où les animaux se nourrissent directement d’herbes et de fourrages, la viande cultivée doit être produite dans un environnement contrôlé, à température constante, avec une alimentation en nutriments conçue en laboratoire et des bioréacteurs fonctionnant en continu. Ces équipements exigent d’importantes quantités d’électricité, et leur impact écologique dépendra en grande partie de la source d’énergie utilisée. Certains chercheurs estiment ainsi que si la production de viande cellulaire repose sur des énergies fossiles, son empreinte carbone pourrait être aussi élevée, voire supérieure, à celle de l’élevage conventionnel.

D’autre part, la viande cultivée nécessiterait l’usage de divers intrants biotechnologiques, tels que des milieux de culture sophistiqués à base de facteurs de croissance, d’acides aminés et de sérums spécialisés. La fabrication et l’approvisionnement de ces intrants soulèvent des questions en termes de durabilité et d’impact environnemental. Mais une fois encore, l’argument selon lequel la viande cultivée reposerait sur des intrants biotechnologiques complexes relève d’une rhétorique alarmiste destinée à susciter la méfiance du grand public. Comme pour toute innovation, les premières étapes du développement de l’agriculture cellulaire ont impliqué des procédés expérimentaux perfectibles, à l’image de l’utilisation initiale de sérum fœtal bovin, désormais abandonnée au profit de milieux de culture éthiques et entièrement synthétiques. Ce perfectionnement technologique contraste en réalité avec le recours massif et persistant aux intrants chimiques — pesticides, engrais de synthèse, antibiotiques — caractéristiques de l’agriculture intensive actuelle. Dès lors, il serait inexact de discréditer une technologie émergente en raison de ses origines expérimentales, tout en fermant les yeux sur les externalités négatives durables du modèle agricole dominant. Ainsi, loin d’être une solution miracle pour la transition écologique, la viande cultivée demeure un enjeu technologique complexe, dont l’impact réel sur l’environnement dépendra des choix énergétiques et industriels effectués dans les prochaines décennies.

B) Une vision plus nuancée : plaidoyer en faveur de l’agriculture cellulaire.

Les critiques venant d’être évoquées méritent d’être confrontées à des analyses plus nuancées. Nathalie Rolland, cofondatrice de l’association Agriculture Cellulaire France (aujourd’hui Institut Proteus), défend une approche pragmatique et plaide pour le développement de la recherche publique sur l’agriculture cellulaire [4].

1. Une alternative nécessaire face aux défis alimentaires mondiaux.

Selon une étude de l’ONU, la consommation mondiale de viande devrait augmenter de 76 % d’ici 2050, ce qui soulève des défis en termes de production durable. Cette hausse s’explique notamment par le développement des classes moyennes dans les pays émergents, où la viande est perçue comme un aliment nutritif et un marqueur de statut social. Or, cette demande croissante pose un défi de taille : comment répondre aux besoins alimentaires de près de 10 milliards d’êtres humains sans épuiser les ressources naturelles et sans intensifier la crise environnementale ? L’élevage intensif, tel qu’il est pratiqué aujourd’hui, consomme d’énormes quantités de ressources. Il mobilise à lui seul 77 % des terres agricoles mondiales, tout en ne fournissant que 18 % des calories consommées par l’humanité [5]. De plus, ce secteur est l’un des plus grands émetteurs de gaz à effet de serre (GES), générant 14,5 % des émissions mondiales de CO₂. La déforestation massive en Amazonie, liée à l’extension des pâturages et à la culture de soja pour nourrir le bétail, aggrave encore cette pression sur les écosystèmes naturels.

Face à ces enjeux, l’agriculture cellulaire apparaît comme une alternative prometteuse, capable de produire de la viande sans nécessiter d’immenses surfaces agricoles ni d’importants volumes d’eau. Une étude menée à l’Université d’Oxford estime que la viande cultivée pourrait réduire la consommation d’eau de 78 %, l’utilisation des terres agricoles de 99 % et les émissions de GES de 92 % par rapport à l’élevage traditionnel [6]. Contrairement aux bovins qui doivent être nourris pendant plusieurs années avant d’être abattus, la culture cellulaire permettrait d’obtenir une production plus rapide et moins coûteuse en ressources.

Un autre avantage réside dans la possibilité de produire de la viande localement, réduisant ainsi la dépendance aux importations de viande et l’empreinte carbone liée au transport. Dans des zones arides où l’élevage conventionnel est difficile, comme certaines régions d’Afrique et du Moyen-Orient, la viande cultivée pourrait offrir une solution viable pour améliorer la sécurité alimentaire, tout en limitant la surexploitation des sols et des réserves d’eau douce.

En somme, si la viande cultivée parvient à se démocratiser et à réduire ses coûts de production, elle pourrait répondre efficacement à l’explosion de la demande alimentaire mondiale, tout en limitant les dommages environnementaux causés par l’élevage intensif. Cependant, des défis techniques et économiques restent à relever avant que cette technologie ne puisse réellement rivaliser avec les modes de production traditionnels.

2. Une solution aux enjeux sanitaires et éthiques.

L’un des arguments majeurs en faveur de l’agriculture cellulaire concerne ses bénéfices potentiels pour la santé publique et le bien-être animal. En effet, l’élevage intensif tel qu’il est pratiqué aujourd’hui n’est pas exempt de risques sanitaires, notamment en raison de l’usage massif d’antibiotiques, des conditions d’élevage parfois précaires et de la concentration d’animaux dans des espaces restreints.

L’élevage industriel est aujourd’hui l’un des principaux foyers de maladies zoonotiques, c’est-à-dire des maladies transmissibles de l’animal à l’homme. L’Organisation mondiale de la santé (OMS) rappelle que 60 % des maladies infectieuses humaines et 75 % des maladies émergentes sont d’origine animale [7]. Des virus comme la grippe aviaire (H5N1, H7N9), la grippe porcine (H1N1) ou encore la maladie de Creutzfeldt-Jakob (encéphalopathie spongiforme bovine) sont directement liés aux systèmes d’élevage intensif.

L’agriculture cellulaire, en supprimant le besoin d’élever des animaux vivants pour produire de la viande, pourrait réduire considérablement ces risques sanitaires. Contrairement aux exploitations agricoles où les animaux vivent en promiscuité et partagent un même espace avec des agents pathogènes, les cellules cultivées en laboratoire sont isolées dans un environnement stérile et contrôlé, éliminant ainsi les risques de transmission de maladies infectieuses d’origine animale [8].

Un autre problème majeur de l’élevage intensif est l’utilisation massive d’antibiotiques. Leur usage excessif dans les exploitations agricoles favorise l’apparition de bactéries résistantes aux traitements médicaux, ce qui constitue aujourd’hui l’un des plus grands défis de la santé publique mondiale. La résistance aux antibiotiques est responsable de plus de 1,2 million de décès par an dans le monde [9]. La viande cultivée, produite dans un environnement sans contamination bactérienne, ne nécessite pas d’antibiotique, ce qui pourrait freiner cette crise sanitaire et préserver l’efficacité des traitements médicaux pour les générations futures.

D’un point de vue moral, l’un des principaux arguments avancés en faveur de la viande cultivée est qu’elle permettrait de mettre fin à la souffrance animale tout en continuant à produire des protéines animales pour la consommation humaine. Chaque année, plus de 80 milliards d’animaux terrestres sont abattus dans le monde pour la production de viande. La majorité d’entre eux proviennent d’élevages industriels, où les conditions de vie sont souvent jugées inacceptables : confinement extrême, mutilations systématiques (écornage, coupe des becs…), séparation précoce des mères et de leurs petits, et absence de stimulation naturelle.

La viande cultivée représente une alternative crédible à cette exploitation. Une simple biopsie d’un animal vivant permet de prélever les cellules souches nécessaires à la production de viande en laboratoire, sans causer de douleur ni entraîner l’abattage de l’animal. Certains chercheurs estiment que cette avancée pourrait réduire la production mondiale de viande issue de l’élevage d’environ 30 % d’ici 2040 si elle est soutenue par des politiques publiques adaptées.

Cette approche bénéficie d’un soutien croissant de la part des défenseurs des droits des animaux. Des organisations comme L214, PETA ou CIWF (Compassion in World Farming) considèrent l’agriculture cellulaire comme une transition pragmatique vers un monde où la consommation de protéines animales ne rimerait plus avec souffrance et exploitation [10]. Malgré ces avancées, l’acceptabilité sociale de la viande cultivée reste un défi de taille. Certains critiques estiment que cette innovation crée une rupture anthropologique avec la relation millénaire entre l’homme et l’animal, transformant la viande en un produit purement technologique. La philosophe Florence Burgat souligne quant à elle que la viande cultivée « pourrait représenter un premier pas de géant vers un monde sans tuerie animale » [11].

Si l’agriculture cellulaire représente une avancée technologique prometteuse, son développement ne peut se faire sans un cadre juridique adapté. Or, en Europe, la réglementation entourant cette innovation reste complexe et sujette à débat. Entre les exigences strictes de l’Union européenne et les approches divergentes des États membres, l’encadrement de la viande cultivée oscille entre ouverture à l’expérimentation et interdictions catégoriques.

II. L’agriculture cellulaire en Europe : entre conservatisme et évolutions normatives.

La viande cultivée se heurte à une opposition politique marquée en droit interne, freinant ainsi son développement dans plusieurs États européens. À l’échelle européenne, l’absence d’harmonisation claire laisse entrevoir un paysage juridique fragmenté, avec des positions nationales encore divergentes.

A) En droit interne : un rejet politique important.

En France, l’agriculture cellulaire, et plus spécifiquement la production de viande cultivée, fait l’objet d’un débat législatif intense, marqué par des initiatives visant à interdire son développement sur le territoire national.

1. Des initiatives législatives hostiles.

Le 5 décembre 2023, le député des Ardennes Pierre Cordier, affilié au groupe Les Républicains, a déposé une proposition de loi visant à interdire la production, la commercialisation et la vente de viande de synthèse en France [12]. Ce texte, soutenu par plusieurs députés du même groupe, met en avant plusieurs arguments pour justifier cette interdiction.

Tout d’abord, sur le plan de la santé publique, les signataires expriment leurs préoccupations quant aux effets potentiels de la consommation de viande cultivée sur la santé humaine. Ils soulignent notamment le manque de recul scientifique concernant les conséquences à long terme de ces produits.

Ensuite, en matière de bien-être animal, bien que la viande cultivée évite l’abattage, les députés pointent du doigt la collecte de cellules animales nécessaires à sa production pourrait engendrer des souffrances. De plus, ils craignent que cette nouvelle technologie ne banalise l’exploitation du Vivant sous d’autres formes, en transformant les animaux en simples fournisseurs de cellules. Or, il est pour le moins paradoxal de reprocher à l’agriculture cellulaire une instrumentalisation du Vivant, alors même qu’elle vise précisément à rompre avec les logiques d’élevage intensif, fondées sur la souffrance, la surexploitation et l’abattage massif. La collecte cellulaire, effectuée sans douleur et de manière ponctuelle, ne saurait être comparée à la violence systémique infligée aux animaux dans les filières dites traditionnelles. Laisser entendre que cette innovation banalise l’exploitation animale revient à inverser les responsabilités : c’est précisément le modèle en place qui a institutionnalisé la réduction de l’animal à un simple produit.

Enfin, concernant la préservation du modèle agricole français, la proposition met en avant la nécessité de protéger les filières d’élevage traditionnelles, perçues comme un élément essentiel du patrimoine culturel et gastronomique français. Les députés s’inquiètent de l’impact économique et social de la viande cultivée, qui pourrait constituer une concurrence déloyale et fragiliser l’économie rurale. L’inquiétude exprimée quant à une prétendue concurrence déloyale de la viande cultivée apparaît singulièrement infondée au regard de la réalité actuelle du marché. L’économie rurale européenne est déjà profondément fragilisée par des importations massives, notamment dans le cadre du projet d’accord de libre-échange avec cinq pays d’Amérique du Sud, nommé MERCOSUR (marché commun du sud), qui ouvrirait davantage le marché à des viandes produites selon des normes sociales, sanitaires et environnementales bien moindres. Il est dès lors paradoxal de dénoncer une innovation encore émergente, tout en soutenant, implicitement ou non, un mécanisme d’érosion économique bien réel. Ce procès d’intention reflète moins une défense cohérente du monde rural qu’un refus d’envisager des alternatives. Cette proposition de loi a été renvoyée à la Commission des affaires économiques pour examen.

Une seconde proposition de loi, déposée le 13 février 2024, réaffirme la volonté d’interdire la production et la vente de viande de synthèse en France [13]. Ce texte, également soutenu par des députés du groupe Les Républicains, reprend des arguments similaires, en insistant sur les risques que la viande cultivée ferait peser sur la santé publique, le bien-être animal et l’économie des filières d’élevage traditionnelles. Toutefois, cette proposition de loi repose sur une série d’assertions contestables, détachées des réalités économiques et sanitaires actuelles. Prétendre protéger les filières d’élevage traditionnelles, tout en restant silencieux sur les effets dévastateurs des importations de viandes à bas coût, revient à ignorer les véritables causes de leur fragilisation. Il semble difficile, voire incohérent, de brandir le principe de précaution contre une technologie qui serait encadrée, tout en tolérant des pratiques étrangères bien moins exigeantes.

De ce fait, bien qu’on puisse noter une certaine contradiction chez Les Républicains, qui dénoncent à la fois les excès de l’industrialisation alimentaire et s’opposent à une innovation qui pourrait pourtant en réduire certains effets, leur position sur la viande cultivée oscille entre la défense du terroir et le rejet d’un progrès perçu comme une menace. En revanche, bien que plusieurs propositions de loi hostiles à la viande cultivée aient été déposées récemment, en 2023 et 2024, avec des arguments portant sur la santé, l’économie rurale ou le bien-être animal, il convient de rappeler qu’un encadrement juridique existe déjà. La loi Climat et Résilience du 22 août 2021 interdit en effet, de manière préventive, la présence de denrées issues de cultures cellulaires animales dans la restauration collective publique [14]. Cette disposition, bien que peu médiatisée, manifeste une première forme de rejet institutionnel de la viande cultivée, en dehors de tout débat scientifique ou évaluation concrète de ses bénéfices potentiels. Toutefois, la crise du Covid-19 a crûment révélé la vulnérabilité de nos chaînes d’approvisionnement alimentaires. Dès lors, écarter d’emblée toute innovation alternative reviendrait à ignorer les leçons récentes en matière de résilience et de sécurité alimentaire.

2. Une opposition fondée sur des considérations culturelles et économiques.

Au-delà des considérations sanitaires et éthiques, l’opposition à l’agriculture cellulaire en France s’enracine dans des dimensions culturelles et économiques profondes. D’abord parce que la France est reconnue pour sa riche tradition culinaire et son attachement aux produits du terroir. L’introduction de viandes de synthèse est en effet perçue par certains comme une menace pour l’authenticité et la qualité des produits traditionnels, susceptibles de dénaturer le patrimoine gastronomique national.

Aussi, l’élevage représente une composante essentielle de l’économie agricole française, avec des milliers d’exploitations dépendant de cette activité. Les acteurs de la filière craignent que l’essor de la viande cultivée n’entraîne une diminution de la demande pour les produits issus de l’élevage conventionnel, mettant en péril la viabilité économique de nombreuses exploitations et, par conséquent, l’équilibre des territoires ruraux.

Cette opposition est également alimentée par des organisations professionnelles agricoles. Par exemple, le MODEF (Mouvement de Défense des Exploitants Familiaux [15] considère la viande cultivée comme une menace pour l’élevage français et soutient l’adoption de la proposition de loi visant à interdire sa production et sa commercialisation en France.

En conclusion, le cadre législatif français concernant l’agriculture cellulaire est marqué par une forte résistance politique, culturelle et économique, reflétant une volonté de préserver l’héritage des pratiques agricoles et gastronomiques face aux innovations biotechnologiques perçues comme disruptives.

B) Au niveau européen : une réglementation en construction.

L’avenir de l’agriculture cellulaire en Europe reste incertain et fait l’objet de nombreux débats à l’échelle européenne. Les réglementations strictes de l’Union européenne se heurtent aux divergences entre les États membres, où certains encouragent l’expérimentation tandis que d’autres interdisent la viande cultivée.

1. Un cadre réglementaire strict prévu par l’Union européenne.

À l’échelle de l’Union européenne, la commercialisation de la viande cultivée est soumise à une procédure d’autorisation encadrée par le règlement (UE) 2015/2283 relatif aux nouveaux aliments. Ce texte impose qu’un produit alimentaire n’ayant pas été consommé de manière significative avant 1997 fasse l’objet d’une évaluation rigoureuse par l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) avant de pouvoir être mis sur le marché [16]. Cette évaluation vise à garantir que le produit ne présente aucun risque pour la santé publique, qu’il est sûr pour les consommateurs, et qu’il ne trompe pas le consommateur sur ses caractéristiques nutritionnelles et compositionnelles.

Les premières démarches officielles ont d’ores et déjà été engagées en matière de viande cultivée. En effet, plusieurs entreprises ont récemment déposé des demandes d’autorisation auprès de l’EFSA, notamment la start-up française Gourmey qui souhaite commercialiser son foie gras cultivé [17] ou encore Mosa Meat, aux Pays-Bas, qui souhaite commercialiser de la graisse de bœuf cultivée [18]. Ces initiatives témoignent d’un mouvement concret vers une intégration progressive de cette technologie dans le paysage alimentaire européen. Une fois une demande déposée, l’EFSA dispose d’un délai de neuf mois pour évaluer le produit, bien que ce délai puisse être prolongé si des informations complémentaires sont requises. L’autorisation finale est ensuite accordée par la Commission européenne et les États membres, qui peuvent exiger des restrictions spécifiques en fonction des réglementations nationales.

Si l’Union européenne adopte une approche prudente, les États membres affichent des positions divergentes sur la viande cultivée. D’un côté, certains pays, comme l’Italie, ont pris une position résolument hostile. Le 16 novembre 2023, le gouvernement italien a adopté une loi interdisant la production, la vente, l’importation et l’exportation de viande cultivée sur son territoire [19]. Cette décision repose sur une volonté de protéger la culture gastronomique italienne, de soutenir les éleveurs et d’éviter une industrialisation jugée excessive du secteur alimentaire. L’Italie considère que la viande in vitro remet en cause l’authenticité de ses traditions culinaires et pourrait destabiliser les filières agricoles [20].

À l’inverse, des États comme les Pays-Bas et Singapour ont adopté une approche beaucoup plus favorable à cette innovation. Les Pays-Bas ont été l’un des premiers pays à financer la recherche sur la viande cultivée et ont récemment adopté un cadre législatif permettant des tests de dégustation en conditions contrôlées, une étape essentielle avant une éventuelle mise sur le marché [21]. Singapour, quant à lui, est le premier pays au monde à avoir autorisé la vente de viande cultivée en 2020, avec l’approbation des bouchées de poulet produites par la société Eat Just [22].

2. Un soutien croissant en faveur de la viande cultivée.

Malgré ces obstacles, des voix s’élèvent en faveur du développement de l’agriculture cellulaire en Europe. Des associations, comme Institut Proteus, plaident pour un encadrement réglementaire clair et pragmatique, afin de permettre aux entreprises européennes d’innover sans être pénalisées par des blocages administratifs. Elles mettent en avant les bénéfices potentiels de cette technologie [23], notamment en matière de durabilité environnementale (réduction des émissions de gaz à effet de serre, moindre utilisation des ressources naturelles) et de bien-être animal (absence d’abattage et réduction de l’exploitation animale).

Certaines institutions et think tanks européens, comme la Fondation pour l’innovation alimentaire, encouragent également les pouvoirs publics à soutenir la recherche et le développement dans ce domaine, afin de ne pas laisser l’Europe à la traîne face aux États-Unis et à l’Asie, qui investissent massivement dans cette technologie.

Ce soutien trouve également son origine dans l’engagement citoyen en faveur d’un changement plus profond des modes de production alimentaire. En témoigne l’Initiative Citoyenne Européenne, enregistrée par la Commission européenne en 2022, qui plaidait pour la réallocation des subventions agricoles. Son objectif était de détourner les aides destinées aux éleveurs dits «  traditionnels  », au profit de projets portant sur l’agriculture cellulaire et les cultures végétales [24]. Ces dynamiques illustrent ainsi une volonté croissante d’explorer des alternatives plus éthiques et respectueuses de l’environnement et des animaux. L’avenir de la viande cultivée en Europe dépendra donc des décisions réglementaires prises dans les prochaines années, mais aussi de la capacité des gouvernements à trouver un équilibre entre innovation et protection des traditions agricoles et à répondre aux aspirations nouvelles de leurs populations.

Conclusion.

L’avenir de l’agriculture cellulaire, en France et en Europe, ne se résume pas à une simple question de réglementation. Il s’inscrit dans un débat plus vaste sur la place de l’innovation dans notre rapport au Vivant et à l’alimentation. Sommes-nous condamnés à nous figer dans un modèle hérité du passé, ou avons-nous le courage d’explorer de nouvelles voies, porteuses d’un avenir plus durable et éthique ?

Les controverses législatives qui entourent cette technologie révèlent une tension fondamentale entre tradition et modernité, entre la préservation d’un héritage culturel et l’impératif d’adaptation aux défis contemporains. Toutefois, il convient de demeurer vigilant : nombre de discours se réclamant de la tradition servent en réalité la pérennisation d’un modèle agricole intensif, peu soucieux du Vivant. La récente volonté de supprimer l’Office français de la biodiversité ou l’Agence Bio illustre cette contradiction, en affaiblissant les instances garantes du respect des normes environnementales. De surcroit, les traditions ne sont pas immuables. À titre d’illustration, face à une sécheresse exceptionnelle et à une hausse préoccupante des prix du bétail, le Maroc a récemment fait le choix, sous l’impulsion du roi Mohammed VI, d’appeler à la suspension du sacrifice rituel de l’Aïd al-Adha pour l’année 2025. Loin d’un simple renoncement, cette décision inédite témoigne d’une capacité d’adaptation pragmatique aux contraintes environnementales et économiques contemporaines [25]. Elle ouvre, en creux, la voie à une réflexion plus large sur nos modèles alimentaires et leur soutenabilité. Dans cette perspective, l’agriculture cellulaire pourrait constituer une alternative éthique et résiliente, capable de concilier respect des traditions, préservation du Vivant et souveraineté alimentaire.

Refuser d’encadrer l’agriculture cellulaire sous prétexte qu’elle bouleverse nos repères, c’est risquer de se priver d’une solution potentiellement révolutionnaire face aux crises environnementale et alimentaire qui s’annoncent. L’Histoire nous enseigne que le progrès ne doit pas être aveugle, mais qu’il ne peut non plus être entravé par la peur du changement.

Plutôt que de rejeter cette innovation sous le coup de réflexes protectionnistes, il appartient aux législateurs d’envisager une régulation éclairée, fondée sur la science et la raison, et non sur des craintes injustifiées. Une approche prudente mais ouverte permettrait d’encadrer l’agriculture cellulaire de manière à garantir transparence, sécurité et bénéfices environnementaux.
L’enjeu n’est pas seulement économique ou technologique : il est éthique, politique et profondément humain. C’est en embrassant la complexité de cette question que nous pourrons façonner un cadre législatif à la hauteur des promesses et des défis que cette révolution alimentaire porte en elle.

Par Léa Badja, Omayma El Battahi, Léa Ko-Alart et Yasmine Sakho, étudiantes de la Clinique juridique One Health-Une seule santé, promotion 2024-2025,
Sous la direction de Aloïse QUESNE
Maître de conférences en droit privé à l’Université Paris-Saclay
Membre de l’Institut universitaire de France
Directrice de la Clinique juridique One Health-Une seule santé
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Notes de l'article:

[1A. Quesne (dir.), Agriculture cellulaire : les enjeux juridiques et éthiques de l’alimentation de demain, préface de G. Chapouthier, Livre blanc, Clinique juridique One Health-Une seule santé, 2022 : https://cjonehealth.hypotheses.org/1061

[2U.S. Food and Drug Administration, FDA Completes First Pre-Market Consultation for Human Food Made Using Animal Cell Culture Technology, 16 nov. 2022.

[3G. Luneau, Steak barbare : Hold-up végan sur l’assiette, Éditions de l’Aube, 2020.

[4Collectif, “Il faut developer la recherché publique sur l’agriculture cellulaire”, Le Monde, 26 mai 2021, en ligne.

[5FAO, The Future of Food and Agriculture : Alternative Pathways to 2050, 2018.

[6Tuomisto, H. L., & Teixeira de Mattos, M. J, Environmental impacts of cultured meat production, Environmental Science & Technology, 2011.

[7OMS, Rapport mondial sur les zoonoses, 2021.

[8Institut Pasteur de Lille, "Environnement et santé humaine : les liens invisibles", Pasteur-lille.fr, 2 juin 2025.

[9Rahbe E. et al., Determinants of worldwide antibiotic resistance dynamics across drug-bacterium pairs : a multivariable spatial-temporal analysis using ATLAS, The Lancet Planetary Health, Volume 7, 2023.

[10M. Reinert, « Quand viande cellulaire et défenseurs des animaux font bon ménage », Reporterre, 23 févr. 2023, en ligne.

[11F. Burgat in S. Faure, « Viande cellulaire. Florence Burgat : " La viande de synthèse répond aux contradictions contemporaines" », Libération, 4 déc. 2020, en ligne.

[12Proposition de loi tendant à interdire la production, la commercialisation et la vente de viande de synthèse en France, n°1965, déposée le mardi 5 décembre 2023.

[13Proposition de loi visant à interdire la production et la vente de viandes de synthèse, n°2172, déposée le mardi 13 février 2024.

[14Art. 254 de loi n°2021-1104 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, codifié à l’article L. 230-5 du code rural et de la pêche maritime.

[15Mouvement de défense des exploitants familiaux (MODEF) est un syndicat agricole français créé en 1959.

[16Règlement (UE) 2015/2283 du Parlement européen et du Conseil du 25 novembre 2015 relatif aux nouveaux aliments.

[17S. Sanchez Manzanaro, « Une entreprise française dépose la première demande de commercialisation de viande cultivée en laboratoire dans l’UE”, Euractiv, 26 juill. 2024, en ligne.

[18M. Simon Arboleas et S. Sanchez Manzanaro, « Une entreprise demande de commercialiser dans l’UE de la graisse de bœuf produite en laboratoire », Euractive, 22 janv. 2025, en ligne.

[19Loi n°172, in G.U. n°281 del 1° dicembre 2023, serie generale, n°281.

[20Contra : D. Cerini, « Réflexions sur l’interdiction de la viande cellulaire par le droit italien à l’aune du bien-être des animaux et de la Nature », in A. Quesne (dir.), colloque « L’innovation au service du bien-être des animaux et de la Nature », 12 déc. 2024, Université Evry Paris-Saclay : https://www.youtube.com/watch?v=eiAOM6SaInk&t=8002s

[21Ministère néerlandais de l’Agriculture, Regulatory framework for cultured meat trials in the Netherlands, 2023.

[22Singapore Food Agency, Approval of cell-based chicken by Eat Just Inc., 2020.

[23Fondation pour l’innovation alimentaire, Rapport sur les opportunités de la viande cellulaire en Europe, 2023.

[24ICE, End The Slaughter Age (Sortir de l’ère de l’abattage).

[25Le Monde avec AFP, “Le roi du Maroc appelle à ne pas sacrifier le mouton de l’Aïd en raison de la sécheresse”, Le Monde, 27 févr. 2025, en ligne.

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