La médiation a toujours existé sans qu’il fût besoin de livres ou de médiateurs formés. Dans les sociétés tribales, dans les villages, au sein de groupes constitués, la justice consistait à recréer le lien social, car les parties devaient continuer à traiter l’une avec l’autre, à cohabiter. Dans un univers clos (famille tribu, groupe de travail), les tiers ne pouvaient laisser s’envenimer des conflits et tentaient de s’interposer en permettant à chacune des parties d’exprimer son sentiment.
Lorsque l’Etat prend la fonction de rendre la justice, il cherche uniquement à déterminer qui a tord qui a raison, au regard des lois en vigueur, qui est responsable et à combien s’élève le dédommagement.
Dans les années 1970, la médiation judiciaire est née d’une pratique prétorienne principalement en matière de conflits collectifs du travail puis en matière familiale.
Des magistrats ont favorisé l’instauration de médiations après avoir constaté que certaines décisions juridiquement fondées :
ne pouvaient donner une solution pleinement satisfaisante ;
présentaient des conséquences manifestement choquantes ou excessivement graves, en particulier sur le plan humain ;
présentaient des difficultés d’exécution, car mal acceptées ;
ne favorisaient pas la reprise du dialogue et rendaient illusoire tout espoir de renouer des liens (le procès met de l’huile sur le feu).
C’est à partir de cette pratique que la loi du 8 février 1995, organisant la médiation, a été adoptée.
« Alors émerge une conception moderne de la Justice, une Justice qui observe, qui facilite la négociation, qui prend en compte l’exécution, qui ménage les relations futures entre les parties, qui préserve le tissu social (Guy Canivet, Premier président de la Cour de cassation).
Aujourd’hui, les médiateurs s’accordent pour définir la médiation comme :
« Un processus structuré, volontaire et coopératif de prévention et de résolution amiable des différends qui repose sur la responsabilité et l’autonomie des participants.
Initiée par les intéressés eux-mêmes, leurs conseils, les représentants d’une organisation ou un magistrat, la médiation fait intervenir un médiateur dûment formé, tiers indépendant, neutre et impartial. Facilitateur de communication, sans pouvoir de décision ni rôle d’expertise technique ou de conseil, le médiateur favorise le dialogue et la relation, notamment par des entretiens et rencontres confidentiels ». (Extrait du Livre blanc de la Médiation - page 10)
La médiation est le seul espace, dans l’arsenal des modes de règlement amiable des litiges, permettant aux participants d’exprimer leurs sentiments, ce que la justice refuse, et de s’affronter directement sans que leurs mots soient traduits dans le langage judiciaire dont l’avocat se porte garant.
En médiation, chacun « vide son sac » libérant ainsi les sentiments négatifs (tromperie, peurs, échecs, violences, etc. ) qui produisent et alimentent le terreau du conflit. Grâce au médiateur empathique, le conflit se rejoue pour se déjouer définitivement.
Le médiateur est le pair à qui les membres d’un groupe ou d’une communauté faisaient confiance dans ses capacités à renouer le dialogue. Le médiateur, tiers à la communauté, s’est donné pour éthique de ne pas prendre parti, d’être sans jugement et de mettre tout en oeuvre pour libérer la parole des participants.
Libérer la parole ne signifie pas écouter sans rien faire. Libérer la parole c’est accueillir les mots et les reformuler afin de permettre à l’autre de les entendre.
Car un conflit nait souvent d’un mal-entendu, un mal-compris, une supposition, une croyance.
Le médiateur sait que :
« Entre
Ce que je pense
Ce que je veux dire
Ce que je crois dire
Ce que je dis
Ce que vous avez envie d’entendre
Ce que vous croyez entendre
Ce que vous entendez
Ce que vous avez envie de comprendre
Ce que vous croyez comprendre
Ce que vous comprenez
Il y a dix possibilités que l’on ait des difficultés à communiquer
Mais essayons quand même »
Bernard Weber - tentative « l’encyclopédie du savoir relatif et absolu » 1993.