Ainsi, le locataire peut donner congé à tout moment (art.12 de la loi du 6 juillet 1989). Il doit, par principe, respecter un préavis d’une durée de 3 mois. Ce délai étant de droit commun, le locataire n’a pas à justifier du motif de son congé pour en bénéficier.
En revanche, la loi prévoit, dans certaines circonstances, un délai dérogatoire réduit à un mois. Dans cette hypothèse, le locataire doit justifier du motif de son congé au moment de « l’envoi de la lettre de congé » [1]. En l’absence de motivation conforme, le locataire sera soumis au congé trimestriel. En tout état de cause, le point de départ du congé court soit à compter de la réception du courrier RAR – ce qui implique une réception dudit courrier -, soit à la date de la signification de l’acte d’huissier, soit à celle de l’émargement.
Les 5 cas permettant un préavis réduit doivent être distingués des deux situations suivantes :
d’une part, de la situation dans laquelle le bailleur accepte que le locataire quitte les lieux sans respect du préavis afférent (le locataire partant est remplacé par un nouveau locataire avant la fin du préavis). Ainsi, le locataire peut être libéré de tout préavis restant à courir [2] ;
d’autre part, du cas où le logement loué est insalubre (L.1331-1 et s du Code de la santé publique) et/ou indécent au sens du décret 2002-120 du 30 janvier 2002. La situation est alors d’une telle gravité que le départ sans préavis peut être admis par les juridictions. Dans ce cas, la question n’est pas celle du motif du préavis, mais de la violation de son obligation de délivrance par le bailleur.
Dans le cadre de l’étude des 5 cas permettant un préavis réduit à un mois, il convient de s’attacher aux circonstances de chaque situation et d’insister sur l’ambiguïté de l’obligation de motivation afférente au congé donné en « zones tendues ».
1. Sur les territoires mentionnés au premier alinéa du I de l’article 17
Il s’agit d’une innovation de la loi ALUR. L’article 17 I de la loi de 1989 se rapporte aux zones tendues, définies par le décret 2013-392 du 10 mai 2013, qui précise les 28 agglomérations regroupant 1151 communes dans une situation de déficit locatif. Dans les faits, toute location vide soumise à la loi de 1989 située à Bordeaux, Arles, Bastia, Marseille, Nantes, Nice ou Paris, par exemple, bénéficiera du préavis mensuel. Une question semble cependant toujours se poser : est ce que le bénéfice au préavis d’un mois est automatique, ou doit-il être justifié par le locataire qui donne congé ? En effet, une lecture stricte de l’article 15 I de la loi de 1989 imposerait de motiver son congé, alors même que le motif est inhérent au lieu du bien confié à la location. A ce jour, il semblerait qu’un éclaircissement soit attendu sur ce point [3].
2. En cas d’obtention d’un premier emploi, de mutation, de perte d’emploi ou de nouvel emploi consécutif à une perte d’emploi
Premier emploi. Sous réserve de l’appréciation souveraine des juges, la date de l’affiliation à la sécurité sociale est la date de référence du premier emploi [4].
Perte d’emploi. Tel est le cas du terme d’un CDI, d’un CDD [5], du terme d’une mission temporaire de 10 jours [6], ou enfin, le cas de l’arrêt des représentations du locataire intermittent du spectacle [7]. Le motif de la fin du contrat de travail doit être précisément indiqué [8]. Le fait que le certificat de fin de contrat soit fixé par le père du locataire n’enlève rien à sa valeur probante [9]. Cependant, il doit y avoir une causalité directe entre perte d’emploi et le préavis réduit : il ne peut être justifié du bénéfice d’un préavis réduit pour motif de licenciement du locataire, intervenu six mois avant l’envoi de son congé [10]. La prise d’acte est considérée comme étant une démission, sauf preuve contraire apportée par le locataire qui prétend au bénéfice du préavis abrégé [11]. La rupture conventionnelle du contrat de travail conduit à une perte d’emploi [12]. Le fait de justifier d’être indemnisé par Pôle Emploi justifie la perte d’emploi [13]. Enfin, la Cour de cassation exclut de manière générale les professionnels libéraux de ces exceptions [14] [15].
Mutation. La mutation effective, qu’elle soit de l’initiative de l’employeur ou de l’employé, donne droit au préavis réduit à un mois [16]. L’éventualité d’une mutation n’est pas suffisante pour bénéficier d’un préavis réduit [17]. Une réinstallation du locataire à 14 km du logement pour lequel il a donné congé en raison d’une mutation, ne justifie pas du caractère frauduleux de l’acte attestant la mutation. En effet, l’éloignement géographique n’est pas une condition à l’application du délai de préavis réduit [18].
Un nouvel emploi consécutif à une perte d’emploi. Il faut que la perte d’un emploi et que le nouvel emploi consécutif surviennent au cours du même bail [19].
Pour aller plus loin. Les motifs relatifs aux cursus pédagogiques (études universitaires notamment) sont exclus. Cependant, cette exclusion n’est d’un point de vue personnel, pas irrémédiable, les étudiants pouvant préférer aux locations vides, des locations meublées – préavis d’un mois - ou, des baux étudiants d’une durée non tacitement reconduite de 9 mois. On peut également citer le refus du préavis réduit justifié par un document administratif délivré par les autorités d’un pays étranger justifiant l’enregistrement du locataire sur les registres du travail de ce pays [20]. Ou encore, le refus pour une « suppression de poste » émanant de l’épouse du locataire, cotitulaire du bail, qui aurait été produite par pure opportunité [21]. Enfin, une période de chômage subie par le locataire ne rentre pas dans les exceptions de l’article 15, « qui ne prévoit que des cas de modification de la situation professionnelle » du locataire [22].
3. Pour le locataire dont l’état de santé, constaté par un certificat médical, justifie un changement de domicile. La loi ALUR supprime la condition d’âge. En conséquence, la production d’un certificat médical est indispensable [23]. Ce dernier doit préciser la nécessité pour le locataire de déménager [24]. Le bénéfice de cette disposition n’est pas subordonné à « la nécessité soudaine de changement de domicile » [25]. Enfin, le bailleur ne peut se prévaloir du fait que les problèmes de santé de son locataire préexistaient à la souscription du bail, son état s’étant progressivement dégradé [26].
4. Pour les bénéficiaires du revenu de solidarité active ou de l’allocation adulte handicapé. La loi ALUR permet dorénavant aux locataires bénéficiaires de l’allocation adulte handicapé de bénéficier du préavis réduit. Avant l’entrée en vigueur du RSA, le RMI justifiait le bénéfice du préavis réduit [27]. Seule une preuve de perception effective du RSA peut justifier le bénéfice du préavis réduit d’un mois [28].
5. Pour le locataire qui se voit attribuer un logement défini à l’article L.351-2 du Code de la construction et de l’habitation. Il s’agit d’un ajout de la loi ALUR. Ce cas d’ouverture permet la réduction du préavis de 3 mois à 1 mois en cas d’obtention/d’attribution d’un logement locatif conventionné. Cet ajout de la loi ALUR donne satisfaction aux « tentatives » parlementaires de voir, à tout le moins, les jeunes locataires du parc privé, bénéficier d’un préavis réduit d’un mois lorsqu’ils accédaient au parc social [29].
Discussions en cours :
Bonjour et bravo pour cet article fort complet et bien documenté.
J’ai une question un peu technique sur le préavis réduit : le motif "perte d’emploi" peut-il s’appliquer à un locataire qui aurait mis fin à sa période d’essai de sa propre initiative ?
Merci par avance !
Et pour être complet, nous pouvons aussi évoquer les dispositions particulières du II de l’article L.353-15 du Code de la construction et de l’Habitation prévoyant que "par dérogation au I de l’article 15 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986, le délai de préavis applicable au congé donné par un locataire d’un logement mentionné à l’article L. 353-14 qui bénéficie de l’attribution dans le parc du même bailleur d’un autre logement mentionné au même article est ramené à un mois. Ce délai est de deux mois si les deux logements appartiennent à des bailleurs différents."
Bonjour et merci pour cet article auquel je voudrais apporter une précision.
La Loi ALUR ne s’impose qu’en cas de location affectée à titre de résidence principale, la définition de la RP étant précisée dans la Loi ALUR.
Et ensuite le préavis ne peut courir qu’à compter de la prise d’effet du contrat.
Aussi un locataire qui donne congé avant la prise d’entrée dans les lieux ne peut sérieusement soutenir avoir fait du logement sa résidence principale. Il doit donc trois mois à compter de la prise d’effet du bail sauf à avoir été remplacé avant.
Il peut en être de même pour un bail ayant duré moins de 8 mois, la charge de la preuve incombant au bailleur, il est important de connaître les motivations du locataire.
J’ai déjà soulevé, avec succès, une exception d’incompétence devant la commission de conciliation pour non reconnaissance de RP.
Cordialement