La TVA sur les honoraires de résultat des avocats : précisions jurisprudentielles sur l’exigibilité.
Une jurisprudence récente qui clarifie le régime d’exigibilité.
Les praticiens du contentieux fiscal ont été récemment fixés sur un point qui faisait l’objet d’incertitudes persistantes : la date d’exigibilité de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) applicable aux honoraires de résultat perçus par les avocats.
Par un arrêt en date du 25 avril 2024 [1] confirmé par une décision de non-admission du pourvoi le 17 mars 2025 [2], il a été jugé que la TVA est exigible sur la totalité des honoraires de résultat dès leur encaissement, même si ces derniers sont susceptibles d’être restitués ultérieurement.
Le contexte contentieux : une contestation fondée sur la notion d’acompte.
Les faits à l’origine du litige.
Dans cette affaire, un avocat avait perçu des honoraires de résultat à la suite d’un succès obtenu en référé devant un tribunal administratif. Le client concerné avait obtenu une provision judiciaire, sur laquelle l’avocat avait prélevé ses honoraires, considérant qu’il s’agissait d’un acompte provisionnel, et que la TVA n’était pas exigible tant que la prestation globale n’était pas définitivement acquise.
Or, dans le cadre de la procédure ultérieure, la cour administrative d’appel a jugé que :
- les honoraires étaient la contrepartie d’une prestation juridiquement achevée, à savoir la représentation et le conseil devant le juge des référés ;
- l’éventualité d’une restitution partielle n’était pas de nature à rendre la prestation incertaine ;
- dès lors, la TVA était exigible dans son intégralité au moment de l’encaissement.
Le fondement juridique de l’exigibilité.
Le fondement légal retenu est l’article 269, 2-c du Code général des impôts, selon lequel : « La taxe est exigible [...] lors de l’encaissement des acomptes, du prix ou de la rémunération, à concurrence du montant encaissé ».
Toute la question était donc de savoir si la somme encaissée par l’avocat devait être assimilée à un acompte sur une prestation incertaine, ou à la contrepartie d’une prestation déterminée et achevée.
L’analyse des juridictions administratives : une prestation achevée et déterminée.
Les critères d’exigibilité posés par la jurisprudence.
La jurisprudence confirme ici que, pour qu’un acompte ne rende pas la TVA exigible, deux conditions cumulatives doivent être remplies :
- la prestation future doit être incertaine quant à sa réalisation ;
- les éléments du fait générateur ne doivent pas être encore entièrement connus au moment du versement de l’acompte, notamment en l’absence d’une désignation précise du service.
Or, en l’espèce :
- la prestation de l’avocat (représentation en référé) était parfaitement déterminée et définitivement réalisée ;
- le paiement opéré ne correspondait pas à une avance sur une procédure ultérieure, mais à la rémunération d’un succès juridiquement obtenu ;
- le remboursement partiel ultérieur (lié à un succès moindre en appel) ne modifie pas le caractère achevé et certain de la mission initiale.
Dès lors, la taxe devait être liquidée et déclarée sur le montant total encaissé, sans possibilité de report.
Doctrine administrative confirmée.
Cette lecture est parfaitement conforme à la doctrine administrative, laquelle prévoit expressément que les provisions perçues au titre d’honoraires sont soumises à TVA dès leur encaissement, à l’exception des sommes qualifiables de débours, régis par un régime particulier.
Quelles conséquences pratiques pour les avocats assujettis à la TVA ?
L’encaissement, critère déterminant.
Cette affaire rappelle une règle essentielle : l’encaissement effectif constitue le critère clé de l’exigibilité de la TVA pour les avocats relevant du régime de la comptabilité de trésorerie.
Ainsi, pour les honoraires de résultat :
- toute somme encaissée doit être déclarée à la TVA, même en cas de provision judiciaire ;
- une régularisation ultérieure (ex : restitution partielle à la suite d’un échec en appel) n’efface pas l’exigibilité initiale, mais peut faire l’objet d’un avoir ou d’un remboursement partiel selon les modalités prévues à l’article 271 du CGI.
Recommandations pour les avocats.
À la lumière de cette jurisprudence, il convient de :
- facturer immédiatement la TVA sur tout honoraire de résultat perçu, quelle que soit la phase procédurale ;
- conserver une documentation détaillée sur la nature et le fondement juridique des prestations facturées, en particulier pour les missions complexes ou évolutives ;
- ne pas assimiler une provision judiciaire à un simple acompte tant que la prestation rémunérée est juridiquement réalisée.
En cas de remboursement partiel.
Lorsque l’avocat restitue une partie des honoraires à la suite d’un revirement de décision ou d’un accord transactionnel :
- il peut, dans certaines conditions, corriger la base d’imposition ;
- la TVA initialement versée peut faire l’objet d’une demande de restitution, sous réserve de justifications précises et de l’établissement d’un avoir.
Une jurisprudence à portée générale.
Cette décision, bien qu’issue d’un contentieux individuel, aura sans nul doute une portée normative dans la pratique des avocats fiscalement assujettis. Elle renforce la lecture déjà soutenue par l’administration fiscale et offre un cadre d’interprétation sécurisant, bien que rigoureux.